Diplômé de la ...

Diplômé de la Baie-des-Bacons

Vous auriez aimé mon parrain Louis-Albert, le mari de ma douce tante Marie. Louis-Albert n’est pas allé à l’école longtemps. En voyant ses neveux et nièces partir étudier à Québec, ma tante se réconfortait dans son isolement à Forestville, en nous racontant, avec une pointe d’ironie, que son Louis-Albert, aussi, avait fait la grande école… «Y’é allé à l’université de la Baie-des-Bacons!» Du nom d’un tout petit hameau sur le bord du fleuve, où les maisons se comptent sur les doigts d’une main.

Mon oncle Louis-Albert n’a pas raté sa vie pour autant. Commis d’épicerie le jour, arbitre à la balle-molle le soir, barman la fin de semaine, guide de pêche l’été, il n’a pas manqué d’ouvrage. Quant on y allait en visite, il aimait amener les jeunes ados que nous étions à l’église, le dimanche. C’est le petit mensonge qu’il contait à tante Marie pour nous sortir de son modeste logement situé au 2e étage et nous amener tout droit à… l’hôtel (avec un «h» et un «ô»), saluer les danseuses qui s’y étaient trémoussées la veille avant de repartir pour la grande ville. Peut-être bien reprendre les cours à l’université, comme elles le faisaient accroire aux clients trop entreprenants. De retour à la maison, l’oncle passait prendre le Prions en église, notre alibi, et, l’âme en état de grâce, on rentrait humer les bonnes odeurs du dîner déjà prêt à servir.

Devenu veuf, il était venu nous voir, une fois, à Lac-Mégantic. Louis-Albert, le solitaire, avait été pas mal impressionné par la grosse coupole de l’observatoire astronomique. Ça se passait bien des années avant la création du parc national et la construction de l’Astrolab.

S’il n’avait pas été découvert mort sur le bol de toilettes, par sa sœur inquiète de ne pas avoir reçu de ses nouvelles depuis une semaine, Louis-Albert, le diplômé de la Baie-des-Bacons, serait tombé à la renverse de son siège de char en pénétrant dans le nouveau carrefour de l’entonnoir, à l’entrée de la ville.

C’est là que je voulais vous amener, au terme de ce p’tit détour par la Baie-des-Bacons. Le carrefour giratoire fait jaser. Il en fait même déjà rager plusieurs. Pas tellement parce que les bouchons de circulation s’étirent parfois jusqu’au poste de police, aux heures de pointe, mais surtout pour ce que les ingénieurs du ministère des Transports n’ont pas prévu, eux qui sont allés pourtant dans les grandes universités du haut savoir et en sont ressortis avec un vrai diplôme en poche. Si les «gars de truck» avaient été consultés, au moins! Mais les longues années de route d’un «truckeur» n’ont pas d’équivalence dans le monde scolaire.

Il s’en dit des choses chez le monde ordinaire à propos du carrefour-entonnoir; par exemple, qu’avec une seule voie de circulation, plutôt que deux, ce sera pas le bonheur total de s’y engouffrer, que les gros fardiers risquent de perdre le nord, que même les équipes de la voirie auront de la misère à manœuvrer avec la gratte, que des entrées de cours ont été oubliées sur le dessin et qu’il faudra faire vite pour libérer la voie unique quand surviendra un accrochage ou pire encore, un accident. Ça va finir par arriver, immanquablement! Et par où va-t-on détourner le trafic, pensez-vous? Par Ste-Cécile d’un bord et Piopolis de l’autre? Et comment va se décongestionner le bouchon après le passage d’un convoi ferroviaire assez long pour bloquer à la fois la voie de contournement, la rue Laval et la 138? Et quand la tempête fera rage, ce qui va aussi finir par arriver immanquablement, où est-ce que les bancs de neige vont être soufflés?

Mais, sans doute que je m’inquiète pour rien; ça paraît que je n’ai pas le génie des ingénieurs. Le gros bon sens me chuchote que les bons vieux systèmes de feux de circulation auraient mieux fait l’affaire, à un carrefour appelé à jouer un rôle aussi important sur le réseau routier local. Au pire, quatre panneaux d’arrêt-stop obligatoires. Mais non, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?

En passant dans Charlevoix, cet été, j’ai découvert avec stupeur l’apparition d’une petite copie de notre carrefour giratoire à la sortie du village de Saint-Irénée. Un beau petit rond en plein milieu d’un beau petit détour, où débouche un beau petit rang de campagne en gravier. Et devinez quoi? Une fois inauguré, les ingénieurs ont dû corriger leur erreur… les camions ne réussissaient même pas à contourner l’obstacle. Fallait qu’ils repartent en marche arrière et attendent que la voie inverse se libère pour l’emprunter à leurs risques et périls. Les ingénieurs n’avaient pas calculé l’angle de braquage d’un fardier de 40 pieds! D’un coup de baguette magique, on a transformé une simple courbe à 90 degrés en un presque tour complet à 260 degrés! Et c’est sans compter les automobilistes du coin qui en avaient perdu le sens de l’orientation. Dans leur jeunesse, on leur avait enseigné à la petite école que le chemin le plus court entre deux points, c’était la ligne droite! Les ingénieurs ont toujours trouvé ça trop simple, un calcul pareil!

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