Prévisible, la folie meurtrière?

«Il serait illusoire de penser que nous pouvons enrayer les homicides intrafamiliaux, mais si nous pouvons en réduire l’occurrence en mettant en place de nouvelles mesures de prévention ou en développant des services supplémentaires, nous le ferons. Aucune famille ne devrait connaître la souffrance qu’occasionnent de tels drames.»

Voilà ce que déclarait le ministre de la Santé, Yves Bolduc, en octobre 2011, au moment de la création du comité d’experts mandaté pour réaliser une analyse de l’état de situation sur l’ampleur du phénomène des drames intrafamiliaux au Québec et formuler toute recommandation pour prévenir ce type d’homicides, «en cohérence avec les orientations ministérielles, notamment en matière de violence conjugale et de santé mentale.»

Le ministre Bolduc n’avait plus le choix. Le verdict rendu par un jury dans l’affaire Guy Turcotte avait plongé la population québécoise dans le doute sur le sentiment de justice rendue au Québec. Le cardiologue avait tué ses deux enfants avant de tenter de s’enlever la vie en avalant près d’un litre de lave-glace. Et au terme d’un procès hautement médiatisé, Turcotte avait été déclaré par un jury non criminellement responsable de ses actes.

Les «experts» appelés à la barre par la défense avaient joué beaucoup sur le verdict final. Il ne fallait y voir que le geste d’un parent dérangé! Un accusé comme Turcotte est déclaré «non responsable criminellement» si, au moment où il commet une infraction criminelle, il souffrait d’un trouble mental qui l’empêchait de juger la nature et la qualité de son geste. C’est ce point-là sur lequel reposait toute sa défense.

Moins de quatre mois après la création de ce comité d’experts, Québec était plongé dans un autre drame, encore plus horrible celui-là, d’un fils qui assassine sa mère et deux de ses petites nièces, dans un moment de folie meurtrière, plus «prévisible», celui-là. On ne saura pas avant le 12 avril si l’accusé, Pascal Morin, pourra être jugé apte à subir son procès.

Depuis les funérailles des victimes du triple meurtre de Saint-Romain, le calme est revenu en région. Par respect pour les familles et pour permettre un semblant de retour à la vie normale après des événements qui ont profondément marqué les gens. Plusieurs vivent dans la peur que la folie meurtrière puisse de nouveau frapper, on ne sait quand ni où, mais les regards jetés sur les gens souffrant de maladies mentales n’ont jamais été aussi empreints d’inquiétude et d’incompréhension.

Et le discours politique qui se voulait apaisant, l’automne dernier, au moment de la création du comité d’experts, est remis en question par des organismes qui estiment que le gouvernement du Québec reste bien muet quant aux mesures qui seront prises pour éviter d’autres drames comme ceux-là. Des organismes qui dénoncent l’incapacité des corps policiers à prêter assistance aux proches dont la vie est menacée par une personne malade mentalement et qui refuse les soins dont elle aurait pourtant besoin. Les policiers sont démunis pour intervenir directement, de leur propre chef, bien souvent par faute de ressources.

Et pourtant, qu’est-ce qu’on lit sur le site du ministère de la Justice, sous l’onglet «troubles mentaux»? «Si vous n’arrivez pas à convaincre la personne d’aller à l’hôpital, vous pouvez demander de l’aide pour l’y forcer ; celle d’un policier, par exemple. Dans un tel cas, vous devez communiquer soit avec la Sûreté du Québec, soit avec un procureur aux poursuites criminelles et pénales du palais de justice du district judiciaire où réside la personne. Ceux-ci détermineront la démarche à suivre selon les circonstances. Si la personne se comporte de façon à ce qu’il semble possible qu’elle saccage des biens, qu’elle blesse quelqu’un ou qu’elle commette toute autre infraction au Code criminel ou encore si elle formule des menaces de mort, les policiers procèderont à son arrestation. Son cas sera traité selon la procédure habituellement applicable aux infractions au Code criminel: arrestation sans mandat, sommation et comparution devant un juge, puis ordonnance d’évaluation psychiatrique.»

Le paragraphe suivant est on ne peut plus clair: «Par ailleurs, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, un policier qui a des motifs sérieux de croire que l’état mental d’une personne représente un danger grave et immédiat peut l’amener contre son gré dans un centre hospitalier si un proche de la personne ou un intervenant social en fait la demande.»
La preuve est faite, le travail au quotidien des policiers sur le terrain n’est pas aussi tranché noir et blanc que dans le livre des procédures d’intervention du ministère de la Justice. L’application n’est pas aussi simple que décrite dans le mode d’emploi. Le drame de Saint-Romain en est un exemple frappant!

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