
GenevièveRodrigue
19 mars 2022
Lac-Mégantic
La vie extraordinaire de Geneviève Rodrigue
Son rêve
Toute jeune, elle se voyait déjà comme une reine. Issue d’une famille nombreuse et, disons-le, plutôt pauvre, cela ne l’a pas empêché de nourrir de grands rêves. C’est la mode qui l’attirait plus que toute chose. Très tôt elle se confectionna des robes avec des bouts de tissus. Elle parvenait à transformer de vieilles étoffes en jolies robes qu’elle portait fièrement le dimanche pour aller à la messe. Après un court stage au magasin de vêtements Shier Ltd. de Lac-Mégantic, elle décida de voler de ses propres ailes et de créer sa propre entreprise. Annonçant à M. Shier qu’elle voulait le quitter, celui-ci l’avertit qu’aucun fournisseur ne voudrait faire affaire avec elle, qu’elle le regretterait amèrement. De toute façon, « pauvre mademoiselle Rodrigue, lui dit-il, you don’t speak english». Et dans ce milieu, à cette époque, tout se passait dans la langue de Shakespeare.
La fibre des affaires
Avec le support indéfectible de son compagnon de vie, l’imperturbable Hervé Roy, mon fabuleux père, elle n’en fit qu’à sa tête, comme d’habitude. Tous deux s’aventurèrent vers Montréal, bien décidés à y rencontrer les fournisseurs. L’anglais, qu’elle ne maîtrisait pas, pas de problème ! L’exclusivité garantie à M. Shier non plus! Son pouvoir de séduction et sa détermination étaient plus forts que tout. Elle repartit de là avec tout ce dont elle avait besoin pour lancer sa nouvelle boutique. Les fournisseurs, éblouis par sa candeur, son charme et sa détermination, s’empressèrent de lui venir en aide. Et plusieurs lui demeurèrent fidèles pendant de longues années. Elle nomma fièrement sa boutique Chez Geneviève, le centre du chic et de la nouveauté. Et voilà, c’était parti pour ce qui allait devenir un des plus importants centres de mode féminine de toute la région. Pionnière, cette jeune femme avait la fibre des affaires. Elle était née pour diriger. Certains diront « pour bosser ». Une leader née. En route vers le succès, elle a rapidement monté une formidable équipe qui a forgé à ce commerce une renommée légendaire, notamment grâce à son service à la clientèle et au style de ses confections. Au coeur de l’équipe on retrouvait sa soeur Édith, son Édith qui, fort précieuse, l’a épaulée en tant que bras droit durant toute sa vie professionnelle. Plus tard, Rolande Desroches, grande modiste montréalaise, s’est jointe à l’équipe. Ce fut alors la période des grandes parades de mode au Théâtre Bijou. Curieusement, ses deux plus proches acolytes, Édith Huot et Rolande Desroches, étaient toutes deux d’excellentes pianistes.
Travail sans relâche
Le souvenir que j’ai de ma mère était qu’à chaque soir de la semaine, bien calée dans son fauteuil du salon, d’où elle trônait, elle travaillait sur un bas de robe ou sur un bord de chapeau afin de les agencer aux couleurs d’un soulier, d’une bourse ou d’une bouquetière. À tous les soirs, elle besognait jusqu’à deux heures de matin, sans relâche. Le but à atteindre, toujours le même: la perfection et la satisfaction de la cliente. D’ailleurs, jusqu’à la fin de sa vie, telle une star, des femmes qu’elle avait habillées pour toutes sortes de circonstances s’agglutinaient autour d’elle afin de lui témoigner leur admiration, partout où elle allait. Toute sa vie a été marquée par le travail, l’obstination dans tout, la persévérance et la volonté de se surpasser. La fierté, l’ambition. Et la générosité. Toute sa vie durant, elle a donné généreusement à ses proches, ses nièces, ses soeurs, à moi et ma famille, à Marcel. Ses tiroirs de bureau contenaient de véritables trésors qu’elle partageait avec ceux et celles qu’elle aimait.
Sa vie sociale, sa vie privée
Par ailleurs, sa vie sociale a été fort animée. Sa maison était un véritable carrefour. Il y en a eu des partys dans sa grande et belle maison de la rue Laval ou au luxueux chalet du chemin de Woburn. Je pense aux nombreuses amitiés qu’elle et Hervé ont tissées; à tous les 5 à 7, aux canapés préparés avec soin, aux petites bières qui coulaient à flot, à la cave à vin bien garnie de précieux millésimes, aux cocktails exotiques, au petit gin, aux après-golf, au club Rotary et aux fabuleuses fêtes qu’ils ont organisées. Le tout sur un fond de musique de piano jouée par Édith ou Rolande, enterrée par le tintamarre des discussions animées. Telle une Jeanette Pointu, elle a bourlingué sur presque tous les continents: l’Asie, l’Afrique, l’Amérique du Nord, l’Amérique du sud, l’Europe. La vie en Floride. Les parties de golf dans le Maine à l’automne, etc. Tant d’amitiés nouées aux cours de ces voyages! Comme mère, elle fut la générosité incarnée, bonne pour moi, sans limites. Bien sûr, son caractère de dominante extrême n’était pas toujours facile. On s’est souvent crêpé le chignon, comme on dit. Mais on s’est tellement aimé. Elle m’a tellement aimé, non seulement moi, mais aussi mon épouse Mimi et mes enfants Jean-Sébastien et Marie-Andrée à qui elle pouvait tout donner, sans compter. Toujours plus pour assurer notre bonheur et notre sécurité ! Marcel aussi en a largement profité. Et je sais qu’il lui en est très reconnaissant. À la fin de sa vie, elle ne voulait plus voir personne sauf moi et ma famille, sa soeur Édith (décédée avant elle) et le docteur Radu qui a veillé sur elle jusqu’à sa mort.
Au revoir
Pour moi, elle aura été une véritable légende. Une force de la nature dotée d’une intelligence supérieure et d’une force de caractère hors du commun. J’ai eu le triste bonheur de la voir quelques jours avant son grand départ. J’en ai profité pour lui murmurer longuement à l’oreille toute l’admiration que j’ai pour elle et lui exprimer ma gratitude pour tout ce qu’elle a fait pour moi et ma famille. Je lui ai surtout déclaré tout l’amour que j’ai et que j’aurai éternellement pour elle. Je lui ai dit ce qu’elle attendait de moi depuis toujours, et que je ne lui avais encore jamais dit : qu’elle avait été la meilleure mère du monde.
Adieu Geneviève. Merci pour tout. Tu peux maintenant aller rejoindre ton Hervé et tes soeurs. Robert et la famille
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