Le directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie, Jean-Sébastien Roy, teste le processus du passeport vaccinal nouvellement exigé à l’entrée des commerces de grande surface, tel ici au magasin Hart.
Le commerce au détail a vécu une période difficile depuis l’arrivée de l’hiver, mais la flèche de Saint-Valentin transperce l’horizon, annonciatrice d’un plus grand achalandage. Malgré l’obligation du passeport vaccinal à l’entrée des grandes surfaces et des événements grand public, depuis lundi, les prochaines semaines annoncent peut-être bien le retour à une vie plus normale dans les magasins. Un grand soupir de soulagement, certes, mais la prudence est de mise.
Parmi les acteurs économiques, le directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie de la région de Mégantic, Jean-Sébastien Roy, flaire un engouement retrouvé chez les consommateurs. «Les consommateurs vont être au rendez-vous, c’est certain. On voit les camions de livraison revenir approvisionner les restaurants. Côté revenus, côté achalandage, la Saint-Valentin est une journée bénéfique pour les commerces et une soirée toute aussi bénéfique pour les restaurants.»
Depuis ses bureaux situés au Carrefour Lac Mégantic, M. Roy dresse un tableau somme toute positif sur les hauts et les bas de l’économie régionale au terme de cette deuxième année complète d’une pandémie historique qui a bouleversé tout le monde, y compris les commerçants et les entrepreneurs.
Parmi les enjeux demeurés actuels, la rareté de main-d’œuvre, qui a forcé certains propriétaires de commerce à faire beaucoup plus d’heures au service à la clientèle, et l’approvisionnement en matières premières et en marchandises. «Nos commerçants ont eu beaucoup de misère à recevoir la marchandise commandée avant la pandémie. Les coûts étaient parfois exorbitants, de sorte qu’ils avaient le dilemme de ne pas trop augmenter les prix au détail pour éviter de perdre la clientèle. La problématique touche tous les secteurs. Prenez, par exemple, les concessionnaires automobiles, les cours sont presque vides et à chaque arrivage, ce sont souvent des véhicules vendus longtemps d’avance.»
Un message pour les consommateurs tentés de passer leur frustration des mesures sanitaires sur le dos des employés à la caisse: «Il faut être indulgents envers les employés de commerce. Ce ne sont pas eux qui décident les règles. Il y a parfois des prises de bec, comme si certains consommateurs mettaient tout sur la faute de la caissière. C’est plate, certes, mais elle ne fait que son travail. La santé mentale, on le voit bien que c’est un enjeu majeur, et de plus en plus. Des fois c’est drôle, des fois ce n’est pas drôle.»
Le passeport vaccinal exigé à l’entrée des magasins à grande surface (1500 mètre scarrés et plus), depuis le 24 janvier, semble plutôt bien passer chez les clients. C’est le cas chez Walmart, Canadian Tire et Hart. Les marchés d’alimentation sont épargnés, plutôt considérés comme des services essentiels, au même que les pharmacies.
«Je me suis fait compter que, depuis le début de la semaine, des gens se tiennent même à l’entrée de certaines boutiques et questionnent: demandez-vous le passeport vaccinal?»
L’achat local bien ancré
La Chambre prend régulièrement le pouls de ses membres du secteur commercial. Bon signe pour la relance qui s’en vient, à n’en point douter, la population de la région soutient l’achat local. «C’est bien ancré en eux», assure son directeur général. «Notre monde achète localement et soutient les entrepreneurs. En agrotourisme, par exemple, le Marché de Noël en décembre a été le meilleur connu depuis plusieurs années. La pandémie a ressoudé la communauté et a permis de faire découvrir des entreprises qu’on ne connaissait pas.»
Le travail de la Chambre, comme pour l’ensemble des acteurs socioéconomiques, sera de continuer à alimenter «le sentiment d’appartenance, l’achat local, la collaboration, le référencement dans la communauté.»
Sur les 70 nouveaux membres qui ont signé leur adhésion à la Chambre, ces deux dernières années, au moins les deux tiers sont des nouvelles entreprises, se réjouit M. Roy. Après deux ans de pandémie, y a-t-il eu beaucoup de joueurs qui sont morts au combat ? «J’avoue que je m’attendais à pire, mais on prend l’intervention des gouvernements, les programmes d’aide ont été là: la subvention salariale, la subvention pour le loyer, les différentes aides d’urgence. Ce n’était pas le remède miracle, mais tous ces programmes ont permis aux commerçants de passer au travers. La vague la plus difficile, je dirais, c’est celle qu’on vit présentement, parce que certains programmes d’aide ne sont plus là.»
Des commerces ont fermé, d’autres ont été vendus. Pour certains commerçants, la pandémie a eu comme effet de les pousser à la retraite plus tôt que prévu. Et malgré tout ce mouvement, «on est dans une effervescence d’entrepreneuriat qu’on a rarement vue. De nouveaux entrepreneurs, une belle relève quand on pense aux cours de Lancement d’entreprise avec Isabelle Hallée, pleins de session en session. Comme partout ailleurs, certains ont eu une remise en question de leur travail, une réorientation professionnelle, et décidé de partir en affaires en pleine pandémie. Je leur lève haut mon chapeau!»
Le virage numérique dans les commerces se poursuit. «Le commerce au détail est appelé à changer. On le voit bien, on n’a plus le flânage dans les magasins. «Les clients vont voir en ligne et savent ce qu’ils veulent au moins avant d’entrer dans le magasin. Le numérique prend énormément d’ampleur. Nos commerçants connaissent l’importance d’être présents en ligne, d’avoir un site Internet, leur propre page Facebook, de mieux alimenter les communications avec leur clientèle. Nous, on accompagne les entrepreneurs dans leur virage, on le démystifie peu à peu. Après tout, on ne mange pas un éléphant en une bouchée, il faut y aller graduellement.»
En plus des entrepreneurs de nouvelle génération, il y a ces commerces qui fleurissent en ligne, hors pignon sur rue. Pour le directeur de la Chambre, les idées et les projets ne manquent pas, d’autant plus que dans ce marché du Nouveau Monde, se trouvent des formules qui méritent leurs lettres de noblesse, dont le «business to business», l’économie circulaire, l’optimisation des ressources locales et régionales, et les différents incitatifs dans le but ultime de «garder l’argent dans la MRC, avant les fuites.» Et là-dessus, l’industrie touristique offre, selon lui, «un beau modèle qu’on peut reproduire dans d’autres secteurs économiques.»
Qui n’a pas aujourd’hui le goût de se préparer pour le rendez-vous de l’été? Jean-Sébastien Roy opte pour la prudence. «Rappelez-vous la période de la fin mai et du début de juin l’an dernier. J’accordais beaucoup d’entrevues, parce que le Granit était l’épicentre de la pandémie!»
Pas encore de carte blanche au grand déconfinement. Une semaine à la fois!
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