Anguille sous roche

L’Assemblée nationale a adopté récemment une résolution unanime demandant au gouvernement fédéral de tenir une commission d’enquête publique sur la catastrophe de Lac-Mégantic. La classe politique québécoise réagissait ainsi à la fin des procédures criminelles, qui n’ont pas permis de désigner un coupable. L’Assemblée nationale a eu raison : il y a des choses que l’on ignore et seule une enquête publique permettra de répondre aux questions restées en suspens.

Le ministre des Transports Marc Garneau a immédiatement rejeté la possibilité de mener une telle enquête. Selon lui, plusieurs enquêtes ont déjà été réalisées, notamment celle du Bureau de la sécurité des transports (BST). Le ministre Garneau juge donc que tout a été dit.

C’est faux. Le rapport du BST ne remplace pas une commission d’enquête. Ne pouvant attribuer de blâme, sa portée était limitée. Qui plus est, contrairement à une enquête publique, le BST n’est pas en mesure de contraindre les principaux intervenants à témoigner en public, sous serment et sous-réserve de contre-interrogatoire.

Beaucoup de questions demeurent sans réponse à propos de ce qui s’est passé dans la nuit du 5 au 6 juillet 2013. Personne ne porte la responsabilité de l’accident qui a coûté la vie à 47 personnes. Les citoyennes et les citoyens de Lac-Mégantic doivent connaître le fond de cette histoire qui a grandement affecté leur communauté.

Quelque chose cloche

Le rapport du BST énumère 18 causes et facteurs contributifs. La grande majorité concerne l’entreprise MMA et ses employés. Une seule cause établit un lien avec l’administration centrale de Transport Canada, où toutes les décisions réglementaires majeures ont été prises. Pourtant, Transport Canada était au courant des changements opérationnels apportés par l’entreprise et a échoué à surveiller adéquatement ces changements. Le rapport du BST demeure vague sur cette responsabilité et obscurcit donc plus qu’il n’élucide le rôle de Transport Canada dans la catastrophe.

Plus troublant encore : la version préliminaire (non publiée) du rapport indique que Transport Canada a autorisé l’entreprise MMA à exploiter ses trains pétroliers avec un seul membre d’équipage. Cette cause a été effacée du rapport final. Pourquoi ? Qui voulait la supprimer ? Quelle influence a été exercée ? Y a-t-il eu interférence politique ? L’indépendance du BST a-t-elle été compromise?

Qui, au sein de Transport Canada, a pris la décision de permettre à cette entreprise délinquante d’exploiter des équipages avec une seule personne à bord, et malgré une opposition majeure au sein même de Transport Canada ? Y a-t-il un dysfonctionnement plus profond au sein du ministère ? Ou une relation beaucoup trop confortable avec l’industrie ferroviaire ? Ou les deux ?

Toutes les actions légales ont été réglées à huis clos sans procès, à l’exception du procès criminel médiatisé contre les trois travailleurs de première ligne. La preuve jugée recevable dans ce procès était si limitée qu’elle excluait même… le rapport du BST.

Les seules personnes qui ont témoigné étaient des employés de niveau inférieur de l’entreprise, un inspecteur du gouvernement et des enquêteurs de la police. Aucun dirigeant d’entreprise, aucun haut fonctionnaire, aucun politicien responsable de la réglementation globale ; aucun leader de l’industrie n’a été obligé de témoigner.

Des hauts placés au gouvernement et les acteurs de l’industrie ont intérêt à laisser dans l’ombre le rôle joué par la surveillance déficiente et celui du principe d’autoréglementation de l’entreprise dans les causes de la catastrophe.

L’industrie du transport de pétrole

Le transport par chemin de fer du pétrole bitumineux est en croissance au Canada et l’Association internationale de l’énergie estime que le trafic doublera au cours des deux prochaines années. Compte tenu de l’incertitude entourant Kinder Morgan, l’augmentation pourrait être considérablement plus importante.

Les arguments du premier ministre Trudeau en faveur des pipelines sont en partie fondés sur le fait qu’ils seraient plus sécuritaires que le transport ferroviaire. En dépit de ces affirmations et peu importe si l’on construit plus de pipelines ou non, les trains pétroliers continueront à circuler à travers les villes et les villages du pays pour les années à venir.

Même si des améliorations modestes ont été apportées à la sécurité ferroviaire à la suite de la catastrophe de Lac-Mégantic, des risques majeurs subsistent. Une commission d’enquête peut faire la lumière sur de nombreuses questions qui demeurent sans réponse, notamment en ce qui a trait à la responsabilité des échelons supérieurs du gouvernement et de l’industrie dans la pire tragédie ferroviaire de l’histoire moderne du Canada. Enfin, seule une commission semble en mesure de conduire à des changements de politique pouvant réellement améliorer la sécurité et empêcher qu’une histoire si effroyable se répète.

Ancien directeur exécutif du Centre canadien de politiques alternatives, l’auteur, Bruce Campbell, a reçu une bourse de la Fondation du droit de l’Ontario pour son travail à Lac-Mégantic. Il a été professeur invité à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa en 2016. Il a écrit un livre sur la tragédie.

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