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Où il y a de la boucane...
À mes cohabitants de la région de Lac-Mégantic :
La première fois que j’ai écrit sur ce que je voyais se passer ici, je l’ai fait en anglais, car je n’écris pas parfaitement en français. Je ne voulais pas m’ouvrir à tous ceux qui aiment tellement critiquer sans vraiment écouter.
C’est « La Sauvageresse » qui vous parle. « La ‘tite Noire du 6 ». Ici parmi vous depuis bientôt trois décades, mais toujours ‘d’ailleurs’. Dans la bonne tradition du fou du roi, de la voyante qui lis dans votre tasse, de la maîtresse, de la coiffeuse et du prêtre, j’ai entendu vos cœurs…vos entrailles… se vider depuis si longtemps. Pour certains, je détonnais dans la région avec ma langue, mon teint de peau et mes idées bizarres; pour autres j’ai toujours été tout simplement invisible : ‘T’es icitte depuis combien de temps?!’ J’ai élevé mes enfants ici, sur la ferme; seulement un a décidé de rester autour et de vous chanter de la beauté et de l’injustice. J’ai eu le temps pour vous observer. Je vous connais.
Je dois le dire maintenant : Je ne suis pas journaliste. Mon truc n’est pas des noms et des chiffres – qui a fait quoi, quand. Depuis plus de quarante ans je travaille avec les émotions, les croyances (tissées des émotions et de la pensée), et le corps humain. Depuis longtemps, j’écoute soigneusement ce que les gens me disent, avec la conscience profonde que ce qu’on dit est la réalité d’une personne, en un moment précis, et n’a rien à faire avec le monde extérieure. Ce qu’une personne m’exprime, quoi qui soit le contexte, est une indication de ce qu’elle vit – un œuvre crée de son passé et de sa conscience. Ce que je sais de ce qui arrive dans la région de Lac-Mégantic vient des cœurs de la population; ce sont des cœurs si remplis d’autant de souffrance de toutes sortes que je ne peux plus me taire. C’est ma souffrance aussi, de vous voir souffrir….
J’ai écrit, la première fois, du système de classe si bien ancré à Lac-Mégantic. Je voyais l’explosion de la ville comme un secouement potentiel de cette hiérarchie rigide qui semblait sans issue – il y avait une espérance d’une renaissance – du boulot pour les jeunes dans de la technologie nouvelle et (ou)verte, d’une place pour la créativité – enfin!
Mais au lieu de tout cela, la ville a été envahie. Une grosse machine est arrivée, comme dans le cinéma, a mis une clôture haute et symbolique tout autour du centre-ville, avec des gardiens de sécurité aux entrées. C’est tout pour la sécurité de la population, bien sûr…. Directement sortie du film Matrix….
Personne ne sait ce qui se passe vraiment en-dedans de la clôture. Des chuchotements commençaient, des fuites ici et là qui parlaient du siphonage d’argent. Rien ne peut être confirmé. On entend que des gens qui venaient avec cœurs gros et ouverts de partout sur la planète pour offrir de leurs services, pour créer une nouvelle ville sur des nouvelles fondations de responsabilité soutenable – tous ont été renvoyé chez eux avec des ‘non, merci – tout est sous contrôle …’ Rien ne peut être confirmé. Exactement. Tout est sous contrôle.
Les chuchotements disent qu’il y a des abus de liens de parenté, mais rien ne peut être confirmé. Les petits commerçants à l’intérieure de la ceinture qui ont perdu leurs affaires aux décisions politiques mais pas au feu ne sont pas indemnisés. Des centaines de citoyens perdent leurs futurs, mais ce sont des grosses businesses qui apparaissent comme des vautours. Les chanteurs, les équipes de hockey, les touristes…est-ce qu’il a eu un cirque? De la distraction nommée ‘réconfort’ a été dosée comme Valium le long de l’été. ‘Enfin de la joie à Lac-Mégantic’, lis le reste de la province – les Canadiens sont arrivées!! Et quand toutes ces personnes de bonne volonté ont serré toutes les mains, ont finies avec les photo-ops et retournent chez eux, que font les bons citoyens de Lac-Mégantic? On accueille des touristes, bien sûr! Et en train, en plus! L’ironie est incroyable….
Le climat de terreur est palpable. On parle de téléphones écoutés… de menaces. Rien ne peut être confirmé. Personne n’ose dire des vraies choses à haute voix. Sauf quand ils viennent chez nous. J’entends deux versions de deux sortes de citoyens. Les gens ‘bons catholiques’, même ceux qui ne vont plus à l’église, vont attendre que les autorités fassent de leur mieux pour nous livrer une ville toute neuve – qu’un nouvel ère de prospérité va débuter, qu’aucune des usines qui mangent nos forêts vont fermer car le train va recommencer au plus vite, et, heureusement, tout le monde va garder son petit boulot usuel. ‘Ils semblent croire que de nous dire le moins possible est la meilleure chose. Je ne sais pas…’, me raconte une jeune maman incertaine.
Autres parmi vous sont venues crier et pleurer de frustration et d’impuissance. De l’impuissance d’être obligé de rester chez vous, envahie par les touristes macabres, par l’air qui pue le feu et la mort… par des étrangers qui semblent penser savoir mieux que vous ce qui serait le meilleur futur pour votre ville….notre ville.
Je perdais du sommeil. Je vous parlais du besoin de dire tout cela aux médias – ils sont si présents – qu’ils servent pour une fois vos intérêts et non pas seulement les leurs. Vous me dites que le média est averti ! – qu’ils savent même plus que vous ce qui se passe, mais qu’ils n’osent pas non plus rien dire. Rien ne peut être confirmé. Bon. Un de mes fils sort de l’école en journalisme – peut-être qu’il pourrait aider?
Et c’est comme ça que mon fils est retourné de Montréal – pour vous parler, pour essayer de faire quelque chose pour Lac-Mégantic, cette ville qu’il considère encore comme chez lui. Ici, il a entendu les mêmes choses que moi, de maintes bouches amères. Tout nouveau comme journaliste, il a fait des erreurs. Acceptant un deadline forcé de deux jours pour descendre, parler avec la population et écrire son texte, il n’a pas fait une vérification assez profonde pour le prénom d’une personne qui a été cité par plusieurs de vous. Ce que ce monsieur a supposément dit semble parler pour beaucoup de la population – combien de vous m’ont parlé du sentiment de ne plus être chez vous? L’anecdote de cette personne fait de lui une sorte de Robin des Bois… Sur réflexion, il est peut-être plus un Don Quichotte….
L’article est sorti un jeudi matin, et a été retiré quasiment immédiatement. Personne voulait admettre d’avoir dit ce qu’ils ont dit – supposément, des menaces ont été fait et d’avoir exprimé leur vérité avait mis des gens en danger. Rien ne peut être confirmé. La rédactrice du journal qui a publié l’article traite mon fils comme menteur, mais elle n’a pas fait son travail de vérification non plus (elle gardait l’article pourtant une semaine – ce n’était pas le temps qui manquait). Mon fils me dit qu’elle jure qu’il ne va jamais travailler encore comme journaliste, mais rien ne peut être confirmé.
Alors, maintenant, c’est moi qui vous parle.
Vous savez, j’ai découvert que cette grosse machine qui a envahi Lac-Mégantic et que personne ne veut nommer à haute voix, a un bras, une compagnie qui s’appelle Genivar, dans mon pays natal, Trinidad et Tobago! Que c’est drôle, les coïncidences de la vie! Trinidad est la seule autre place dans le monde, à part du Québec, ou Genivar est basé. Le gouvernement là-bas a créé un département de l’urbanisme (UdeCOTT) et a mis un canadien, John Calder Hart, comme président. Calder Hart a engagé Genivar pour gérer les responsabilités du dite département. La compagnie, de moyens minimes au début, a vu une hallucinante croissance dans ses revenus : entre autres, elle a pris charge des projets de restructuration du capitale, Port-of-Spain. Une commission d’enquête sur la corruption a été convenue, avec l’implication des corporations de l’état et privée. Aucune charge n’a été mise, mais l’entremetteur Calder Hart a été obligé de fuir le pays en 2010… Tout cela peut être confirmé.
N’y a-t-il pas suffisamment de déjà-vu dans cette histoire pour vous donner la chair de poule?
Je laisse les rênes pour quelqu’un autre à prendre maintenant – comme je vous ai dit, je ne suis pas journaliste. Mais depuis toute une vie d’observation empathique de l’être humain, je peux constater que les émotions ne surgissent pas de nul-part – il y a toujours au moins une graine d’expérience concrète au sein de la brume. Et quand un pourcentage important d’une communauté expérimente des sentiments qui virent autour de…. quelque chose qui ne peut pas être confirmé, je crois réellement que ça serait dans l’intérêt de cette communauté se s’enculotter, de s’unir et de déterrer des confirmations.
Qui osera continuer à démêler ce fouillis de mensonges, de corruption, d’abus de pouvoir et, même pire, de trahison d’un peuple déjà démunis et vulnérable…non-confirmé?
Que le plus de bien soit fait pour le plus de monde possible….
Bénédictions et Paix,
Dawn Bramadat
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