Les policiers de la SQ ont dû travailler avec une population en post-trauma

Daniel Campagna, lors de la visite d’Ed Burkhardt, le grand manitou de MMA, la semaine suivant la tragédie.

Tout comme les pompiers sur la ligne de feu, les policiers de la Sûreté du Québec qui ont assuré le bon maintien de l’ordre dans le cadre de l’application des mesures d’urgence décrétées par la Sécurité publique quelques heures après la tragédie ferroviaire du 6 juillet ont beaucoup appris de cet événement sans précédent. «Mes policiers allaient devoir travailler avec une population en post-trauma et en deuil pour des mois à venir. Les gens étaient à fleur de peau», convient le directeur du poste de la MRC du Granit, le lieutenant Daniel Campagna.

Une population qui aurait surtout besoin de policiers patients! «Dans les cas d’intervention, la solution n’était peut-être pas la paire de menottes dans le dos, mais plutôt diriger les personnes interpellées vers une référence d’aide.» Les policiers eux-mêmes se sont prêtés à des séances de débriefing après l’événement. Y compris ceux qui l’ont vécu de l’intérieur de la zone ravagée.

Cette fameuse nuit-là, des policiers se trouvaient sur la rue Frontenac en train de rédiger un rapport qui n’avait rien à voir avec l’événement du train. «Nous avions une voiture de patrouille sur la rue Frontenac et une autre sur le boulevard des Vétérans. Une couple de semaines auparavant, nous avions tous reçu une formation sur les mesures d’urgence», raconte l’officier.

L’un des premiers gestes posés a été de prendre en note le numéro d’identification d’un wagon. Selon le code, une évacuation générale du secteur était nécessaire. «Le mandat qu’on a quand une catastrophe arrive, c’est de faire l’évacuation, ce que nos policiers ont commencé à faire sur la rue Frontenac et d’autres à l’extérieur du périmètre. Plus ils avançaient vers le centre-ville, plus la chaleur était intense!»

Aussitôt la structure des mesures d’urgence mise en place, c’est le quartier général de Montréal qui a déployé le centre des opérations de Sherbrooke, avec un poste de commandement rapidement établi à Lac-Mégantic.

Du 6 juillet au 6 août, entre 150 et 200 policiers sont venus en renfort pour supporter le travail des policiers locaux qui, en aucun temps, n’ont abandonné les 19 autres municipalités du territoire à leur sort. «Malgré l’expertise de tous ces gens-là, tels les enquêteurs chargés de la scène de crime, la présence des policiers locaux était cruciale. Pour répondre à des besoins de logistique sur le terrain et même comme personnes ressources impliquées dans l’enquête pour l’identification des victimes.»

Très tôt, le lieutenant Campagna a été désigné comme le responsable de l’accueil de la première ministre Pauline Marois, le samedi, et de Stephen Harper, le lendemain. «Le poste du Granit a toujours servi de point de référence au quotidien. Nous avions des policiers vingt-quatre heures sur vingt-quatre autour du site. Le défi qu’on avait était ne pas abandonner les autres municipalités!»

Le directeur de la SQ avoue que l’événement de Lac-Mégantic a causé un vacuum en terme de criminalité et d’infractions sur le territoire. «Le premier mois, c’est devenu mort. Il ne s’est plus passé grand chose sur le territoire; on n’avait plus d’appels de plaintes!»

Tout en maintenant une surveillance serrée autour de la scène de crime, «comme une grosse perquisition où l’on doit prendre possession d’un lieu, le rendre imperméable et assurer l’intégrité de la preuve recueillie, sans pouvoir le quitter avant que l’opération soit terminée», Daniel Campagna s’est retrouvé avec un autre sujet de préoccupation à gérer, la circulation dans les rues de la ville, notamment sur la rue Laval où le trafic a dû doubler et même tripler en raison de l’afflux de visiteurs. «On avait beaucoup plus de voitures que le réseau local peut en gérer et une population qui se déplaçait un peu zombie. J’ai toujours eu la crainte d’un dangereux mélange piétons-autos autour du site!», confie le directeur du poste.
La SQ a eu pour mandat d’organiser la sécurité autour de nombreux événements de toutes sortes qui se sont déroulés tout le reste de l’été jusqu’après la mi-septembre. À eux seuls, les spectacles de la série réconfort au Musi-Café d’été ont généré des foules impressionnantes jusqu’à trois et même quatre fois par semaine.

Et l’automne demeure chaud. «On est encore le point de chute d’un paquet d’affaires. Je suis encore dégagé de certaines de mes tâches pour être affecté à la liaison avec la Ville et nos agents sont en poste autour du site à toute heure du jour et de la nuit.»

Pour orchestrer les opérations, le lieutenant Campagna a reçu de l’aide. Son collègue, le lieutenant Yves Beaudoin, directeur du poste de la SQ de la MRC Memphrémagog et originaire de Frontenac, a été prêté au poste de la SQ du Granit. «Nos policiers vont bien. Tous en bonne santé autant morale que physique.»

À ceux qui se sont inquiétés de son absence devant les médias, il a toujours servi la même réponse: «J’étais plus utile sur le terrain que devant un micro!»