Oscar Brochu

Rêver sans brimer

Été 2012. Coup de coeur pour une maison ancestrale ombragée de chênes et d'érables centenaires, dans un îlot de fleurs en bordure du lac, niché entre le parc et les services du centre-ville. Le rêve! Ensuite, un an de rénos intensives, à sympathiser avec les voisins, à faire pratiquement tous nos achats à pied, à regarder nos enfants ravis apprivoiser leur nouvel environnement, à voguer le vent dans les voiles.

Puis, le rêve fait naufrage. Maison rasée, arbres calcinés, tous nos biens ou presque partis en fumée, en même temps que le doux sentiment d'avoir trouvé un havre. Suivront des mois d'insomnie, de réorganisation, de formalités harassantes, d'incertitude, de bouffées de lumière vite dissipées. À consoler les enfants qui pleurent la perte de leur toutou bien-aimé, de leur vélo, de leur arbre préféré aux branches «jusqu'au ciel». À profiter du moindre moment de loisir pour courir les magasins ou fouiller dans les tas de vêtements donnés pour retrouver l'attirail requis pour leur donner un semblant de vie normale. À passer des heures dans les roulottes de la Croix-Rouge, des journées entières au téléphone pour se libérer de tracas administratifs pendant que les enfants nous hurlent de lâcher le combiné pour continuer à vivre. À essayer tard le soir de rattraper les heures de travail perdues avant de passer le reste de la nuit à faire la navette entre les cauchemars des enfants! À ne pas avoir le temps de pleurer!

Quelques semaines après la tragédie, la SQ accepte de nous escorter sur les lieux de notre résidence, où il ne reste que des décombres. Entre les jouets calcinés et les fragments d'outils tordus se dresse un petit chêne de quelques centimètres, minuscule rejeton d'un arbre plusieurs fois centenaire dont il ne reste que la souche immense. Émue par ce symbole d'espoir et de renouveau, je le transplante en lieu sûr en attendant de pouvoir le remettre en terre où il est né.

Car je ne vous le cache pas: je suis une incorrigible optimiste. J'aime la vie, les êtres humains, les feuilles des arbres qui dansent dans le vent, le sourire des passants qui se croisent, le scintillement du soleil sur le lac Mégantic, la montagne bleutée au loin. Au fil des derniers mois, j'ai été profondément émue par la bienveillance des bénévoles côtoyés, par le travail inlassable de certains intervenants plongés dans un véritable panier de crabes, par les dons ou les messages de réconfort envoyés par de parfaits inconnus, par la main tendue offerte par nos anciens voisins de quartier, par la grandeur d'âme, l'humour et la chaleur de tant de Méganticois qui m'ont été révélés au cours de cette épreuve.

Oui, il est possible de rebâtir des bâtiments, de replanter des fleurs et des arbres qui seront majestueux un jour, de reconstruire une jolie maison de bois pleine de rires d'enfants. De se retrousser les manches et de recommencer à zéro. Mais est-il possible de rétablir la confiance entre les dirigeants et les citoyens, et de ranimer un courage et une volonté de reconstruire usés par des mois d'incertitude et de rumeurs contradictoires?

À l'approche de la nouvelle démarche de participation citoyenne, j'invite tous ceux qui souhaitent y participer à garder en tête que l'espace qu'ils sont conviés à réinventer n'est qu'en partie propriété publique: il s'agit aussi de terrains privés appartenant toujours à des citoyens sinistrés qui ont perdu leur résidence, leur commerce, le fruit de leur labeur et de leurs rêves, et qui ne comprennent pas pourquoi leur volonté de revitaliser le centre-ville est totalement écartée du débat, et ce depuis le début.

L'idée ici n'est pas de réclamer un traitement de faveur ou l'octroi de programmes d'aide, mais simplement notre juste place dans ce processus de reconstruction de la zone sinistrée.

À la fonte des neiges, le petit chêne symbole d'espoir aura-t-il survécu à ce dur hiver? Les citoyens sauront-ils rêver leur ville sans piétiner les rêves des autres ?

Geneviève Boulanger
Lac-Mégantic

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