Pour une rue Frontenac réinventée

(Lettre ouverte à la Ville de Lac-Mégantic)

Parti à l’extérieur en 1964 pour les études puis le travail m’y gardant, passant de Sherbrooke à Québec, Trois-Rivières, Val d’Or, Granby, Brossard et retour à Sherbrooke cette ville, Lac-Mégantic, a toujours été mienne. Dans les 10 premières années j’y revenais chaque fin de semaine. Puis avec les engagements que la famille nous apporte ce fut à chaque fois que l’occasion s’y prêtait, fête d’un parent, Noël, fête des mères etc. Toutes mes vacances d’été je les ai passées en tout ou en grande partie sur le bord du lac. Je voyais ma ville changer lentement au fur et à mesure de mes visites.

En 2005 nous décidons de revenir y habiter pour la famille mais aussi pour la nature, le lac, la pêche, les pistes cyclables et pédestres, l’OTJ, la Baie-des-Sables, le centre-ville, les gens, bref le bonheur, la joie de vivre. Et voilà que le foutu accident du 6 juillet 2013 nous frappe de plein fouet.

Étant impliqué dans le CA de la bibliothèque, nous nous réunissons et décidons de prendre les choses en main. Nous ne demandons pas à la ville ce qu’elle peut faire pour nous mais bien ce que nous pouvons faire pour notre ville. Ainsi, avec la participation de plus de 100 bénévoles, nous menons le projet de la médiathèque à ce qu’elle est aujourd’hui, une source de fierté pour tous nos concitoyens.

Dans cette même période, arrive le projet de Réinventer la ville auquel je participe dès le départ pour en devenir un animateur de table. Comme animateur, je me dois d’avoir une certaine réserve pour mes opinions mais je souhaite néanmoins en mon for intérieur retrouver le centre-ville tel que je le connaissais.

Et voilà qu’arrivent à mes tables des jeunes et moins jeunes avec des idées d’espaces verts, de pistes cyclables, d’une rue Frontenac sans auto. Et j’entends des choses semblables aux tables voisines. Voici mes convictions initiales remises en cause puisque les raisons évoquées sont les mêmes ce pourquoi, en 2005, nous sommes revenus.

Et là je réfléchis tout d’abord à Vancouver, que j’ai eu le plaisir de visiter à plusieurs reprises ces dernières années, où une rue que j’utilisais souvent a été modifiée pour les piétons et cyclistes. Que ça m’embêtait cette décision qui m’obligeait à changer mes habitudes d’automobiliste. Un bon jour, laissant aller mon humeur, ma belle-fille me dit qu’elle l’utilise fréquemment en bicyclette avec mes petits-enfants pour aller à la plage ou encore à leur cours de karaté. Oups! J’en profite quelques jours plus tard pour aller y marcher et
découvrir comment c’était utile, agréable et sécuritaire et combien futile était mon besoin d’automobiliste.

Puis je ressasse mes souvenirs de ma ville. Et je réalise tout à coup que la ville que j’ai quittée en 1964 n’était plus la ville qui m’a vu grandir dans les années 1950, que la ville que j’ai retrouvée en 2005 n’était plus celle de 1964 et que celle qui a été détruite en 2013 était déjà différente de 2005. Pour ceux dont les souvenirs ne reviennent pas, jetez un coup d’oeil à la page Facebook «T’es de Lac-Mégantic si….». En fait tout comme nous, notre ville avait vieilli avec le temps. Les élus et les citoyens l’avaient adaptée au gré des besoins pour en faire tant bien que mal notre ville du jour, mais une ville adaptée et non une ville à notre image du jour.

Voilà donc que Réinventer la ville nous permet d’établir une ville nouvelle selon les couleurs de la majorité, de la jeunesse, de l’avenir. À preuve les votes électroniques pris lors d’une réunion où tous ceux qui étaient présents ont pu s’exprimer. De 250 à 300 citoyens se présentèrent régulièrement aux réunions qui laissant leurs activités, leurs émissions de télé ou encore comme moi, les séries de la coupe Stanley. Ce n’est pas rien. C’est aussi unique dans notre démocratie. Un peu partout on nous cite en exemple.

Certes le résultat final ne rencontre pas les désirs de tout un chacun mais il reflète ceux de la majorité qui se sont exprimés. Ce ne sont pas tous les citoyens qui se sont prononcés mais ce sont des gens qui se sont donné la peine d’y participer. Des gens qui avaient drôlement leur ville à coeur pour changer leurs habitudes et se déplacer toutes ces soirées.

Et ce groupe représente la majorité silencieuse des citoyens selon moi. Tous ces gens l’ont fait suite à l’invitation de nos dirigeants et y ont cru. Tous les citoyens de la région pouvaient s’y présenter.

Comme je le mentionnais plus haut, au départ je n’étais pas convaincu mais au fil des discussions j’ai été persuadé que c’était l’orientation à prendre et je me suis rallié.

Je m’inscris en faux lorsque j’entends qu’on nous a demandé de colorier des plans. On nous a demandé d’exprimer notre vision et qu’elle pouvait être la meilleure façon si non que de l’exprimer par croquis. On ne nous a pas demandé de faire des plans parce que tous, comme moi, n’avions ni les connaissances ni les compétences pour ce faire. On exprime sa vision et ses rêves et les experts en tirent des plans.

Je m’inscris en faux lorsqu’on suggère de convertir la rue selon les saisons comme il s’est fait avant 2013 et comme il se fait ailleurs tel que proposé. Et davantage lorsqu’on suggère d’avoir du stationnement que d’un côté. Sur quelle base? Du côté nord ou sud? Sur quelle logique? Celle d’essayer de faire plaisir à quelques-uns? Ce n’est pas une ville c’est une adaptation. Les randonnées pédestres se font toutes saisons, les pistes cyclables ou de pousse-pousse l’été deviennent les pistes de ski de fond ou de traîneau l’hiver, pas besoin d’adaptation, c’est fait pour toutes les saisons et pas de dépenses récurrentes.

Je m’inscris en faux lorsque j’entends que la rue Papineau est trop étroite (8m minimum) alors que je croise ces mêmes gens sur les routes de la région et de même largeur à plus de 90 km/heure.

Je m’explique mal qu’un conseil nouvellement élu semble rejeter du revers de la main, après quelques semaines de gouverne, des décisions prises suite à des consultations publiques, d’analyses d’experts et, je présume, de discussions déchirantes du conseil précédent. Pour rencontrer quels besoins, ceux qui ne se sont pas présentés à Réinventer la ville, ceux qui se sont présentés mais qui ne veulent pas se rallier à la majorité ou quoi d’autre? Faudra m’expliquer, nous expliquer.

Je souhaite et rêve que ma ville de demain soit un modèle de ville où marcheurs et randonneurs se croisent et se jasent sur Frontenac, que les autos puissent y circuler sans faire office de décor par du stationnement ou de mur entre les côtés nord et sud.

Je souhaite et rêve que mes petits-enfants et arrière-petits-enfants disent en 2063: «Le malheur a frappé notre ville voilà 50 ans mais nos ancêtres ont su se relever, se prendre en main et se donner une ville qui leur ressemblait, une ville verte où il fait bon vivre.»

Je souhaite et rêve que notre ville ne soit pas une adaptation du passé ou une version édulcorée de ce dont nous avions rêvé.

Jacques Dostie
Lac-Mégantic

Pour réagir, Connectez vous Pour réagir, Connectez vous

À lire aussi

  • Le Cameroun venu toucher du doigt le modèle du Granit
    Actualités

    Le Cameroun venu toucher du doigt le modèle du Granit

    Rémi Tremblay / 22 avril 2024
  • L’entente de loisirs se signera sans la première couronne
    Actualités Municipalité

    L’entente de loisirs se signera sans la première couronne

    Rémi Tremblay / 22 avril 2024
  • Un incendie dévaste une résidence de Marston
    Actualités

    Un incendie dévaste une résidence de Marston

    Rémi Tremblay / 18 avril 2024
  • Noé Lira : quand l’activisme prend de airs de fête
    Culture Musique

    Noé Lira : quand l’activisme prend de airs de fête

    Claudia Collard / 16 avril 2024
  • Happening de pure joie cosmique
    Actualités

    Happening de pure joie cosmique

    Rémi Tremblay / 16 avril 2024
Identifiez-vous pour commenter Identifiez-vous pour commenter

0 commentaire

  1. Jade Gosselin s’illustre au Défi OSEntrependre
  2. Le Comptoir Gourmand de la Fromagerie La Chaudière nommé «meilleur boss» engagé
  3. Section de rail abîmée
  4. Le Cameroun venu toucher du doigt le modèle du Granit
  5. L’entente de loisirs se signera sans la première couronne
  6. Un incendie dévaste une résidence de Marston
  7. Noé Lira : quand l’activisme prend de airs de fête
Virage numérique sans déraper
Noé Lira : quand l’activisme prend de airs de fête
Recherche d'emplois - Lac-Mégantic
  1. Attaché(e) politique - Attaché(e) de presse
    dans la MRC du Granit
  2. Couturières / Opérateurs de machine à coudre
    Courcelles
  3. Appariteur-concierge
    Lac-Mégantic
  4. Coordonnateur.trice en bâtiment écoénergétiques
    Lac-Mégantic
  5. Gardien de territoire
    Lac-Mégantic
Répertoire des entreprises