Oscar Brochu

Non-assistance à personne en danger?

Finalement, la sécurité et le bien être des gens, c’est secondaire parce que les gouvernements choisissent l’usure pour tuer l’espoir, parce qu’ils passent à autre chose avec une désinvolture qui frise l’indifférence, parce que pour certains, les inquiets sont des petites natures qui n’ont qu’à se botter le cul. Ils oublient que l’objet même de la politique, c’est de se préoccuper d’abord des plus «faibles» avant de s’agenouiller servilement devant les plus forts.

Ces derniers ne sont pourtant pas moins émotifs que l’humble citoyen. Regardez les fluctuations de la bourse, rappelez-vous la panique qui a mené à la destruction du patrimoine bâti et aux expropriations. Si les victimes d’agressions sexuelles souffrent pendant vingt ou trente ans avant d’oser la parole libératrice, pourquoi les victimes anonymes d’actes criminels ou de catastrophes, bien que silencieuses, ne souffriraient-elles pas tout autant? On peut ne pas la comprendre, mais refuser de la reconnaître, c’est montrer une certaine insensibilité.

On peut choisir le déni mais, tôt ou tard, il y aura un prix à payer. Devant les caméras, nous avons joué la résilience comme une figure imposée, pourtant nous ne sommes pas plus fins que les autres. Dernièrement, j’ai entendu les confidences de gens qui se croyaient au-dessus de tout ça. Une femme, deux hommes que les événements ont rattrapés. Et j’oublie les larmes de ma tante, le sursaut paniqué des uns quand le hurlement du train leur arrive dans le dos, la colère des autres et l’incompréhension des touristes devant la voie ferrée toujours au cœur de la ville. On peut se demander, à voir le peu d’empressement à déplacer la voie ferrée, si certains ne cherchent pas à détourner l’investissement vers quelque projet égoïste ou monument à leur égo.

Cette erreur du passé (gare de triage au cœur de la ville) a été dénoncée dès 1956, dans le livre «Lac-Méganti », à la page 282. Il a été publié par la Société historique industrielle, livre dont la préface a été écrite par le président de la Chambre de Commerce des Jeunes, Yves Comtois. Dans le même ordre d’idée, je me souviens de la remarque acidulée d’un participant à un congrès d’urbanistes à Thetford. Celui-ci disait que : « Lac-Mégantic serait une belle ville sans le barrage hideux, le viaduc, le talus et le pont de la voie ferrée qui surchargent et détruisent le coup d’œil.»

D’après le rapport 338 du Bureau des audiences publiques en environnement, la situation méganticoise serait pire qu’avant la catastrophe :
1. Parce qu’au cœur de la ville, la courbe de la voie ferrée est passée de quatre à huit degrés p.35. p.41;
2. Parce que la pente -une des plus dangereuses au Canada- est restée la même. p.25. p.34 p.41 Je sais, vous allez me dire qu’elle n’a pas été la cause première de la catastrophe. Sur le plat, il n’y aurait pas eu de drame. Vous allez sans doute répliquer que la voie de contournement ne corrigera pas le problème. Elle aura au moins l’avantage de ne pas aboutir au cœur d’un centre-ville habité;
3. Parce qu’un convoi « contraint » de circuler à 16km/h (10 milles à l’heure), c’est l’aveu même d’une voie ferrée inadéquate, voire risquée pour le transport de produits dangereux. Pire, le propriétaire de la CMQR n’a pas l’obligation de respecter la recommandation du BST. p.12 Assez incroyable! Et c’est sans compter que la charge maximale pour un convoi est de 6000 tonnes; le 6 juillet 2013, elle était de plus de 9000 tonnes. (témoignage au procès) Cela vous dit tout le respect que la compagnie avait pour les règles de sécurité pourtant écrites noir sur blanc. Deux jours après la catastrophe, un inspecteur a trouvé un convoi non sécurisé sur la voie Vachon. Deux jours après le déraillement! (procès) Si vous croyez qu’il suffit de faire des règlements ou de voter des lois, vous êtes bien naïfs. Surtout que l’auto-régulation est encore la règle, même après la catastrophe meurtrière.

La situation est pire aussi :

4. Parce que les longs convois (le 6 juillet, 72 citernes) fendent le centre-ville en deux, emprisonnant non pas tant des commerces que des résidences. Rassurant, n’est-ce pas? Pour les comptables à la petite semaine, improvisés ou élus, la vie humaine ne vaut rien puisqu’elle n’apparaît pas dans leurs colonnes de chiffres;

5. Parce qu’avant, le centre-ville ne comptait qu’un seul passage à niveau; aujourd’hui, il en compte quatre. Au niveau des urgences, sommes-nous plus en sécurité?

6. Parce que la compagnie ferroviaire avec sa couverture d’assurance de 75 millions est sous-assurée: le déraillement du 6 juillet 2013 a coûté au moins dix fois plus. C’est la preuve que la culture de la négligence prévaut, qu’on n’a pas tiré les leçons de la catastrophe. Par la force des choses, nous devenons des co-assureurs parce que nous devrons, demain, assumer la différence. La compagnie ferroviaire, comme les minières, l’a très bien compris. Véritable dîner de cons. N’avons-nous pas, collectivement et individuellement, assez payé la négligence des uns et la subordination des autres : feu, démolition, expropriation, décès, dépression, perte de repères, angoisse, colère et autres dommages collatéraux? Que nous faut-il de plus?

7. Parce qu’un centre-ville éclaté, cela reste un pari risqué que les convois mettent en péril en nuisant à la cohésion, au tout nécessaire. Nous n’avons pas encore de cœur et si nous ne cherchons pas à nous en donner un avec un minimum de diversité, je ne donne pas cher de notre peau;

8. Finalement, parce que le BAPE conclut et je cite : « l’acceptation sociale de l’option 1 (statu quo) sous-tend une acceptation volontaire (c’est moi qui souligne) des risques qui lui sont associés, s’éloignant ainsi de certains principes de développement durable, en particulier ceux relatifs à la prévention et à la protection de la santé. » p. 25 Énoncé on ne peut plus clair. Est-ce bien ce que nous voulons pour nos enfants et petits-enfants? Accepter le statu quo, c’est choisir de leur faire assumer l’entière responsabilité du prochain drame. Comme les déraillements continuent, tôt ou tard, ils se souviendront de nous. À trois convois par semaine comme c’est le cas actuellement, sur cent ans, cela représente le risque d’une catastrophe sur 15600. Nos statisticiens du dimanche calculent que c’est un risque minime; pourtant, ces mêmes statisticiens logico-logiques achètent des billets de loterie à une chance sur 14 millions. Paradoxe gênant. 489 locomotives ou wagons à la dérive ont été recensés entre janvier 2000 et janvier 2014. P.25 Le dernier, celui du 12 octobre 2017, s’est produit sur le plat, à l’entrée du pont de la rivière des Mille Îles. Avec l’abandon du pipeline Énergie Est, les convois vont se multiplier.

Passerons-nous d’une catastrophe par cent ans à une par vingt-cinq ans? Si nous choisissons le statu quo, nous n’aurons plus l’excuse de l’acte of God ni celle de la négligence des autres. On nous reproche déjà le lotissement le long de la voie ferrée, imaginez le piège si nous optons pour « l’acceptation volontaire ». Nos enfants et petits-enfants paieront cher le prix de notre imprévoyance parce que le statu quo ne leur donnera pas le contrôle des machines infernales que sont la locomotive privée et l’État inféodé. Pour ce qui est du développement durable et du choix santé, il faudra repasser. Ne pas voter, c’est un choix; se contenter de regarder passer le train, c’est aussi un choix, un choix qui n’a rien d’innocent. S.V.P. faites-vous entendre!

Paul Dostie

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