Un marché immobilier en surchauffe?

Un marché immobilier en surchauffe? - Rémi Tremblay : Actualités Économie

L’attrait d’une vie en région se traduit par un marché immobilier actif. Certaines propriétés restent disponibles aux acheteurs.

Peu importe sous quelle enseigne ils opèrent, les courtiers immobiliers affichent le même enthousiasme: l’année 2020, du moins de janvier à septembre, leur a permis d’établir un record de ventes. Les plus récentes Statistiques Centris, pour Le Granit, font état de 28% du nombre de transactions et de 31% du volumes d’affaires pour les neuf premiers mois de l’année, par rapport à la même période en 2019. La hausse grimpe à 50% pour le segment des propriétés à revenus et à 64% pour le secteur des commerces, industries et entreprises.

À son bureau de la rue Laval, Gina Dubé chez Remax préfère la prudence à la tentation de sabler le champagne: «On est au-dessus de la moyenne et je trouve cela juste bien le fun. Si on regarde les statistiques, le délai de vente est équivalent à l’an passé, mais on vend plus c’est certain. Et Lac-Mégantic est la grande gagnante!» Il s’est vendu en ville 22% de plus de maisons, avec 22% d’augmentation du volume d’affaires. Le prix médian des propriétés unifamiliales demeure autour de 178 000$.

La vitalité de l’immobilier à Lac-Mégantic se conjugue ainsi : pour 100 nouvelles inscriptions en 2019, les courtiers avaient trouvé des acheteurs pour 48 d’entre elles ; en 2020, pour 70 inscriptions qui se sont ajoutées, 61 propriétés ont trouvé preneurs.

De sa fenêtre, le mont Mégantic domine l’horizon. Ses voisins d’en face, les occupants du cimetière Sainte-Agnès, sont peu troublés par le va-et-vient de véhicules, certains occupés par de nouveaux visages. «70% de nos acheteurs sont des nouveaux arrivants. On est en train de vivre un retour du balancier, comme en 2012», confie-t-elle, rappelant que l’année avant la tragédie avait été plutôt bonne pour les courtiers immobiliers. Mais, cette fois, un nouveau contexte explique la fébrilité du marché.

Conséquence de la pandémie, les urbains veulent quitter les grands centres pour s’établir en région. Et si l’Estrie demeure un coup de cœur, la région de Mégantic en particulier se fait invitante.

Le profil de la clientèle des courtiers est différent: «Ils viennent de l’Ontario, de l’Alberta, de Québec, de Montréal. Tous des gens qui ont choisi notre région. Et mieux encore, 10% de nos ventes sont des terrains pour la construction neuve. Il y a longtemps qu’on n’avait pas vu ça !»

Courtier et… guide

Pour Bianka Tardif, elle aussi chez Remax, le travail ne manque pas, si bien que, pour la première fois en carrière, elle a dû embaucher une adjointe, qui ne se tourne pas les pouces, elle non plus. Des journées qui débutent aussi tôt que 7h pour se prolonger jusqu’en milieu de soirée.

Sa clientèle à elle a aussi changé. La moitié provient de l’extérieur, surtout la grande région de Montréal et l’autre moitié est du local. «Pour les gens de l’extérieur, une propriété affichée sous la barre de 200 000$, c’est une aubaine.» Les professionnels qui habitent un condo dans la métropole ont investi beaucoup d’argent, pour un milieu de vie qui est remis en question. «Ici pour moins cher, la maison vient avec un terrain, un environnement et une qualité de vie!»

Elle qui anticipait, avec son chum qui est aussi travailleur autonome, une année de «vache maigre» en raison de la pandémie, s’est vite rassurée. Même confinée avec son masque dans le sous-sol de sa résidence, elle a commencé avec les terrains disponibles. «Les clients les marchaient seuls, puis on négociait en séance vidéo.»

Sans arrêt depuis avril, elle répond aux professionnels, qui se cherchent un endroit où se sauver des grands centres, aux retraités en quête d’un havre de paix, mais aussi aux jeunes professionnels qui ont décidé de revenir en région, avec leur petite famille.

Exemple de la rapidité d’une vente que Bianka Tardif a récemment conclue en ville. «Une maison sur la rue Milette a été inscrite sur mon site un dimanche soir. Le lendemain midi, je comptais une quarantaine de courriels et d’appels pour cette même propriété. Parmi les personnes intéressées, une dizaine de personnes sérieuses et qualifiées. En une journée et demi, j’ai pu réaliser entre 10 et 15 visites et dans la même semaine, la maison a été vendue au prix affiché (sous la barre des 160 000$) à une jeune professionnelle qui vient d’avoir un emploi ici, en région.»

Sa routine saisonnière n’est plus la même. «Les mois de mars, avril et mai, c’était habituellement pour répondre à la clientèle des premiers acheteurs. La pandémie déclarée à la mi-mars a changé la donne. Cette clientèle-là a probablement décidé de garder son logement un an de plus, devant l’incertitude.»

Bianka ne sert pas uniquement d’intermédiaire entre le vendeur et l’acheteur, elle coiffe aussi le chapeau de guide pour ses clients qui arrivent de l’extérieur. «Un client qui ne connaissait pas la région m’a posé la question qui brûlait les lèvres de sa conjointe: as-tu de la misère à trouver à Lac-Mégantic une coiffeuse, une esthéticienne, des vêtements?» De toute évidence, non! «J’ai déjà été dans le commerce de détail. Pour moi, l’achat local est important.» Les nouveaux arrivants amènent de l’eau à la roue de l’économie.

Si  les demeures de moyenne gamme ont beaucoup changé de mains, il reste encore, dans son inventaire, de la haute gamme, à partir de 3,2 M$ en baissant.

À la recherche d’inscriptions

Même constat pour Richard Giguère, sous la bannière Century 21. «C’est ma meilleure année en dix ans; pourtant on a été trois mois presque arrêté.» Ce qu’il appelle la saison forte, qui couvre les mois de  février, mars, avril et mai, elle s’est poursuivie jusqu’en septembre. «C’était pareil comme si on était encore au printemps.»

Le problème qui se pose dans ce marché «légèrement» favorable aux vendeurs, c’est que le nombre d’inscriptions a beaucoup diminué. «Les mandats manquent, leur nombre est coupé en deux en comparaison de mes inscriptions normales», indique-t-il. «Bien sûr on n’a pas la même vigueur que les grands marchés de Montréal et Québec. Les prix sont maintenus, il n’y a pas de vente de feu, mais la négociation se conclut plus rapidement et est plus serrée qu’à l’habitude.» La question: si l’effet Covid a entraîné une rareté dans la banque de maisons à vendre, est-ce que les nouvelles inscriptions des dernières semaines vont être suffisantes pour regarnir l’inventaire ? «On va tous se retrouver en mission pour trouver des maisons. Mais bien des gens retardent leur décision, parce que le prix des matériaux a monté en flèche.»

Vendre, d’accord, mais pour aller vivre où?

Selon un communiqué de Royal LePage, à Sherbrooke, les prix des maisons bondissent de 11,8% au 3e trimestre par rapport à la même période en 2019, pour atteindre 283 762$. Les maisons à deux étages ont observé une hausse de 22,5% au troisième trimestre.

À Sherbrooke, près de la moitié des acheteurs proviennent de l’extérieur: de Gatineau, de Montréal, de l’Alberta et même du New Jersey et de la Californie. «Il s’agit principalement de Québécois ou de Canadiens qui reviennent au Québec pour être plus près des leurs, puisque le télétravail est une pratique de plus en plus adoptée et qui risque de se poursuivre à long terme», dit Jean-François Bérubé, dirigeant-propriétaire de l’agence Royal LePage Évolution à Sherbrooke.

Et Richard Giguère d’enchaîner: «À Sherbrooke, ils ne trouvent plus rien sur le marché, donc ils descendent plus bas (Mégantic). Ce sont surtout les résidences de 100 000$ à 125 000$ que les gens veulent acheter, comme résidence secondaire; avant, c’était un marché plus local. Il y a beaucoup plus de monde qu’avant qui se cherchent une deuxième maison.»

À travers la MRC, toutes les municipalités n’ont pas frappé le gros lot. Certaines s’en tirent moins bien. Si Audet et Frontenac affichent deux fois plus de maisons vendues en comparaison de l’an dernier, pour un volume d’affaires trois fois plus important, à Lambton, par contre, on a assisté à un phénomène inverse, le nombre de transaction a chuté de 40%, et le volume de ventes de près de 30%.

Petit clin d’œil aux «snowbirds» qui seront privés du soleil de la Floride cet hiver, leur «mobil home» de 750 000$ qu’ils ramènent pour passer l’été en région ne sera pas de grand confort à moins 20 degrés, en janvier. Dans leur visée, une petite maison de 80 000$ tout au plus correspondrait à leur besoin d’un pied à terre.

Gina Dubé lance une fleur aux citoyens. «C’est grâce aux gens de la région si le marché immobilier va si bien. Ce n’est pas seulement parce que le décor est beau. Le comportement des gens y est pour quelque chose. On est une petite ville qui a souffert (en 2013), donc quand les gens choisissent de venir y habiter, on est contents. Se faire accepter, s’intégrer, cela touche sur l’émotion.»

Line Bolduc est responsable des petites annonces à l’Écho. Elle voit bien que le volume d’annonces, dans les sections de la maison à vendre et des logements à louer, a connu un changement radical à partir du printemps 2020. «Il n’y a plus de maisons à vendre ou à louer et presque plus de logements à louer. Ce qui est annoncé une semaine, ça part très vite. Par contre, les locaux commerciaux à louer, j’en ai jamais eu autant!»


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