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L’héritage de Michèle Messina
Madame M est enfin libérée de l’obscurité de l’anonymat dont elle était maintenue prisonnière. Il y a un an, du fond de sa cellule de la prison Leclerc, à Laval, Michèle Messina faisait le choix de mourir pour qu’enfin la vérité de l’injustice dont elle était victime puisse commencer à se révéler. À ses trois enfants, Uriah, Yasmine et Zinnia-Rose, Sylvie Morin, celle qui l’a accompagnée pendant de longues années, a rappelé: «N’oubliez jamais la force que Michèle voulait vous transmettre.»
La cérémonie d’adieu prononcée à sa mémoire à l’église Ste-Agnès, le 7 novembre, à la demande du Centre des femmes de la MRC du Granit et devant un groupe restreint d’invitées, se voulait également un hommage à l’engagement de cette femme auprès de sa communauté d’accueil.
Sa dépouille avait été mise en terre à la paroisse Saint-Michel de Sherbrooke, en présence de quelques proches, l’an dernier. «Sa mort a été un choc. L’enterrement, on a gardé cela entre nous, dans l’intimité de la famille», raconte Yasmine. Entre quatre ou cinq personnes tout au plus assistaient à la cérémonie funèbre.
Cette fois, à Lac-Mégantic, dans cette ville où la mère et les enfants ont vécu les huit années de différentes péripéties judiciaires, la boucle a été bouclée. «On ne laissera rien finir en silence, promet le fils, Uriah. On lâche pas; on va continuer d’avancer; on laissera pas tout ça (être survenu) pour rien.»
La cérémonie religieuse, célébrée par l’abbé Francis Morency, a donné lieu à une succession de moments émouvants, durant les prises de parole. Sylvie Morin, la première. «Jamais je n’ai croisé quelqu’un d’aussi combatif. Un à un tu continuais ton chemin, tu perdais une bataille pour en gagner deux autres, puis en perdre à nouveau une autre et tout s’enchaînait «…» Jamais je n’oublierai ces paroles que tu disais : Je crois que la force qui nous permet d’endurer la souffrance est équivalente à notre volonté de survivre.»
«Je peux comprendre sa décision»
Canado-américaine native de l’Estrie, Michèle Messina s’était réfugiée au Québec avec ses trois enfants en 2010, puis à Lac-Mégantic l’année suivante.
À l’automne 2009, alors qu’elle avait déjà fui les violences de son mari, un Américain demeurant en Géorgie (États-Unis), elle avait reçu un appel de ses enfants en pleurs depuis un hangar désaffecté dans lequel ils s’étaient réfugiés, l’exhortant à venir les chercher. Leur père les violentait moralement et physiquement, de l’aveu même des enfants, alors mineurs, qui avaient témoigné pour elle en cour, au Québec. Les tribunaux de la Géorgie avaient pourtant accordé le droit de garde au père et réclamaient l’extradition de Michèle Messina pour y subir un procès pour l’enlèvement de ses enfants. Elle risquait 15 ans de prison.
En 2016, interpellée par des regroupements de femmes du Québec, La Bouée en tête avec sa directrice de l’époque, Sylvie Morin, la ministre de la Justice de l’époque, Jody Wilson-Rayboul, n’avait pu rien faire d’autre que de maintenir l’avis d’extradition. Entre-temps, Michèle Messina était assignée à résidence 22 heures sur 24, entre chacune des étapes du processus judiciaire qui lui apportait son lot d’espoirs et de désillusions.
«La vie entre ta maison qui était devenue aussi ta prison, les allers-retours au poste de police, puis la cour, puis la prison, le tout suivait son quotidien dans l’attente d’un autre appel ou sans crier gare ce coup de fil arriverait, celui que tu redoutais, celui qui t’incarcèrerait de nouveau», a exprimé Sylvie Morin, samedi.
Yasmine, qui vit aujourd’hui à Québec, où elle poursuit ses études, garde de sa mère que de précieux souvenirs. «Ma mère était drôle, avec son énergie contagieuse.» Une bonne cuisinière, également, et «une bonne enseignante pour ses enfants. Une bonne amie, une bonne mère… J’ai toujours des questions à te poser, j’ai toujours besoin de conseils à te demander… J’ai besoin des réponses de ma mère, et la réponse du silence me fait réaliser à quel point tu nous manques! Mais, je peux comprendre sa décision. Elle est en sécurité, ma mère, avec son papa.»
Un documentaire sera produit pour raconter ce long combat d’une femme victime de violence que le système de justice a trahie.
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