Kaléidoscope sur Nelly Arcan

Claudia Larochelle était de passage à la Médiathèque Nelly-Arcan le 25 novembre.

Nelly Arcan et Claudia Larochelle étaient amies. La première n’est plus et la seconde vient de mettre au monde un livre en hommage à sa chère disparue. Une disparue qu’on peut presque toucher dans Je veux une maison faite de sorties de secours, recueil de réflexions sur la vie et l’œuvre de l’écrivaine qui s’est éteinte le 24 septembre 2009. «Mon cœur vous a accompagné dans ce projet. C’est pour ça qu’on tenait à le présenter ici, dans la médiathèque qui porte son nom. Je pense qu’elle est un peu avec nous ce soir.»

Réuni dans le salon de lecture de la Médiathèque Nelly-Arcan, un public attentif s’imprègne des mots de l’auteure, qui présentait son livre le 25 novembre. L’atmosphère est chaleureuse. Il y a cette espèce de tendresse qui flotte dans l’air. La récente publication de Claudia Larochelle part du cœur, dira la principale intéressée. Et sans l’accord des membres de la famille de Nelly, ou Isabelle, elle n’existerait tout simplement pas.

«Je connaissais l’amie, l’auteure qu’on admire. Je suis venue à Lac-Mégantic pour ses funérailles, en 2009. Puis en janvier dernier, après la tragédie. J’ai découvert sa famille que je ne connaissais que par ses mots, j’ai pu mettre un visage, une âme, un cœur à ces gens. Je comprends d’où elle vient maintenant. Où elle est née, l’école qu’elle a fréquentée, qui étaient ses amis… Ça m’a beaucoup inspirée.»

Pour cette journaliste de métier, revenir sur les traces de Nelly équivalait à mener une petite enquête. Ses rencontres avec les proches d’Isabelle Fortier lui ont notamment permis d’apprendre à quel point elle a été encouragée dans son travail d’écriture. Sa mère, Jacynthe, a d’ailleurs lu les premiers jets de Putain. Présente à la rencontre du 25 novembre, cette dernière n’avait que de bons mots à l’endroit de l’auteure invitée. «Je savais que Claudia réaliserait quelque chose de beau sur Isa. J’avais totalement confiance en elle.»

Le livre, qui a officiellement été lancé au Bily Kun, bar montréalais que fréquentaient assidûment des deux amies, n’est pas une biographie classique. «J’ai plutôt voulu lui donner un esprit de souvenir, de réflexion, aller au-delà du mythe. D’où la forme éclatée, avec des photos inédites, des dessins, des listes d’amitié. Je voulais quelque chose d’unique. Pour moi, Nelly est dans la lignée des Anne Hébert et Gabrielle Roy. Elle laisse quelque chose qui est différent. C’est sa voix à elle. Qu’on aime ou pas son style, elle a quelque chose qui est unique dans la littérature et qui a dépassé nos frontières.»

L’amitié et l’admiration que vouait Claudia à Nelly traversent le recueil, entrecoupées par les textes de 19 auteurs. Aux moments plus intimes s’entrecroisent différentes lectures de l’œuvre Arcan. Partout les mots sont choisis. La quête vers la connaissance de l’auteure derrière le personnage de Putain et Folle est manifeste. Plusieurs des collaborateurs ne la connaissaient pas intimement. Certains ne lui ont même jamais adressé la parole. Une distance qui n’enlève en rien leur fascination à l’endroit de cette géante de l’auto-fiction.

Si les confidences de Claudia Larochelle dédramatisent la Nelly Arcan médiatique, les secrets propres aux grandes amitiés n’y sont pas dévoilés. Il est question ici de complicité, de moments fous et joyeux, d’espaces pour les questions existentielles. Et du dialogue imaginaire avec Nelly, qui continue à vivre dans la tête de l’auteure.

Je veux une maison faite de sorties de secours, c’est une rencontre paradoxale entre le désir de se poser et l’envie insatiable de s’envoler. C’est un kaléidoscope organisé. C’est Nelly Arcan dans tous ses états.