Oscar Brochu

La culture en questions!

Les 1er et 2 octobre, journées des arts ou journées de la culture? Les spectacles gratuits proposés sont-ils la preuve, a contrario, qu’elles s’adressent davantage aux consommateurs qu’aux hommes? D’après Thomas Mann, «l’artiste est un bourgeois qui a mauvaise conscience», qu’en est-il du consommateur d’art? Flaubert prétend que «la culture sert exclusivement d’aliment à sa vanité» bourgeoise. Le caractère éphémère de ces journées extraordinaires relègue-t-il la culture au divertissement au lieu de l’intégrer à la définition de l’être? Ces questions appellent la réflexion. Sachant qu’Aristote a dit que «l’homme peut connaître deux instants suprêmes, tous deux accompagnés d’un plaisir intense: le coït et la pensée», (Bloom p.154) ne boudons pas notre plaisir: donnons-nous à l’un et à l’autre dans une frénésie tout édénique. C’est peut-être ça, le paradis sur terre: l’âme et le corps unifiés.

On nous l’a souvent répété, l’homme est un être de culture parce qu’il est grégaire, un être nécessairement politique au sens de la tradition grecque et amérindienne parce qu’il appartient à une société qui rêve d’être plus qu’une somme d’individus: un tout cohérent. Les hommes veulent vivre dans une société qui partage des valeurs communes; en particulier, une définition claire du bien, du mal, du droit et de la justice. En ce sens, la culture dépasse le divertissement et même les arts. Elle concerne notre rapport à la nature, à la nourriture, à l’éducation, à la connaissance, à l’amour, à la mort, à la relation homme-femme, à la sexualité, à la religion, aux mythes, à l’argent, à la violence, à la justice, etc. Elle est ce que nous sommes.

Quel est notre rapport à la nature, nous qui polluons sans gêne l’air, l’eau et la terre; nous qui détruisons la biodiversité, choisissons la monoculture, enfouissons nos déchets nucléaires sans égard à la suite du monde, nous qui rentabilisons la pollution au nom de l’économie en créant un marché du carbone qui permet aux riches de continuer de souiller la planète en toute bonne conscience parce qu’ils paient? Les sept milliards d’êtres humains qui peuplent la terre ont déjà entamé le capital naturel de la planète: les intérêts ne suffisent plus à les nourrir. Au bord du précipice, nous faisons davantage confiance à la technologie qu’à la raison. «Absorbés dans l’ici et le maintenant, nous perdons de vue notre itinéraire dans le temps et oublions de nous poser la question «où allons-nous?» (Wright p.130) Pour les eunuques du pouvoir, la vasectomie est une solution.

Quel est notre rapport à la nourriture, nous qui gaspillons sans honte, nous qui bouffons de la merde, des OGM, des pesticides, du sucre et du sel en quantité industrielle? Quel est notre rapport à l’éducation quand nous laissons l’école faire le travail seule sachant «qu’il faut un village pour élever un enfant»? Comment pouvons-nous tolérer que l’université soit inféodée à la grande entreprise et forme des techniciens spécialisés, hyper compétents, sans autre intérêt - leur vie durant- que leur discipline et leur salaire voué à la consommation et au paraître? Pour reprendre la boutade, nous avons parfois devant nous «des gens qui en savent de plus en plus au sujet de moins en moins, jusqu’à ce qu’ils en arrivent à tout savoir sur rien.» (Ronald Wright dans Brève histoire du progrès, p. 43)

Quel est notre rapport à la religion dans une société où le relativisme est une porte de sortie facile, une manière un peu lâche de se défiler? L’ouverture dont on se réclame «équivaut maintenant à l’acceptation de tout et à la négation de la raison.» (Bloom p.38) Tout étant relatif, la vérité est donc une illusion. Beau programme! Notre morale est-elle fondée sur nos valeurs, nos choix philosophiques ou sur notre intérêt bêtement égoïste? Je respecte ta propriété, tu respectes la mienne… Soyons d’un commerce agréable. Serions-nous collectivement plus près du calcul que du respect? Comme nous pouvons faire dire ce que nous voulons aux chiffres - la vérité et son contraire- notre morale forcée d’abandonner un quoi relatif se tourne donc vers un qui en conflit d’intérêt à moins qu’elle ne sombre dans la religiosité et ses colifichets. La société « catholaïque » dans laquelle nous vivons est-elle sur le chemin de l’agnosticisme ou sur celui de l’athéisme? Si Dieu est mort, la science peut-elle le remplacer? Ces questions que nous évitons de nous poser influencent pourtant la marche du monde.

Quel est notre rapport aux autres quand le moi, conscient de son image, s’enveloppe dans du papier de soi(e)? Ce moi égocentrique est loin d’être un cadeau. Quel est notre rapport à l’argent, à la justice, à l’amour, à la sexualité? La liste de questions pourrait être longue; je voulais juste profiter des journées de la culture pour vous inviter à y participer et à dépasser le spectacle des uns et des autres, à vous intéresser au NOUS des hommes et à celui des Québécois parce que la culture est une photo intérieure de ce que nous sommes, sans le mensonge technique de photoshop, bien que le mensonge porte en lui une part de vérité, celle de la peur de l’autre. Je vous invite aussi à lire Essai sur le déclin de la culture générale d’Allan Bloom et Brève histoire du progrès de Ronald Wright, véritables feu roulant d’idées et d’émotions. Lire, ce n’est pas simplement faire le plein d’idées, c’est aussi provoquer la rencontre de deux inconnus: l’auteur et son lecteur.

Paul Dostie

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