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Une ville unique?
Dernièrement, j’ai eu à rouvrir mes livres d’histoire de Lac-Mégantic et à potasser mes notes. Dans le livre «Lac Megantic P.Q.» dont la préface est signée par le président de la Chambre de commerce des jeunes, Yves Comtois, le 30 octobre 1956, je suis tombé sur une constatation surprenante et ma foi, pertinente parce qu’elle correspond à l’évolution sociale actuelle. Elle devrait nous inspirer dans notre démarche de reconstruction et celle d’arracher le train du cœur de la ville. Le livre sur Lac-Mégantic est extrait du volume « Les Cantons de l’Est », édité par la Société Historique Industrielle Inc.
Je cite: «De tout ce méli-mélo, l’événement le plus marquant et le plus préjudiciable au développement pratique de la ville fut sans contredit l’installation des voies du chemin de fer Pacifique Canadien et de sa cour de triage, aux endroits mêmes qui auraient été les plus propices et les plus avantageux pour le développement résidentiel et commercial de la ville. Évidemment, au temps où ces installations furent faites, il n’était pas question des considérations, même les plus élémentaires, d’urbanisme, et les pratiques du temps étaient sans doute conformes aux exigences des populations de cette époque. Des événements aussi marquants que ceux-là n’avaient pas encore atteint et éveillé la petite population des paysans-défricheurs, habitués au train paisible d’une journée de travail dans l’isolement. Il fallait attendre cette incubation. Le temps étant le seul professeur efficace. Le sens de la prévoyance s’acquiert parfois par des expériences centenaires.» p.282
Voilà , c’est dit. L’incubation est maintenant chose faite. On le sait, aujourd’hui, le centre-ville est d’abord un milieu de vie et, pour être viable, il requiert une certaine densité de population. On souhaite que le nôtre soit à échelle humaine; raison de plus de récupérer le terrain pour lequel, en 1888, l’International Railway a obligé la Ville à emprunter et à exproprier pour le lui offrir gratuitement. Pourtant, la compagnie de chemin de fer ne manquait pas d’argent puisque sa poussée vers les Maritimes s’inscrivait dans le lien d’un océan à l’autre largement subventionné. Plus loin, cela ne l’aurait pas empêchée d’être le moteur économique qu’elle a été.
De plus, ce choix imposé a contraint la Ville à tracer les rues Frontenac et des Vétérans en zone inondable. Donnez aux riches, ils ne tarderont pas à exiger d’autres privilèges sans égard pour la population. Notre histoire locale le démontre clairement si nous nous référons au honteux épisode de la politique des «bonus» entre 1890 et 1920. La municipalité a tellement donné aux industriels qu’elle en est venue à être gênée de prendre l’argent du peuple pour accorder des privilèges aux riches. Aujourd’hui, c’est l’usage du Fonds Avenir Mégantic qui me fait tiquer: devait-il servir à payer des exemptions de taxes? Je trouve ça petit, certainement pas à la mesure du défi que nous avions à relever. Si oui, elles auraient dû être inversement proportionnelles au chiffre d’affaires et surtout, ne pas servir à éponger l’étrange dévaluation de la zone industrielle.
En prolongeant la rue Thibodeau jusqu’à Papineau et en ajoutant à l’est de la rue Frontenac, une rue parallèle au prolongement de Thibodeau, ces résidants profiteraient d’un ensoleillement extraordinaire, rempliraient le trou hideux et donneraient une réalité au vœu populaire: une ville à échelle humaine. En déplaçant la voie ferrée, en démantelant le pont ferroviaire enjambant la Chaudière, en détruisant l’affreux viaduc qui sert de goulot d’étranglement à l’entrée de la rue Salaberry et en rasant le remblai, nous aurions enfin l’unité nécessaire à la survie du centre-ville éclaté qu’est devenu le nôtre par la force des choses.
C’est aux coupables de permettre à la vie de reprendre racine: la Ville ne devrait pas avoir à payer pour ce qu’elle avait: une vie! En laissant les convois circuler ou même un train touristique –actif quelques mois par année- on hypothéquerait le développement harmonieux de la ville tout en répétant l’erreur du passé pour servir les intérêts de quelques-uns au détriment de l’ensemble. Pareil équipement industriel n’a pas sa place au centre-ville, d’autant plus que nous n’avons plus l’excuse des pionniers ni celle de l’ignorance.
Aujourd’hui, nous avons la chance de redonner vie à ce qui était et d’avoir une ville unique au pays, ce qui lui vaudrait un intérêt soutenu. Vous l’avez remarqué, Lac-Mégantic est un véritable amphithéâtre naturel. Peu importe par où nous arrivons, nous y entrons par un sommet. Les résidants se sont installés sur les flancs des collines donnant sur le lac comme on prend un siège dans les gradins. Le centre-ville en constitue le parterre; le lac, la scène et les montagnes, le décor. C’est beau chez nous. En dehors des villes et villages situés sur les rives du fleuve, peu ont un horizon apaisant comme le nôtre à offrir. C’est un atout précieux, une ouverture qui devrait refléter nos valeurs et notre état d’esprit.
Même si nous devons vivre avec la Promenade Papineau, nous pouvons encore tirer profit de ce choix malheureux. Imaginez l’expérience unique d’un cœur citoyen et d’une périphérie commerciale (les rues du Québec-Central, Papineau et Salaberry). Partout ailleurs, les citoyens vivent l’inverse. Vidé de ses vestiges industriels (infrastructures ferroviaires), le centre-ville peut enfin devenir un véritable milieu de vie. Nous avons la chance d’expérimenter une aventure humaine sans précédent et ce, sans nuire à l’économie, peut-être même en la favorisant parce que la qualité de vie est un incitatif au bien être et aux échanges.
Lac-Mégantic, une ville modèle tant au niveau du développement durable qu’au niveau de l’urbanisme; le citoyen au cœur de la cité: un projet pilote inspirant, une curiosité en soi qui vaudra le détour. Sur le chemin de nulle part, mais nulle part ailleurs. Bref, il serait temps que les Méganticois aient enfin droit à la compassion nécessaire, à la vie simple et tranquille du bonheur au quotidien. Il y a là un projet collectif inspirant face aux tractations secrètes qui se trament. Ce secret là laisse deviner un groupe d’intérêt qui a trouvé des oreilles que d’autres n’obtiennent pas, même en descendant dans la rue. Cela me rappelle les référendums pour l’édification d’un barrage électrique sur la Chaudière: pour l’emporter, il fallait que le vote soit supérieur en nombre et en valeur foncière. La population avait beau voter pour l’érection d’un barrage, la poignée de notables était contre et l’emportait. Comme l’histoire a tendance à se répéter, je suis inquiet.
Pensez-y: le citoyen au cœur de la cité, c’est plus qu’une image forte, c’est passer de la parole aux actes.
Paul Dostie
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