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De l’ami imaginaire à l’ennemi invisible
Il est entré sans frapper, comme un voleur. Rien de plus facile, me direz-vous: il est invisible. Comme le vent, on le devine dans ses manifestations. L’un fait trembler les feuilles ou soulève la poussière tandis que l’autre s’en prend aux plus faibles et ébranle même les colonnes du capitalisme. Coronavirus fait peur. Décidément, la force n’est pas dans la masse ni dans la poudre aux yeux et autres «sparages» pour en imposer; elle est dans l’infiniment petit, habile à se servir des autres pour faire son œuvre. Sa force, c’est aussi notre bêtise qui oscille entre l’ignorance et le complot. Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes: sans cesse, on meurt.
Certains ont eu un ami imaginaire, somme toute rassurant puisque c’était un ami; aujourd’hui, nous voilà affublés d’un ennemi invisible. Nous avons appris à vivre avec l’ami imaginaire tant et si bien que, parfois, nous en avons fait un objet de culte. Mais cet ami-là n’a pas toujours été rassurant; lui aussi s’invitait comme un voleur et agitait son bras vengeur. La punition passait bien avant l’amour au temps du pouvoir absolu du confessionnal où chacun était son propre délateur et au temps de la noirceur entretenue malgré la lumière annoncée. En colère, ces dieux- là étaient de véritables virus pathogènes.
L’ennemi aurait beau être imaginaire, il n’en serait pas moins inquiétant et réel puisque, trop souvent, nous le laissons semer sa paranoïa. À vrai dire, ce n’est pas le virus ennemi qui est imaginaire, mais les complots qu’on invente à hue et à dia. Ça va du gouvernement mondial Big Brother à l’éclatement de la démocratie, de la perte de la liberté à la puce injectée à l’occasion du vaccin, des pharmaceutiques rapaces aux sociétés secrètes et autres affabulations. Bien sûr, il nous faut rester vigilants, nous inquiéter de la télésurveillance en particulier, mais aussi de notre propension à laisser des informations personnelles sur les réseaux sociaux ou d’autoriser les compagnies d’assurances à espionner nos habitudes de conduite pour économiser quelques dollars. La liberté, c’est un combat perpétuel et autre chose que dire n’importe quoi sur Facebook ou ailleurs. C’est avant tout un choix exigeant.
S’en remettre à des gourous médiatiques, pseudo-scientifiques ou même patentés, s’ils ne sont pas appuyés par leurs pairs ou par l’expérience scientifique vérifiée, c’est à toute fin pratique aliéner sa liberté, celle que l’on prétend défendre. Ici, ce n’est pas l’ennemi qui porte le masque, mais ses victimes; quant à celui des complotistes, il est aussi invisible que le virus dont on ne se méfie pas assez. Covid est réel bien qu’invisible; il ne faut donc pas se fier à ses sens mais à ses neurones pour séparer le vrai du faux. Il y a l’imaginaire foisonnant et l’invisible à l’affût. L’astuce, s’en servir pour renforcer notre système immunitaire : par le vaccin, la transmission communautaire, peu importe. Ainsi, à l’ami imaginaire d’hier, nous pourrions ajouter, demain, un «allié» invisible parce qu’il a des frères terroristes qu’il faut voir venir et décoder.
À bien y penser, avec la pandémie, c’est peut-être le monde qui se rature pour mieux recommencer: les bactéries et les virus refont leurs devoirs. Vont-ils éliminer les hommes, ces apprentis sorciers, trop bêtes pour comprendre qu’ils dépendent de la nature bien plus qu’elle ne dépend d’eux.
Paul Dostie
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