Toute cette vie menacée près des berges de la Chaudière

Toute cette vie menacée près des berges de la Chaudière -   : Opinion

Je fais de la photographie de la nature, me spécialisant surtout dans celle animalière, à Lac-Mégantic depuis environ quatre ans. J'habite à quelques minutes à pied de la rivière Chaudière, et donc, bien que je me rende également à d'autres endroits dans la MRC du Granit, les sentiers près du centre sportif qui longent la rivière sont mon endroit de prédilection pour y observer et photographier la faune.

J'y suis pratiquement tous les jours, et ce, depuis bien avant que je commence à faire de la photographie. Mais, depuis environ quatre ans, j'y suis de manière intensive en termes de temps et d'observation. Et, il y a deux points que je trouve très inquiétants depuis plus d’un an et sur lesquels j’aimerais attirer votre attention.

Le niveau d'eau de la rivière
Je suis préoccupée par le niveau d'eau de la rivière qui depuis plus d’un an maintenant est beaucoup plus haut que les années antérieures. J'ai d'abord cru que c'était dû aux travaux qui se faisaient au barrage près du pont sur la rue Frontenac. Mais ceux-ci sont terminés depuis un bon moment déjà, et malgré cela, le niveau d'eau de la rivière est demeuré élevé.

Cette baisse du niveau d’eau du lac, et impérativement de la hausse de celui de la rivière, entraîne des conséquences directes et majeures sur la faune. Et depuis plus d’un an, je suis aux premières loges pour l’observer.

Les marais du lac s’assèchent, alors que ceux près de la rivière sont inondés. Un marais est un peu comme les poumons des lacs et des rivières, il permet l’oxygénation de l’eau et crée également un écosystème des plus importants. Ce changement du niveau de l’eau met en péril la santé du lac et de ses marais, ainsi que de la rivière et de ses marais. Dans les deux cas, la faune en est perturbée.

À la rivière, le niveau d’eau inonde les berges, et le courant y est également beaucoup plus fort. Les berges ont une composition végétale spécifique et beaucoup d’animaux en dépendent. Changer le niveau d’eau entraîne d’importantes répercussions sur la faune et la flore.

Depuis le changement du niveau d’eau, mes observations animalières près de la rivière ont baissé drastiquement. Pratiquement tous les jours, je longe la rivière à partir du pont de la rue Papineau jusqu’à celui de la voie de contournement, et je visite également les marais environnants dans ce secteur.

Nous avions la chance d'avoir une grande variété de canards qui reviennent nicher chaque printemps aux abords de la rivière. Mais depuis le changement du niveau d’eau, plusieurs espèces n'y sont plus, et celles présentes le sont en très petit nombre comparativement aux années antérieures. L’impact est également visible durant la saison hivernale, il y a une baisse significative parmi ceux qui sont présents à l’année.

La plupart de ces oiseaux/canards migrateurs reviennent nicher aux mêmes endroits chaque année, mais au printemps 2022 le niveau de l’eau était beaucoup plus haut et le courant beaucoup plus fort. Conséquemment, certaines espèces ont dû se trouver un autre endroit pour faire leur nid. C’est une grande perte! Et parmi ceux qui ont niché près de la rivière, plusieurs nids ont été emportés par les eaux. J’ai pu en être témoin pour trois espèces différentes! C’est donc très probable qu’ils ne reviendront pas au même endroit en 2023…

Il y a également plusieurs petits animaux qui ont leur habitation tout près de l’eau, je pense notamment aux visons d’Amérique entre autres. Dans le secteur que je longe près de la rivière, à ma connaissance, au moins trois terriers ont été inondés par la hausse de l’eau. Depuis, le nombre de spécimens présents près de la rivière a également baissé substantiellement.

Avant, simplement en marchant sur le pont Papineau, au plus grand bonheur des passants, il était possible d'observer les grands hérons pêchant sur les berges de la rivière. Maintenant, ils n'y sont plus, les berges étant immergées et le courant trop fort.

Depuis les dernières années, j'en voyais plusieurs à divers endroits aux abords de la rivière. L’eau étant beaucoup plus basse, certains rochers émergeaient à la surface, permettant aux hérons de s’y poser pour pêcher. Plusieurs secteurs de la rivière avaient également un niveau d’eau plus bas, et donc, on pouvait y observer les grands hérons directement dans la rivière. Mais ces endroits ne leur sont plus accessibles...

Nous avions également la chance de pouvoir observer des martins-pêcheurs qui longent la rivière entre le pont de la rue Frontenac et celui de la voie de contournement. Ces oiseaux ont besoin de cours d'eau dont le niveau est relativement bas pour pêcher, et à plusieurs endroits le long de la rivière, c'était le cas. Ils étaient donc de retour à chaque année. Mais depuis un an, les parties d'eau qui étaient plus basses ne le sont plus, et eux aussi en sont donc directement affectés.

Une grande variété d’oiseaux de rivages (des chevaliers, des bécasseaux, des râles, des pluviers, des hérons verts, des grands hérons, etc.) venait sur les berges vaseuses de la rivière pour se nourrir, ainsi que dans le grand marais. Mais, celles-ci sont maintenant immergées... On ne les voit donc plus! Nous avions la chance d'avoir des râles de Virginie dans la portion marécageuse depuis quelques années. Ce sont des oiseaux très discrets et difficiles à observer, et qui se nourrissent eux aussi dans la vase et l'eau peu profonde, mais depuis un an, ils ne sont plus présents.

Ce changement au niveau des oiseaux marins a également eu un impact sur les pygargues à tête blanche. L’hiver était l’un des moments où je les voyais le plus souvent. Ils rabattaient les canards en survolant la rivière et tentaient d’en capturer en vol. C’est un spectacle que j’ai pu observer à plusieurs reprises au cours des derniers hivers. Mais cette année, pas une seule fois je n’ai pu être témoin de cette scène. Ils n’étaient pas présents à la rivière.

La hausse de la rivière impacte également les animaux qui ont besoin de la traverser d'une rive à l'autre pour se nourrir. Je pense entre autres aux cerfs de Virginie (particulièrement les biches avec leurs petits). Le niveau d'eau étant plus haut et le courant plus fort, ils le font aux risques d’être emportés (eux ou leurs faons) par le courant, ou doivent aller beaucoup plus loin pour pouvoir traverser… Ce qui fait en sorte que ce sont eux aussi des animaux pour lesquels j’ai pu observer une baisse significative depuis un an dans le secteur.

En fait, alors que dans les années antérieures les cerfs faisaient partie des animaux que l’on pouvait voir régulièrement dans les sentiers près du centre sportif, ceux-ci sont maintenant presque tous disparus. On en croise que très rarement. L’hiver il est facile d’observer les pistes dans la neige, et cette année, celles-ci démontraient qu’un seul individu semblait se promener dans le secteur.

Il y a une grande diminution d’oiseaux de façon générale près de la rivière et des marais, pas seulement les oiseaux de rivages, mais de tous les oiseaux, particulièrement de ceux qui se nourrissent d’insectes. Les marais et les berges de la rivière étant des endroits propices en ce sens. Cela amène également une baisse des oiseaux de proie qui se nourrissent d’autres oiseaux, tels les éperviers, les faucons émerillons et les buses.

Ce ne sont là que quelques exemples très facilement observables de l'impact sur la faune, et pour sûr, il y en a certainement beaucoup d’autres. Cette richesse qu'il nous était possible d'observer est grandement perturbée par ces changements... C’est la santé du lac, des marais, de la rivière et de la faune qui est atteinte! Une baisse du niveau d’eau du lac est également beaucoup plus propice aux algues bleues, un fléau qui risque d’envahir le lac si on ne fait rien rapidement pour rétablir les choses. 

Dans un autre ordre, cette hausse du niveau et du courant de l'eau de la rivière fait également en sorte que ceux et celles qui venaient pêcher à la mouche dans la rivière ne peuvent plus le faire. Depuis plus d’une décennie, je vois des pêcheurs exercer leur passion à quelques pas à peine du centre-ville. Mais depuis 2022, le niveau d’eau est trop haut et le courant beaucoup trop fort, ça leur est donc maintenant impossible.

Il y a également les berges près de la rivière qui étaient libre d’accès à tous et qui ne le sont plus. Des endroits où il était possible de se baigner, de patauger dans l'eau en toute sécurité avec de jeunes enfants, ou de simplement profiter d’un moment de tranquillité en nature sur le bord de l’eau n’existent plus.

Cependant, c'est la diminution et la perturbation de la faune et la nature qui me préoccupent le plus! Je suis aux premières loges pour constater les répercussions sur celles-ci. Et depuis le changement du niveau de l’eau, il y a un effet direct. C’est très inquiétant! Nous risquons d’atteindre rapidement un point de non-retour, tant pour la faune que pour la santé du lac et de la rivière, si rien n’est fait pour rétablir un niveau d’eau plus haut pour le lac, et donc plus bas pour la rivière, et ainsi les préserver…

La coupe des herbes et des fleurs sauvages
Toujours dans les sentiers en arrière du centre sportif, précisément celui qui longe la rivière, j'ai remarqué que dès le début de l'été, la ville rase toutes les herbes près du sentier. Antérieurement, seulement le bord des sentiers (environ un ou deux pieds) était tondu, mais depuis deux ou trois ans, c'est toute la partie entre le sentier en gravier et le début de la forêt qui est supprimée.

Après les pissenlits (et un grand merci de les laisser !!!), les marguerites poussent, ainsi que toutes sortes d'herbes et de fleurs des champs. Ce qui donne à la faune animale, aviaire et insectivore une grande variété de nourriture, mais également des abris pour faire leur nid ou se cacher de prédateurs. En laissant ces parties de la nature intactes, cela contribue au bien-être de toute la faune qui nous entoure, et avec laquelle on se doit de vivre en harmonie pour la préserver.

Depuis que ces herbes sont rasées, j’ai pu notamment observer une grande diminution des marmottes communes près du centre sportif. Ce sont des animaux qui bénéficient grandement de cette nature. Pour le bien-être de la faune, il faudrait ne plus tondre cette partie de la nature!

Les sentiers en gravier sont larges, et ces herbes n'envahissent aucunement les marcheurs. Cependant, elles sont très précieuses pour la faune!

Je suis une grande amoureuse de la nature et sa faune, c'est précisément ce qui m'a amenée à venir vivre à Lac-Mégantic il y a de ça bien des années maintenant. Cette proximité avec elle. Alors, j'ai à cœur que cette ville que j'aime tant préserve et protège ces joyaux naturels qui nous entourent.

Merci de m’encourager dans cette démarche et de m’appuyer, notamment en faisant connaître votre opinion ou vos propres observations à la Ville, afin de continuer à vivre en harmonie avec la nature. 

Lilou Wolfe
Photographe animalière à Lac-Mégantic

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