Nathalie Trottier livrait un témoignage à l’occasion de la Journée nationale d’action et de commémoration contre la violence faites aux femmes.
Après avoir subi de la violence conjugale durant 25 années, Nathalie Trottier s’est choisie. Le 3 juin 2012, un déclic s’est produit. Laissant tout derrière, elle a emprunté le long chemin menant vers sa liberté. Aujourd’hui, son histoire est source d’espoir et vecteur de changement social.
Nathalie Trottier livrait un témoignage sur son vécu le 6 décembre dernier, à l’occasion de la Journée nationale d’action et de commémoration contre la violence faite aux femmes. L’activité bouclant une année d’événements soulignant le 40e anniversaire de La Bouée était offerte en collaboration avec le Centre des femmes de la MRC du Granit.
Exprimant sa fierté d’avoir retrouvé sa liberté et sa dignité, elle souhaite que son message soit porteur d’espoir et de résilience. «Les survivantes, on n’est pas des masochistes ou des faibles. On est des vraies guerrières.»
C’est à 16 ans qu’elle a rencontré son «prince charmant». Mais le conte de fées s’est transformé en cauchemar. «Ayant subi un total décervelage, je n’arrivais plus à raisonner convenablement. Je n’avais plus de pensées propres. Je subissais sans consentir. C’est une violence pernicieuse, qui s’installe tranquillement, qui manipule, culpabilise, te fait perdre ton sens critique et ta personnalité. Tu deviens complètement effacée, envahie par cette peur qui tyrannise et paralyse, avec l’impression constante de devenir dingue.»
Isolée de sa famille et de ses amis en plus d’avoir perdu le contrôle de ses économies, Nathalie s’est rendue en maison d’hébergement… huit fois. «Comme il n’était jamais violent devant les enfants, je n’y allais jamais avec eux. Mais comme un d’entre eux vivait avec une maladie, je craignais qu’il ne s’en occupe pas bien. Il y avait aussi la violence économique; je n’avais plus le contrôle de mes économies. En plus, il me menaçait de se tuer avec les enfants si je partais. Alors je revenais. Je ne voulais tout simplement pas prendre le risque qu’il mette à exécution ses macabres intentions.»
La 8e fois a été la bonne. «Au plus profond de mon désespoir, j’ai soudain réalisé la gravité de cette relation toxique. Le journal que je lisais quelques minutes plus tôt avait disparu. Il m’a dit «quel journal»? Je l’ai retrouvé dans la poubelle, puis le déclic s’est fait : il me faisait douter de mes perceptions et voulait vraiment me rendre folle. Mes enfants enfin devenus grands, j’ai tout laissé derrière moi. Mon ancienne vie et mes acquis, mon entreprise familiale… avec à peine 100$ en poche, complètement détruite et démunie.»
Pour Nathalie Trottier, connaître les ressources à sa disposition dès son arrivée en maison d’hébergement a fait toute la différence. «Pour la première fois, on m’a parlé du CAVAQ (Centre d’aide aux victimes d’actes criminels), d’IVAQ (indemnisation des victimes d’actes criminels), des maisons de 2e étape. J’ai eu la chance d’être épaulée par des intervenantes compétentes. Elles m’ont aidée à affronter ma transformation pour que je parvienne en toute conscience et devienne l’artisane de ma propre libération et de mon propre bonheur. Grâce à elles, j’ai su faire les changements qui s’imposaient. J’ai appris à m’aimer avec bienveillance, à poser mes limites, à être fidèle à moi-même et surtout à me respecter, transmet celle qui s’est pleinement réalisée à en se reconnectant à sa créativité. «L’art est pour moi une sorte d’exutoire».
En plus d’être artiste peintre et conférencière, Nathalie a à son actif des réalisations contribuant à un changement de mentalité. Parmi celles-ci, la participation à une grande recherche partenariale à l’Université de Montréal en tant qu’experte de vécu, la réalisation de capsules d’information pour les policiers de Montréal, une formation pour les policiers de Longueuil ainsi qu’une conférence donnée à tous les directeurs généraux de la Sûreté du Québec à l’école de police de Nicolet. Sans compter son passage à l’émission Tout le monde en parle.
Soutenir la victime
En moyenne, les femmes victimes de violence conjugale se rendent en maison d’hébergement 6 à 8 fois avant de partir pour de bon. Il est d’autant plus important pour les proches de leur offrir un soutien indéfectible, laisse entendre Nathalie Trottier. «Il est normal de se sentir impuissant et dans l’incompréhension devant l’ambivalence d’une victime. Mais il faut respecter son rythme et ses choix. Quand elle va être prête, elle saura que les ressources sont là et que vous êtes là pour l’accompagner. L’important c’est de ne pas la juger, de la croire, d’ouvrir le dialogue avec empathie, de lui parler des ressources, d’établir des scénarios de protection. De lui dire que c’est la situation qu’elle vit qui n’est pas normale, pas elle. Qu’elle n’est pas responsable de son partenaire, qu’elle ne peut ni le changer ni le sauver. Rappelez-lui aussi qu’elle a de la valeur et que personne ne devrait vivre dans la violence.»
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