Cégep Beauce Appalaches

Lui, ses souliers…

La mise en scène laissait prévoir une petite révolution. La veille de la présentation du budget, le ministre des Finances, Raymond Bachand, confie à une horde de cameramen, de photographes et de journalistes qu’il a passé chez le cordonnier pour faire refaire la semelle de ses beaux souliers. Une remise à neuf! On en ignore la marque, mais avec un salaire de ministre qui contrôle les finances d’un État et qui additionne et soustrait des dizaines des milliards, on s’entend que le monsieur, un bon Jack en passant, a les moyens de se payer un produit italien déniché ailleurs que dans les rayons d’un Walmart. Surtout qu’il s’agit d’une dépense reliée à l’emploi déductible d’impôt, j’imagine, donc avec une facture refilée à… vous savez qui!

Parfait pour le clip télé, un ministre qui, pour montrer qu’il se serre la ceinture, va passer chez le cordonnier plutôt que chez son chausseur privé. Au diable la tradition parlementaire. Quoique, j’imagine mal un ministre trouver lui-même l’adresse d’un cordonnier, stationner sa limousine le long d’une rue et pénétrer dans l’échoppe d’un gars qui pratique un métier en voie d’extinction.

Un ministre qui débarquerait chez Palma, ça se verrait. Attendez que je me rappelle. Il y a d’abord l’odeur quand tu pousses la porte. Ça sent bon le cuir! Et une cordonnerie, c’est le symbole même du travail de l’artisan et de l’achat local! Et le cordonnier est là pour t’accueillir comme un roi. C’est juste qu’un roi ou ministre comme client, ça doit être rare sans bon sens.
Je ne vous parlerai pas de son budget, au ministre Bachand. Un seul commentaire, il me semble empreint d’un courage que peu de ses prédécesseurs ont démontré jusque-là. Et j’aime mieux que ce soit lui qui l’ait préparé plutôt que son chef, Jean Charest, qui verra son salaire geler, peut-être, mais qui ne se fera pas couper sa prime à la performance que lui verse le Parti libéral. Et comme Jean Charest voyage beaucoup ces temps-ci, peu de chance qu’il passe chez le cordonnier pour donner l’exemple, lui aussi.

L’histoire des souliers m’a donné envie de revisiter la chanson de Félix Leclerc, Moi mes souliers. Je voulais voir si le texte avait quelque chose de visionnaire. Bon Dieu! J’ai soudain compris le rapport entre les souliers du ministre et le besoin de Jean Charest de se faire pardonner.

Lisez vous-même, en vous remémorant la voix grave et chaude de Félix. «Moi mes souliers ont beaucoup voyagé; ils m’ont porté de l’école à la guerre; j’ai traversé sur mes souliers ferrés le monde et sa misère. Moi mes souliers ont passé dans les prés; moi mes souliers ont piétiné la lune; puis mes souliers ont couché chez les fées et fait danser plus d’une. Sur mes souliers y’a de l’eau des rochers; d’la boue des champs et des pleurs de femmes; j’peux dire qu’ils ont respecté le curé, l’pays, l’bon Dieu et l’âme. S’ils ont marché pour trouver l’débouché; s’ils ont traîné de village en village; suis pas rendu plus loin qu’à mon lever mais devenu plus sage. Moi mes souliers n’ont pas foulé Athènes; moi mes souliers ont préféré les plaines; quand mes souliers iront dans les musées, ce sera pour s’y, s’y accrocher.»

Et le dernier couplet: «Au paradis, paraît-il mes amis; c’est pas la place pour les souliers vernis; dépêchez-vous de salir vos souliers, si vous voulez être pardonnés… Si vous voulez (petite pause) être pardonnés.»

Vous penserez ce que vous voulez de son budget, mais Raymond Bachand est un bâtisseur. Un homme droit. J’ai confiance en lui. Ferait-il pour autant un bon premier ministre, une fois qu’on aura accroché les souliers de son boss au musée? Je ne sais pas, mais une chose est sûre, son premier budget en carrière, même s’il semble impopulaire à entendre les réactions, donne un coup de volant pour ramener les finances publiques sur la bonne voie. Un tout petit doute, cependant, quand j’ai vu Jean Charest saliver! Y’en aurait-il anguille sous le soulier?

Pour Jean Charest, le temps presse s’il veut être pardonné! Parce que ce ne sera pas à coup de soulier vernis au derrière qu’il se fera chasser du pouvoir. Ce sera à coup de grosses bottes pleines de bouette, pour avoir préféré «coucher chez les fées», au royaume enchanté de la haute finance, que d’avoir couvert ses souliers de «l’eau des rochers, d’la boue des champs et des pleurs de femmes.»

Pour se serrer la ceinture au cours des prochaines années, la population devra passer elle aussi chez le cordonnier. Un trou de plus à la ceinture qu’on portait sans doute trop large! Et quand il ne restera plus d’espace pour faire d’autres trous, il ne vous restera plus qu’à vous la glisser au cou!

Non, sérieux! Le vrai choc du budget 2010-2011, c’est pas tant l’augmentation des tarifs d’électricité, l’imposition d’une contribution annuelle à la santé, d’un ticket modérateur à l’hôpital, d’un point de plus à la TVQ ou d’une cenne de plus à la taxe sur le carburant, non, le vrai choc c’est de se rendre compte que malgré les efforts pour enseigner des tas de bonnes matières à nos enfants, dès la petite école, personne n’ait encore cru bon de rétablir le cours d’économie familiale 101. Pour nous, comme pour nos dirigeants.

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