Oscar Brochu

Le labyrinthe

Vous en découvrez à l’endos de certaines boîtes de céréales; vous en achetez de pleins cahiers au Dollarama et, généralement, vous les trouvez faciles à compléter. Le jeu exige toute votre attention et vous ne levez les yeux qu’une fois l’exercice terminé. Les enfants y jouent, même les adultes qui aiment se casser la tête, comme si la vie au quotidien ne leur offrait pas suffisamment de défis. Parfois, le labyrinthe devient un jeu complexe qu’il peut vous donner le sentiment d’être perdu, mais là… complètement!

Sur les réseaux sociaux circule à vitesse grand V un dessin de labyrinthe créé par une Japonaise qui y a travaillé pendant… 7 ans! L’histoire ne dit pas ce qu’elle fait dans la vie, la madame, mais, sans vouloir dénigrer personne, je la verrais bien fonctionnaire à l’Agence de Revenu du Canada.

Pourquoi cette agence-là en particulier? Parce que je viens d’en faire l’expérience. Et croyez-moi, l’image d’un labyrinthe est très appropriée pour quiconque s’infiltre dans un système téléphonique gouvernemental hautement sophistiqué, conçu par des psychologues à l’emploi des Sévices secrets de Sa Majesté pour épuiser les cellules d’un cerveau normalement constitué.

Pour bien préparer mes déclarations de revenus, il me fallait un formulaire spécial qu’on ne trouve pas d’habitude dans la trousse fournie à des millions d’exemplaires. L’appel à Revenu Québec a duré à peine deux minutes. La personne à l’autre bout du fil a pris en note le numéro du formulaire. «Vous le recevrez par la poste dans un délai de cinq à dix jours ouvrables.»

Au fédéral, maintenant. Harper n’arrête pas de nous le répéter: on a beau être une nation distincte, on demeure des citoyens canadiens à part entière. Avec des services qui se doivent d’être efficaces. Après tout, si on a les moyens de s’acheter des avions de combat à 45 milliards de dollars et des bateaux neufs presque aussi chers, ce serait normal qu’à l’autre bout du fil, quand un contribuable a besoin d’un formulaire, il puisse entendre là aussi… une «vraie» voix!
Je trouve sur le site Internet de l’Agence le numéro à composer pour les résidents du Québec. Premier essai. «Pour le service en français, faites le un. Pour le service en anglais, faites le 2 !» Plusieurs jours plus tard, j’ai regretté de ne pas avoir fait le 2. Le premier piège se trouvait là, à l’accueil. Ensuite, «pour faciliter le service», semble-t-il, la voix mécanique m’indique que «cet appel peut être enregistré». C’est rassurant! L’enregistreuse va enregistrer une «vraie» conversation! Et la voix me dirige alors vers différentes options. Au fur et à mesure que la liste défile, le temps passe. Aucune qui ne correspond à mon besoin particulier: obtenir un simple formulaire. Sur le clavier du téléphone, je tape un chiffre, que j’imagine le plus ressemblant. «Pour faciliter le service…» je dois décliner mon nom et ma date de naissance. Normal, que je me dis. Après tout, je pourrais être un dangereux terroriste qui demande le formulaire T-2201F pour ensuite menacer la sécurité du Canada! Plus je m’enfonce dans le labyrinthe, plus je me sens inquiet. Vais-je retrouver une sortie de secours si la panique me prend? Sans être ultra claustrophobe, je ne suis pas très à l’aise confiné dans les dédales d’un circuit téléphonique qui me conduit je ne sais où. Bon, j’arrive à la question qui tue: «Tapez le chiffre inscrit à la ligne 150 de votre déclaration de revenu 2011!» Euh! Retracer ma déclaration de revenu 2011, c’est comme choisir un autre labyrinthe qui va me demander un temps fou, je le sais. Et comme je suis à un kilomètre de la maison… j’enfonce le 0! Comme un Jean-Pierre Ferland ou une Marie-Mai à l’émission «La Voix» en me disant que peut-être qu’un fonctionnaire qui se cache quelque part dans le labyrinthe va se tourner avec son siège et bondir à ma rescousse pour me guider par la main vers le bon bureau qui cache le bon formulaire. Peine perdue! «Nous n’avons enregistré aucune donnée. Veuillez recommencer!» Je recommence en retapant 0! À la guerre d’usure qui s’engage entre le foutu système téléphonique et moi, je me dis que j’ai des chances de le coucher au tapis! Belle absurdité! Ne présumez jamais de vos forces contre Big Brother! La voix mécanique met fin brutalement au jeu. «Veuillez raccrocher et rappelez plus tard !» Je me sens comme dans les vieux épisodes de Mission impossible quand la petite enregistreuse crache à la fin: «Ce message s’autodétruira dans cinq secondes!»

Au deuxième essai, je consulte le bottin. Je cherche Agence de revenu du Canada. Rien sous la lettre A. C’était trop facile. Un autre piège. Mon doigt descend et tombe sur Taxes et Impôts. Évident! Allons-y! Pendant que je compose cet autre numéro, une petite voix dans ma tête me rassure. «Au pire, tu vas te retrouver dans un bureau régional, donc à Sherbrooke, où il y a de vraies personnes qui vont te répondre!» C’était encore une fois mal estimer la capacité d’un bureau fédéral à te mettre des bâtons dans les roues. On m’offre la même démarche, je donne les mêmes réponses. Et je me fais expulser du labyrinthe. Entêté, je reprends le téléphone une heure plus tard, en pensant naïvement qu’ils ne me reconnaîtront pas! Cette fois, je vous le jure, la même cr… de voix me signale qu’il n’y a plus de service au numéro que j’ai composé et on me donne le choix d’autres numéros, avec des options qui ne correspondent toujours pas à ma quête d’un h.. de t… de formulaire T-2201F.

Je m’avoue vaincu! Encore quelques jours et je vais appeler le bureau de Christian Paradis. Des contacts, c’est utile parfois! Du moins, j’espère. Entre-temps, j’envie E-T l’extra-terrestre ! Imaginez, avec un vieux modèle de tourne-disque, il a réussi à entrer en contact avec son monde situé à l’autre bout de l’Univers et sa famille de petits hommes verts sont venus le chercher. S’il le faut, j’essaierai le truc et surveillerai le ciel, au cas où E-T viendrait en personne me livrer mon formulaire T-2201F.

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