Le silence des Méganticois

Assis à la table de la cuisine, le contribuable méganticois consulte son compte de taxes. Il n’est ni aveugle ni sourd! Les chiffres s’alignant sur le papier parlent d’eux-mêmes. Le progrès a un prix! Même si on ne le consulte jamais, lui, l’homme ordinaire, il peut comprendre que le coût de la vie suit son cours. Sa ville change, elle n’est pas figée dans le statu quo! Il voit bien que les élus n’ont pas toujours les moyens de leurs ambitions, mais ne vaut-il pas mieux avancer à petits pas que de dévaler la pente du futur à reculons?

Comme contributeur des dépenses publiques effectuées par l’administration municipale, il s’est senti pas mal bousculé ces dernières années. Un projet n’attendait pas l’autre. Et pas des petits budgets de fonds de tiroir! Normal qu’avec des emprunts par millions, la dette et les coûts de financement suivent une courbe ascendante vertigineuse!

Ça lui arrive de chialer, seul ou en groupe. Ses revenus à lui sont plutôt du genre stagnant, donc il faudra grappiller à gauche et à droite pour honorer son dû à son gouvernement local. «Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu!» Pour l’instant, Dieu attendra!

L’économie est fragile, les gouvernements supérieurs se montrent frileux! Pas de nouvelles industries créatrices de jobs à l’horizon. Au contraire, une usine de la rue Villeneuve vient d’annoncer de nouvelles compressions dans son personnel. Il y a bien Masonite qui embauche, mais est-ce que ce sera assez? Les commerces survivent, même si certains tirent le diable par la queue en cette saison morte.

Dans son coin, derrière la voie ferrée du centre-ville, le gros centre sportif a l’air d’aller plutôt bien… à voir le nombre de personnes qu’on y emploie. Le Turmel senior file vers un autre championnat, mais les foules ne sont pas au goût de la direction de l’équipe. Moins de monde qu’au Centre Mgr-Bonin à une autre époque, à croire que Lac-Mégantic perd du terrain comme «ville de hockey». Le spectacle est pourtant à la hauteur des attentes. Mais il y a une morosité venant d’on-ne-sait-où qui plane au-dessus de la ville et qui affecte les coffres du club.

Et il y a dans l’actualité locale le dossier de l’annexion d’une partie de Nantes qui refait surface. Le monsieur contribuable méganticois n’a pas été consulté là-dessus non plus. Faut croire que ça ne le regarde pas! Mais le monsieur n’est ni aveugle ni sourd, encore moins idiot! Des questions lui trottent dans la tête. De fil en aiguille, son raisonnement se précise : «Les gens de Laval-Nord, ce sont mes compagnons de travail, de loisirs, des membres de ma famille. Je ne veux que leur bien. Admettons que le ministre des Affaires municipales donne raison à ceux qui veulent la partition du territoire de Nantes. Admettons que la Ville obtienne le feu vert pour redessiner ses frontières en mettant la main sur 48% des richesses foncières de sa voisine. Admettons qu’au terme d’un débat musclé entre Nantais, la fusion finisse par se faire, qu’est-ce qui m’attend, moi, comme Méganticois? Qu’est-ce que j’y gagne?»

Le monsieur n’est ni aveugle ni sourd ni idiot ni… naïf! Au fond de lui, il sait faire la part des choses entre ce qui relève de la pure illusion et la froide réalité. D’expérience, il sait qu’en étendant son territoire de quelques kilomètres plus au nord, la Ville aura sans doute besoin de plus d’employés, de plus de véhicules, de plus de… tout! Le monsieur contribuable n’étant pas né de la dernière pluie, il anticipe que toutes les infrastructures dont la «nouvelle Ville» va hériter auront sans doute besoin d’une certaine mise à niveau! Ne serait-ce que pour les conduites d’aqueduc construites au fur et à mesure du développement résidentiel. S’il pose des questions, il risque de ne pas avoir de réponse, donc «le silence est d’or», se dit-il. N’empêche, l’inquiétude le gagne! Parce qu’il n’est pas tenu informé des impacts de l’annexion sur son compte de taxes à lui, il craint que le pouvoir de dépenser devienne un bar ouvert pour tous les départements de la municipalité.

En jonglant avec les chiffres, le petit contribuable se demande encore comment la municipalité de Nantes en est venue là. Pour une poignée de dollars de différence, une cinquantaine de milliers tout au plus, elle aurait acheté la paix avec la Ville et mis en veilleuse pour encore des décennies le projet de sécession qui vient de nouveau la hanter. Mais non, les élus nantais ont refusé d’aller en référendum et préféré l’entêtement face à la Ville. À cause d’un centre sportif démonisé par les uns, ceux-là qui jurent ne jamais s’en servir, encensé par les autres, qui souffrent d’en être exclus. Certains en ont même fait rien de moins que l’incarnation du mal! La créature du diable!

Le silence est d’or, persiste à croire le contribuable, lui qui a pourtant tout entendu des récriminations de ses voisins de Nantes et de Marston contre le centre sportif, sans jamais oser glisser un mot. Il a payé et continuera de le faire, que sa Ville compte 6 000 habitants ou 6 700, peu importe. On ne lui demande rien d’autre, à lui, que d’aller voter aux quatre ans, au nom de la démocratie, et de s’acquitter de ses factures.

Mais le contribuable méganticois n’est ni aveugle ni sourd ni idiot ni naïf ni… agneau! Docile, certes, mais pas au point de se laisser tondre jusqu’à la chair vive. Il faudra bien qu’on finisse par lui demander, à lui aussi, ce qu’il en pense de tout ce vacarme qui descend sur la ville, soufflé par le vent du nord. Ce qu’il en pense de ces mentalités de village fort peu enclines à accepter un mode de vie différent, plus urbanisé! Frontenac aussi a résisté, mais elle a fini par comprendre que l’entente autour du centre sportif était le prix à payer pour garder son autonomie et son intégrité territoriale. Nantes aussi aurait retrouvé la paix sociale si les élus ne s’étaient pas laissés guidés par celles et ceux qui crient le plus fort.

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