Centre-ville lourdement contaminé

Paul Benoît n’a vraiment pas la langue de bois.

Réplique de Paul Benoît, responsable du secteur industriel à la direction régionale du ministère du Développement durable et de l’Environnement, en réponse à un citoyen inquiet de la présence de produits toxiques dans le centre-ville dévasté: «On ne laissera pas la marde là, c’est clair!» Sur les 5 560 000 litres de pétrole brûlés ou déversés dans l’environnement suite à la tragédie du 6 juillet, impossible de déterminer avec précision la manière dont le pétrole s’est réparti dans l’air, le sol et l’eau. Seule certitude: «le centre-ville est lourdement contaminé», a reconnu M. Benoît.

Pas encore de portrait clair sur la quantité et la nature de tous les produits toxiques qui ont pu se retrouver dans la nature, mélangés au pétrole brut. Le rapport sur la caractérisation des sols, livré le week-end de la fête du Travail par Pomerleau ne couvrirait que 80% de la zone, celle du couloir de lave, les réponses sur l’autre 20% ne viendraient que dans quelques semaines, assure le responsable. La pièce manquante du puzzle est aussi la plus difficile à trouver et à mettre en place, tout le périmètre des immeubles encore debout de la rue Frontenac jusqu’au boulevard des Vétérans, depuis la rue Thibodeau jusqu’à la rivière Chaudière.

Les experts se retrouvent devant un cas d’espèce plutôt rare en terme de déversement urbain. Après le déraillement du convoi de 72 wagons-citernes et l’incendie allumé par les explosions, le pétrole s’est répandu comme de la lave à travers le centre-ville, une partie coulant vers le lac Mégantic telle une rivière de flammes à la surface, et une autre cheminant à travers les conduits du réseau municipal d’égouts pluviaux et d’anciennes canalisations. Des «canaux préférentiels», insiste Paul Benoît, qui ont facilité la propagation de la contamination bien au-delà de la coulée principale.

Les premières semaines d’intervention ont permis aux équipes environnementales à l’œuvre dans la zone de dévastation de contenir et récupérer les hydrocarbures au moyen de pompes. En date du 3 septembre, 30 791 000 litres d’eaux huileuses avaient été récupérés sur le site et transportés à l’usine de traitement des eaux, sur la rue Wolfe.

«On est en train de finaliser le secteur Thibodeau/Stearns, pour vérifier s’il y a de la contamination sous les bâtiments. De gros efforts sont faits du côté du Citron Vert (un bâtiment municipal voisin de la marina) et de la Crèmerie (voisin de la SAQ)», rapporte le responsable.

Les questions environnementales sont déterminantes pour la suite des opérations et la possible réappropriation des lieux par les résidants et les commerçants. Mais le sous-sol n’a pas encore fini de livrer ses secrets. «On découvre de nouvelles poches de contamination qu’on pompe encore», d’ajouter M. Benoît, aussi impatient que les citoyens de savoir ce qui se retrouve dans cette masse importante de sols contaminés.

Sait-il des choses que le commun des mortels ignore sur les autres contaminants qui ont été répandus dans le centre-ville ? «Il y a trois enquêtes en cours, l’une des autorités fédérales, une autre deuxième concernant la Sûreté du Québec (zone de crime) et une troisième par l’Environnement. Il y a une preuve à établir. Tout ce qui sera connu vous sera transmis, mais le moment n’est pas propice aujourd’hui pour le faire!»

Une fois toutes les données recueillies sur l’importance de la contamination, il restera à étudier les scénarios de la décontamination. Encore trop tôt, dira-t-il, pour en établir un objectif précis devant s’harmoniser avec le projet de reconstruction du centre-ville. «On va décontaminer le maximum», a-t-il lancé plus tard dans la soirée.