Oscar Brochu

Je veux partir et j’essaie de comprendre pourquoi…

Dans la nuit du 6 juillet, mon conjoint et moi dormions paisiblement. Nous venions à peine d’emménager dans notre nouvelle maison 15 jours auparavant pour y vivre tranquille. Un choix longuement réfléchi qui nous rendait heureux. En quelques minutes, nos projets, nos rêves se sont envolés, laissant un goût amer de …. On s’est fait avoir bien raide! Qu’est-ce qui se passe? Pourquoi on s’est foutu dans ce merdier ? Qu’est-ce qu’on fait ici? Si on avait su!

Dans les premiers mois qui ont suivi, nous avons fait confiance. À Colette d’abord, puis à Pauline ensuite. Comme des enfants innocents, nous avons fait confiance à nos parents, convaincus que leurs décisions étaient les bonnes pour nous. Nous nous sommes laissés bercer par ces deux femmes qui semblaient de toute évidence savoir ce qui était bien pour nous.

Puis les mois ont passé, les déceptions se sont accumulées, le temps nous a usés et le désespoir s’est pointé. Frustration, découragement devant autant de décisions absurdes qui au lieu de maintenir l’espoir et la confiance nous ont juste donné l’envie de fuir pour survivre à une situation incontrôlable, irritante et abrutissante. En bout de ligne, une année plus tard, c’est la colère qui a surgi. On se pointe au conseil de ville, on s’oppose au passage des citernes, on écrit dans le journal et sur le Carré Bleu notre détresse et notre besoin d’être écoutés et respectés. Résultat……RIEN! Maman ne nous écoute pas! L’enfant blessé se referme, s’isole, s’enferme dans la dépression et dans l’incompréhension.

Lorsque la délinquance fera son apparition et que l’enfant s’en prendra à ses parents où à lui-même, on le placera dans une famille d’accueil loin des sa famille d’origine où il ne risquera plus de s’en prendre aux responsables de sa détresse ou de retourner cette violence contre lui-même.

Constat d’une situation dégradante sur laquelle nous n’avons de toute évidence aucun pouvoir. Déménager est devenu pour plusieurs le seul remède à une maladie dégénérative en évolution, à une délinquance évidente, à une dépression imminente, à une colère fulgurante.

«On entend souvent dire que la mairesse et le conseil de ville ne sont pas responsables, que ce n’est pas eux qui décident. Peu importe d'où viennent ces décisions, le conseil de ville les endosse et le résultat est le même. Alors qu'est-ce que ça change? Si les responsables continuent de se mettre la tête dans le sable et de nier la réalité, la tragédie se poursuivra pendant des décennies.

Maman n’écoute pas ses enfants et ne répond pas à leurs besoins de base. Besoin de SÉCURITÉ (les citernes circuleront à nouveau sans règles précises toujours laissées à la discrétion des compagnies de transport ferroviaire et sans la voie de contournement).

Besoin de STABILITÉ (nous avons perdu nos repères, nos habitudes de vie, la Ville a démoli le peu qui nous restait de stabilité).

Besoin de BOIRE ET SE NOURRIR (nombreux sont ceux qui n’ont plus de travail et la ville ne dirige pas ses efforts vers le rétablissement de plusieurs commerces et au lieu de ça elle en démolit d’autres),
Besoin DE DORMIR (le train circule la nuit dans toute son arrogance et réveille avec son sifflet ardent une population déjà angoissée et insomniaque).

Besoin aussi d’ÊTRE ÉCOUTÉ ET RESPECTÉ… (Malheureusement plusieurs se sont découragés, se sont sentis trahis et abandonnés et songent sérieusement à déménager ou l’ont déjà fait. Le retour des citernes au même endroit et pratiquement dans les mêmes conditions révèle le mépris épouvantable que subit la population encore sous le choc et traumatisée).

Le désespoir, la peur, l’incompréhension, la détresse, la révolte, la colère… L’impuissance et le triste constat que la Ville (maman) ne nous écoute pas et ne se soucie pas des besoins de ses enfants.
Résultat, avant la fin de l’adolescence les enfants quitteront la maison à moins que la DPJ ne se charge du dossier.

On est allé marcher aux abords de la zone rouge hier soir et c'est comme si c'était l'an dernier. Rien n'a vraiment changé, toujours aussi désolant de regarder le parc à travers le grillage. Le moral a tenu le coup jusqu'à maintenant mais la prochaine saison nous fait peur. Nous avons perdu espoir de retrouver un jour ce qui nous faisait du bien ici. L’architecture des bâtiments anciens, la chaleur et l’histoire de notre patrimoine, l’animation de la rue Frontenac, les nombreux commerces qui répondaient à nos besoins et surtout la confiance dans nos élus totalement hermétiques aux besoins d’une population en détresse. Des manifestations ont eu lieu, des pétitions ont été signées, des gens ont démontré leur mécontentement aux décisions absurdes qui ont été prises à tous les niveaux, mais rien n’y fait. La Ville a toujours raison et elle a pris le contrôle total. La population est prise en otage et n’a qu’à se soumettre à ce qu’on lui impose. Une ville à l’image d’un conseil de ville.

Laissons donc notre place à d'autres qui n'ont pas en tête les souvenirs du passé et qui ne revivent pas continuellement les émotions atroces de la tragédie. Quittons avant de devenir nous même délinquants ou de sombrer dans la dépression. Depuis une année qu’on se laisse bercer par de belles promesses, qu’on fait semblant que tout va bien, qu’on se fait croire qu’on est résilient et fort mais ce n’est pas vrai. Nous ne sommes que des humains blessés, épuisés, désillusionnés à qui on a menti effrontément, des humains qu’on a manipulés, des humains qu’on a exposés volontairement au danger, des humains qu’on méprise et à qui on va sans honte et sans scrupule leur faire revivre chaque jour et chaque nuit la tragédie lorsque les citernes de la honte reprendront possession de la voie ferrée.

On dira que les plus faibles sont partis, que les nouveaux sont venus les remplacer comme si tout cela faisait partie de l’ordre normal des choses. Mais être fort veut aussi dire reconnaître ses limites, tendre vers une vie meilleure, démontrer son opposition par des gestes, et pour nous ce geste sera de quitter la région. Parce que des efforts nous en avons fait et des résultats il n’y en a pas. Nous avons frappé un mur d’incompréhension, de mépris, d’arrogance.

Quitter la région signifie, pour nous, retrouver la paix, reprendre le contrôle de notre vie. Réapprendre à vivre en sécurité loin de la voie ferrée, retrouver l’équilibre. Mais notre combat contre le pétrole et par respect aux 47 victimes ne s’arrêtera pas là mais à l’endroit où nos efforts seront reconnus, appréciés et apporteront des résultats. Tourner la page et recommencer là où on se sent écoutés et respectés. Il est peut-être temps pour nous après des mois d’efforts, de frustration et de déceptions de réaliser que finalement le bonheur est peut-être ailleurs!

Sophie Bilodeau

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