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Le poids des ailes: réflexion sur la reconstruction
On n’a jamais vu ça pareil investissement : des centaines de millions dans moins d’un kilomètre carré. La possibilité de faire une ville à notre image, de faire avec l’ancien centre-ville ce que l’urgence et la nécessité nous ont empêchés de réaliser avec la Promenade Papineau. Saurons-nous nous reconnaître dans ce miroir identitaire? Pour y arriver, il nous faudra savoir qui nous sommes: de vulgaires consommateurs ou des citoyens à part entière?
Le hic, une fois les immeubles achetés, est que nous ne savons pas encore s’il y aura une suite à ces investissements parce qu’une dette municipale de trente-huit millions ne nous permettra pas d’aller là où nous rêvons. Le danger est grand que des promoteurs mercantiles sautent sur l’occasion pour s’emparer du centre-ville et le faire à leur image. À la catastrophe s’ajoutera alors la catastrophe: nous nous retrouverons comme dans une république de bananes derrière leur méga ci ou leur méga ça. N’allez pas croire qu’ils le feront sans de généreuses subventions; les politiciens n’ont rien de plus pressé que de subventionner les millionnaires du hockey, du pétrole ou les minières. Comme avec le brut, la population assume les risques pendant que les «investisseurs» empochent les profits. Au nom du père financier, du fils financé et des simples d’esprit que nous sommes.
Littleton, New Hampshire, petite ville de six mille habitants qui ressemble beaucoup à Lac-Mégantic, dont la rue principale a été classée parmi les plus jolies des États-Unis, a choisi d’y aligner que des petites boutiques sans laisser de place aux grandes chaînes. C’est la preuve que la différence est un atout parce que le pittoresque appartient autant à la qualité de vie qu’à son économie. Allez voir sur internet : ça vaut le coup d’œil. Il y a là des idées inspirantes.
Lac et rivières/patrimoine
L’accès au lac et à la rivière fait de Lac-Mégantic une ville unique. Quelle municipalité peut se vanter d’avoir en son cœur la source d’une rivière qui court se jeter dans le fleuve? À la route des Sommets, peut-être devrions-nous travailler l’idée des routes d’eau, celles qui se marchent dans la joie du chemin et de la destination. Avec nos parcs (OTJ, Vétérans et Cloutier) sentiers et pistes cyclables, nous avons une ville à hauteur d’homme. Notre faiblesse, c’est notre patrimoine bâti. C’est toujours agréable de déambuler dans des quartiers où les maisons ont une âme sinon un passé. Souhaitons qu’on parvienne à sauver ce qui reste et permette aux résidants du boulevard des Vétérans de rentrer chez eux. Comme la rue Frontenac s’est vidée de ses résidants, chacun ayant trouvé un autre toit, je me demande s’il ne vaudrait pas mieux déplacer les trois édifices patrimoniaux qui en valent la peine du côté Est de la rue Frontenac, reconstituer certaines façades qui, tôt ou tard, serviront de vitrines aux commerces ou de paravent aux appartements qui se construiraient derrière. Nos témoins de l’histoire locale serviraient de porte d’entrée pour l’avenir. L’horizon serait sauf et Lac-Mégantic porterait son nom comme un étendard. Bref, bien du pain sur la planche pour nos urbanistes parce qu’au Québec, nous avons une longue habitude du «tabula rasa».
Gare/voie ferrée
La gare est sans doute un des plus beaux monuments de notre histoire tant au niveau de l’architecture que de son utilité: le transport des gens et des marchandises. Les convois pétroliers et autres cochonneries toxiques n’ont pas besoin de gare: ils ne font que passer en hurlant, la nuit, la folie des hommes. Notre faiblesse: la cicatrice que constitue la voie ferrée, l’affreux viaduc et son talus berlinois qui isolent Fatima du reste du monde, sans oublier l’horrible pont de fer qui enjambe la rivière et bouche le paysage. Ces cancers éradiqués, la ville s’ouvrirait enfin sur l’Est et sur l’Ouest, elle aurait droit au lever et au coucher du soleil. Au champ des étoiles, elle ajouterait la ligne d’horizon. Ce n’est pas rien avoir des points de repères surtout après avoir perdu ceux du travail des hommes. Pour des gens qui choisissent de regarder devant, quoi de mieux qu’une lumière d’éternité?
Le temps/ les mirages
Le temps joue maintenant pour nous: celui des urgences est derrière. Nous pouvons imaginer, dessiner, fixer par règlementation les espaces verts avant d’émettre quelque permis de construction que ce soit. À qui appartient la ville? Voilà la question. Méfions-nous des éléphants blancs et autre «Malamut». Il faut se garder de la commercialisation à outrance, prévoir une rue Frontenac habitée et animée: échoppes, boutiques, maison de la culture, cinéma, scène extérieure, mobilier urbain, sculptures, trompe-l’œil, etc. Il s’agit de donner un sens, d’orchestrer et d’enrichir ce que nous avons déjà. Nous ne partons pas de rien, mais bien de ce que nous avons et de ce que nous sommes. Depuis seize mois, le conseil, les employés municipaux et le directeur général ont fait bien plus que stabiliser la ville blessée, ils ont réussi à en sauver le cœur. Des pontages douloureux ont été nécessaires, mais le patient est vivant. Souhaitons qu’il reprenne goût à la vie et se découvre une âme. Si nous l’aimons assez, elle renaîtra.
Accueil/résidants
Comme l’affirmait le maire de Boston, la force d’une ville, ce sont ses citoyens tant pour leur accueil que pour leur solidarité (bénévolat). Avant la catastrophe, nous aimions déjà les gens. Ça se voyait sur la rue, à l’épicerie, entre nous et avec les étrangers que nous abordions avec le sourire et sans complexe. Depuis le 6 juillet, nos élans grégaires se sont enrichis du devoir de gratitude. À notre tour de rendre le sourire, d’oser un « bonjour! » franc et jovial. Sur leurs plages, les Américains lancent leur «Have a good day!» dans une bonne humeur ensoleillée. C’est leur manière de dire, aux étrangers que nous sommes, que nous existons et que nous partageons la même humanité. Dans les bistrots des villages français, les jeunes entrent en poussant un «Bonjour messieurs, dames!» senti et respectueux. Nous pourrions faire de même, au moins sur le trottoir de bois, point de passage incontournable entre avant et après. Ce simple geste pourrait faire partie de notre identité. Point faible: le nouveau comme l’ancien centre-ville ne compte plus de résidants. Ce qui manque au commerce, c’est la vie avec ses allées et venues. Une question de qualité de vie et de sécurité.
Situation géographique
Notre situation géographique est à la fois notre point fort et notre point faible. Contrairement à ce que l’on pense, nous ne sommes pas tant sur la route du bout du monde qu’au commencement d’un monde. Nulle part, mais nulle part ailleurs. Avoir à s’inventer, c’est s’ouvrir toutes les portes. Saint-Élie-de-Caxton, Saint-Félicien, Kamouraska, La-Baie, Saint-Tite, Baie-Saint-Paul, Rouyn-Noranda, etc. ont tous réussi à vaincre la distance en se donnant une personnalité, une couleur ou un produit unique. Encore une fois, qui sommes-nous? Faiblesse : nous ne sommes pas encore une destination. Lac-Mégantic d’avant ou d’après, tous les festivals du lac, de la bière ou du deux par quatre ne suffiront pas à nous mettre sur la carte si nous n’offrons qu’un divertissement. S’empresser de ramasser la manne, ce serait irrespectueux et risquer que le visiteur ne revienne pas parce que trop affamés, nous aurons été trop vite. Si l’offre manque de profondeur, ils iront voir ailleurs. Ils ne se retaperont pas deux ou trois cents kilomètres pour trouver ce qu’ils ont dans leur cour. Comme le dicton l’affirme : nous n’aurons pas une seconde chance de faire une première bonne impression.
Nos infrastructures et services/faible bassin de population
Autre point fort: nos infrastructures et nos services. Les uns comptent sur les autres. Un réseau d’aqueduc et d’égouts entretenus, une usine d’épuration efficace, un service d’incendie où on privilégie la formation, un service de police de route et d’enquêtes qui apprend à intégrer les affaires municipales, un service de loisirs actif, un centre sportif 7 à 77 ans, une médiathèque fréquentée, une salle de spectacles, nombres d’organismes communautaires et quantité de bénévoles dévoués, même un cegep. Bref, une petite ville bien vivante. Notre faiblesse : notre bassin de population, l’esprit de clocher et la non-fusion des municipalités limitrophes qui hypothèquent l’avenir de la région parce que les jeunes d’aujourd’hui sont bien plus mobiles que ne l’étaient leurs parents. Pour les séduire ou les garder, il nous faudra plus que des promesses, il nous faudra de l’ouverture parce que le reste du Québec est loin d’être sans charme.
La nature/désastre écologique
Notre milieu naturel encore relativement en bonne santé constitue notre principale richesse. Si on évite le désastre écologique, si on empêche l’éléphant économique d’entrer dans ce magasin de porcelaine, sinon sur la pointe des pieds et encore, nous aurons réussi la quadrature du cercle et sauvé l’avenir. Ciel et terre, lacs et montagnes, faune et flore, parcs et réserves, ligne d’horizon et douces vallées, parfums forestiers et vent dans les voiles, que demander de plus? Ne l’oublions jamais, nous sommes à la merci de la déforestation, du drame écologique et de la spéculation invasive. Ai-je besoin d’en rajouter?
En Europe comme en Amérique, on s’affaire à réparer les erreurs du passé. On humanise les villes, on leur redonne accès au fleuve ou à la mer. À Boston, on n’émet plus de permis de construction sur les rives: les gros édifices vont se construire plus loin parce qu’on travaille à faire respirer la ville, à lui donner une ligne d’horizon. Les investisseurs ont même l’obligation d’aménager des passages piétonniers vers le fleuve. Finies les murailles immobilières. Pourquoi n’apprendrions-nous pas de leurs erreurs et des nôtres? Il n’est pas normal de construire un centre-ville de chaque côté d’une voie ferrée : les convois n’ont plus l’innocence des wagons de voyageurs ni celle des wagons de blé ou de billes de sapin. Ce sont de véritables bombes. À la queue leu leu, de l’ammoniac, de l’acide chlorhydrique, de l’acide sulfurique, de l’hydrogène, du propane, du pétrole et autres poisons. Il est insensé de se priver de la pureté de la ligne d’horizon parce que le paysage devrait appartenir à tout le monde. Avec «Réinventer la ville» nous regardons dans la bonne direction, gardons le cap.
Aux citoyens méganticois de contrer le lobbying en se donnant une vision d’ensemble et un horizon lointain sacré au lieu de se condamner à subir un développement à la pièce. Boston s’est d’abord demandé à quoi ressemblerait la ville dans vingt-cinq ou trente ans. Elle peut donc «bâtir en prévoyant le contexte dans lequel chaque projet s’inscrira.» (La Presse) Elle est désormais le maître d’œuvre de son destin.
Paul Dostie
Lac-Mégantic
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