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Pour le facteur humain, on repassera!
(Lettre ouverte au maire Mme Colette Roy-Laroche et conseillers municipaux de la Ville de Lac-Mégantic)
Voilà maintenant plus de 21 ans, ma carrière m’amené à devenir un Méganticois d’adoption, à m’investir professionnellement et personnellement dans la communauté.
Comme vous le savez pour plusieurs d’entre vous, dans une volonté de m’enraciner un peu plus j’ai fait le choix d’acquérir ma propriété sur le boulevard des Vétérans face au lieu du sinistre maintenant puisque dans le quartier il y faisait bon vivre. L’endroit y était verdoyant, bordée d’arbres dans un calme relatif près d’un superbe parc, à proximité de la rue principale, le centre-ville où l’on pouvait faire nos emplettes à quelques pas. Cette propriété, nous l’avons cajolée, rénovée pour lui donner un nouveau souffle tout en respectant rigoureusement les directives de l’urbanisme de la ville puisque cette demeure est classée patrimoniale!
Et Bang! En l’espace d’une nuit tout cet environnement si calme, en équilibre a basculé. Cette nuit-là, je devenais un sans-abri tout comme la plupart de mes voisins, étant convaincu d’avoir tout perdu dans les flammes vu l’ampleur de la déflagration.
Une lueur d’espoir nous est parvenue dans les jours qui ont suivi pour finalement apprendre que notre maison avait été épargnée de la catastrophe, soulagement mêlé de tristesse profonde pour tous nos voisins qui ont perdu leur domicile et tout ce qu’ils possédaient et pour certains le bien le plus précieux, leur vie.
Au cours des derniers mois voire plus d’un an, subissant pendant les deux premiers mois une éviction de notre propriété pour des raisons judiciaires, de sécurité, de contamination, nous avons pu retrouver notre chez-nous avec un environnement digne d’une zone de guerre, clôturé comme si c’était nous les coupables ou les criminels. Nous avons dû subir depuis plus d’un an le balai incessant des camions pompes avec leur bruit infernal, les pelles mécaniques et les camions dix roues sans compter les pompes diesel qui ont compromis notre sommeil et notre quiétude. Nous avons dû comme bien d’autres nous démener pour régler toutes les tracasseries administratives et interpeller régulièrement les autorités pour faire valoir le respect de notre milieu de vie au sein d’un grand chantier de décontamination.
Qu’à cela ne tienne, on est bon, fort et capable d’affronter l’adversité. Un projet d’un centre-ville temporaire nous réanime avec un échéancier de décontamination pour décembre 2014. Dans une volonté de faire participer le citoyen dans la reconstruction du centre-ville, une démarche communautaire est créée pour réinventer la ville. Plusieurs citoyens ont cru à cette démarche, ont investi leur cœur et leur temps à vouloir reconstruire un centre-ville avec les contraintes et règles qui sont fixées au préalable par les organisateurs, laissant la seule liberté de pouvoir s’exprimer à sa table sans contrainte mais limitant les représentations de chaque groupe. Seules les questions étaient permises à la conclusion; les commentaires apparaissaient mal vus pour la démarche.
Nous avons tous joué le jeu, réalisant qu’une certaine forme de consensus semblait sur les plans et que plusieurs demandaient des corrections similaires aux plans initiaux proposés. L’exercice fut difficile d’accès; il fallait se fier sur les bonnes sources pour savoir quand se déroulait la rencontre suivante.
Ne pouvant être de la dernière rencontre pour des raisons professionnelles (appris à la dernière minute par un tiers), je n’ai pu être au rendez-vous. Certains me diront que j’aurais dû être présent pour m’exprimer.
Ce n’est que le lendemain à des lieux de mon domicile en consultant les médias électroniques que j’ai appris que le rideau est tombé, voire que les masques sont tombés. Toute la démarche dans laquelle plusieurs citoyens ont mis leur cœur, ont fondé leur espoir pour panser la plaie ouverte, réparer autour des bâtiments qui ne semblent pas contaminés est vaine. On rase tout! Opération chirurgicale extensive. On ne prend pas de chance au cas où le cancer de la contamination pourrait resurgir ailleurs. La conservation du patrimoine bâti : pas important (peut-être l’a-t-on oublié pour certains bâtiments où on y voit plus de priorité). Ce qu’en pensent les propriétaires de bâtiments qui ne sont pas encore contaminés et qui s’identifient encore à leur propriété qu’ils ont entretenue avec cœur, de guerre lasse ils cèderont bien avec l’épreuve du temps et à se voir marteler les arguments de la contamination potentielle, de l’assurabilité et du comportement du système bancaire face à un prêt. Oups! Les décideurs préservent les propriétés de la ville (la gare et l’Hôtel de ville). Pas un mot sur le bâtiment du géant des communications; cela coûterait probablement trop cher. Deux poids, deux mesures? La démarche «Réinventer la ville» m’apparaît maintenant comme un sédatif pour nous avoir fait patienter le temps de nous faire avaler la couleuvre; je me sens dupé. Êtes-vous les seuls auteurs de cette horrible nouvelle ou une simple courroie de transmission de palier de gouvernement supérieur?
À quand notre tour? Notre propriété se situe tout près de la coulée de pétrole et sur des remblais d’un marécage d’un autre siècle. Encore aujourd’hui, ce patrimoine qui date de 1923 est entouré d’un immense cratère qu’on a excavé, une terre qui ne semblait aucunement contaminée. Au cas où? Je suis en pleine réflexion sur mon sentiment d’appartenance à cette communauté qui m’a accueillie et particulièrement à ses élus à qui je vouais une confiance jusqu’à tout récemment.
Avec cette annonce radicale, qui voudrait endurer encore un an des travaux d’envergure qui perturbent la quiétude de votre quotidien? Qui voudrait attendre encore probablement 5 à 10 ans qu’un nouveau quartier se reconstruise à partir d’un terrain vague? Êtes-vous sûrs que ces terrains dépouillés de toute trace de vie humaine trouveront preneurs sinon par des entrepreneurs ou spéculateurs qui verront la bonne affaire un jour?
Est-ce que cette décision reflète bien les intérêts des concitoyens méganticois qu’on vous a confiés lorsque vous avez été élu? (Aucun intérêt politique)
Le facteur humain, on repassera.
Dr Patrice Laframboise
Citoyen sinistré de Lac-Mégantic
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