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J’ai frôlé la mort, mais je m’en sors
Je ne m’y attendais aucunement. C’est ainsi que frappe souvent le destin. On vit un bonheur ponctué de petits soubresauts et soudain, c’est le drame. L’ambulance, les médecins autour du lit, les aiguilles partout sur le corps, la vie qui ne tient qu’à un fil. Dans ces moments-là, certains nous prédisent une fin prochaine, compte tenu des dommages subis à l’ensemble de l’organisme, d’autres prient pour nous et finalement, nos proches sont désemparés devant la réalité qui les rattrape de plein fouet.
Petit à petit, on constate l’ampleur des dégâts. Certains de mes membres ne répondent plus, d’autres sont sévèrement atrophiés, les pertes de sang sont difficiles à localiser, le diagnostic est plutôt sombre. Mais il y a une lueur d’espoir, le cœur ne s’est pas arrêté de battre et le cerveau serait resté intact. Du moins, c’est ce que révèlent les nombreux examens de laboratoire, les prises de sang, scans et autres ponctions qui sont faites sur mon corps au grand complet.
Le dossier médical relève toutefois une intoxication importante, mais les lavements d’estomac auront raison de ces poisons. Bien sûr, il faudra un peu de temps et un contrôle régulier de l’état de la situation, mais les spécialistes persistent à croire que le tout sera revenu à la normale d’ici quelques années. C’est que le produit qui m’a intoxiqué est très fort et l’élimination complète de ce liquide n’est pas une mince affaire. Cette intoxication est tellement féroce qu’il semble même que j’aie été à l’origine de complications semblables dans mon entourage, surtout à mes descendants. Dieu merci, mes parents, mes ancêtres, «ma source» si je peux m’exprimer ainsi, n’ont pas été affectés.
Les premières semaines, je suis resté dans un coma profond. Tellement que le personnel médical n’a laissé personne s’approcher de moi. Un cordon de sécurité avait été installé tout autour de ma chambre d’hôpital, et seuls les spécialistes et intervenants de première ligne avaient le droit de m’approcher. C’est dire combien je n’étais pas belle à voir. Je fus l’objet d’une attention médiatique sans pareil. J’avoue qu’à certains moments, j’aurais préféré l’anonymat, mais comme mon cas était exceptionnel, je n’en veux pas à tous ces journalistes qui ont bien voulu donner un bulletin de mon état de santé à toute la nation.
Je m’en voudrais de ne pas remercier toutes les personnes qui sont venues me visiter. J’avoue qu’il y a certains jours ou j’aurais aimé que les visites soient restreintes mais devant la quantité de personnes qui venaient à mon chevet, je n’ai pu faire autrement que de sentir l’appui que j’avais et cela m’a redonné des forces pour continuer. D’autant plus que de purs étrangers se sont associés à mon malheur, je me devais d’être accueillante, malgré mon visage défait et ma condition générale.
Preuve de ma réhabilitation, on a procédé à une greffe très importante le 15 octobre dernier. Cette greffe permet dorénavant la libre circulation de mon sang dans tout mon organisme. Depuis l’accident, mon sang devait circuler dans un appareil extérieur à mon corps et faire un détour par des veines artificielles. Mais depuis la mise en place de cette greffe, mon sang se purifie beaucoup plus rapidement et cela aide énormément à la réhabilitation de tout mon corps. Cela peut sembler anodin comme greffe mais je me rends compte après coup que cette opération a été des plus bénéfiques. En effet, depuis ce temps, j’ai retrouvé l’usage de plusieurs de mes articulations. Il fut un temps ou mes jambes semblaient détachées du reste de mon corps atrophié. Maintenant, toute la vie circule, de la tête aux pieds, et cette sensation est merveilleuse à un point tel que je n’aurais jamais pu imaginer. Je peux même affirmer que suite à cette intervention, il y a toute une artère qui s’est mise à vibrer et à me redonner espoir. Les médecins l’ont baptisée «l’artère Papineau», mais dans mon cœur, je l’appelle l’artère de ma deuxième vie.
Tout n’a pas été facile pour autant. Je me rappelle à quel point certaines personnes bien intentionnées ont mis en doute les décisions des intervenants médicaux. Mais devant l’urgence des décisions à prendre, il eut été nocif pour ma santé de prendre le pouls de tout un chacun. Certains actes médicaux ont exigé une rapidité d’exécution. On me dit que dans ces cas extrêmes, les délais doivent être ramenés au strict minimum, sinon on risque la gangrène dans certaines parties du corps. Par contre, pour ce qui est de la chirurgie plastique qui devra suivre ma convalescence, on fait appel à l’intelligence des gens et les suggestions sont bienvenues. Encore là, il faudra trancher. Mais les médecins sont formels: on écoutera les suggestions et on tentera de faire pour le mieux afin que je retrouve ma vitalité, ma beauté et mon charme. Après tout, je n’ai que 130 ans, c’est très jeune pour une ville.
Merci à tous ceux qui prient pour moi, pour mes «membres», pour les parties de moi qui sont mortes et dont je dois faire le deuil. Merci aussi à tous ces spécialistes qui sont à mon chevet depuis les tout premiers instants. Je ne peux m’empêcher de souligner l’apport d’une femme médecin généraliste qui, dans ces circonstances, s’est révélée plus grande que nature. Je changerais même son nom en celui de «Reine-Solide» au lieu de «Roy-Laroche». J’aimerais aussi dire un mot à ceux et celles qui ne me reconnaissent plus. C’est vrai que j’ai changé, certaines parties de mon anatomie sont totalement méconnaissables. Mais au-delà de l’apparence, souvenez-vous que mon cœur bat toujours et que chacun d’entre vous peut m’apporter le réconfort et la guérison. Ne regardez plus mes défauts, mes infirmités qui risquent d’être permanentes. Tournez-vous vers la vie nouvelle que je vous propose. Je vous garantis que d’ici quelques années, vous me trouverez à nouveau aimable et accueillante. L’amour inconditionnel n’est-il pas d’accepter sa bien-aimée, malgré les imperfections que la vie lui a laissées?
Bonne année 2015.
Ta nouvelle ville
(Sous la plume de Guy Gagnon)
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