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Le poids des mots: une réponse
(Réponse à l’opinion Le poids des mots de Geneviève Boulanger, publié dans notre édition du 30 janvier 2015)
Je ne ferai pas semblant de ne pas te connaître, Geneviève. J’ai été un de tes professeurs et j’en garde de bons souvenirs. Je suis désolé que mon propos ait rouvert la blessure encore vive d’une victime doublement évincée à la fois par le feu et la politique municipale de la terre brûlée. Si c’est l’idée de protéger le caractère architectural de la rue Kelly qui justifie ton émoi, je crois qu’il y a eu méprise. Je n’ai jamais proposé une reconstruction à l’identique qui coûterait les yeux de la tête. J’ai simplement souhaité «un type de construction semblable» comme on en trouve partout en ville, que ce soit sur la rue du Versant, Choquette, Lasalle ou ailleurs.
Pour éviter la confusion, j’aurais dû préciser ce que j’entendais par une «construction semblable» : par exemple, une charpente carrée ou à peu près, un rez-de-chaussée, un étage, un toit en pavillon ou à quatre versants et l’utilisation de matériaux nobles. Il s’en construit pour bien moins que la moitié des 600 000$ avancés. Souvent, ce qui confère une personnalité à une maison, c’est l’habillage des fenêtres ou la sérénité d’un balcon invitant. Bref, j’aurais même cru que tu aurais trouvé un certain réconfort dans mon appel parce que je t’imagine bien dans ces belles maisons pleines d’âme. J’avais oublié que le deuil d’un certain bonheur n’est pas un voile léger mais un boulet aux chevilles de nos amours.
Dans mon esprit, les anciens propriétaires devraient avoir la priorité sur les terrains qu’ils ont occupés parce qu’on leur a forcé la main. Une question de justice et de respect. La maison Duquette-Poisson pourrait être voisine de la tienne si les anciens propriétaires se sentent heureux dans leur nouvelle demeure. J’imagine mal un «bungalow cheapette» comme le mien dans les parages: il en détruirait le caractère et le charme.
Ta réaction m’amène cependant à pousser ma réflexion un peu plus loin; le commentaire d’une tierce personne nous mènerait sans doute ailleurs. Restons ouverts. On pourrait même trouver sur la rue Kelly une structure moderne pourvu qu’elle ne répète pas le «pattern brun longtemps» de la promenade Papineau. Il arrive qu’on réussisse le mariage entre l’ancien et le moderne. Quand c’est réussi, chaque fois, le moderne a trouvé le moyen de s’intégrer au paysage et de proposer une écologie du patrimoine bâti. On a alors tenu compte du lieu, de la lumière et de l’environnement urbain. Malgré tout, je demeure sceptique parce que notre définition de la modernité prend trop souvent le raccourci industriel.
En ce qui concerne ma maison, elle n’est pas encore à vendre. Quand nous aurons répondu aux nécessités familiales, si les wagons assassins continuent de hanter le centre-ville, nous envisagerons cette possibilité. En attendant, j’essaie d’en apprivoiser l’idée parce que nous ne partirons pas de gaieté de cœur.
Pour les uns et les autres, un même mot n’a pas un poids semblable. J’aurais dû le prévoir. Cependant, le silence ne permet pas le chemin que les mots, même maladroits, peuvent ouvrir.
Accepte, Geneviève, mes excuses les plus sincères pour le souci bien involontaire.
Paul Dostie
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