Un projet «culturel» qui fait jaser!

Exposer des armes à feu dans un espace culturel, c’est ce qu’ont récemment choisi de faire les représentants des citoyens de Lac-Mégantic. Oui oui, culturel, un budget culturel. Cent huit mille dollars pour exposer, durant l’année 2015, au mur et à la face des gens d’ici des ustensiles à tuer (à moins que nous faisions erreur et jusqu’à nouvel ordre, c’est bien là l’unique et véritable fonction de ces « inoffensifs » objets de collection). «Y’a rien là, des armes de chasse, rien à voir avec les armes humaines ou la violence sociale», peut-on prévoir en guise de justification. Quoi dire alors de l’accessibilité aux armes de façon générale, que permet l’accessibilité… aux armes de chasse? Ou encore, sans risquer de paraître fleur bleue ou déraisonnablement sensible, pourrait-on oser soulever la question morale de la violence « sportive » faite aux animaux? Mais peu importe, s’il n’est pas question ici de débattre de la légitimité de la chasse (une diversité d’arguments rendent défendables tant le pour que le contre), nous nous permettrons au moins de penser que personne ne pourrait aller jusqu’à prétendre, au risque de dériver de l’incohérence à la bêtise, qu’aucun lien n’est à faire entre armes à feu et violence. Et pourtant… il faut bien que l’on prétende au moins cela pour réussir à associer, même indirectement, l’objet de l’arme à feu à l’art (ou la culture). Oui oui, c’est ce lien qu’on a sciemment fait au conseil municipal de Lac-Mégantic, « pour » le plaisir des citoyens, au nom des citoyens. À combien de Méganticois a-t-on demandé ce que signifiait pour lui, pour elle une arme à feu?

Ça c’est le côté « philosophique » de la chose… Pour ceux que cela ennuierait, l’on peut soulever alternativement la question de l’actualité politique et sociale. Combien de meurtrières fusillades publiques, ces dernières années dans le monde? Le débat persistant sur le contrôle des armes à feu aux États-Unis, la destruction récente du registre des armes à feu au Canada, cela vous dit quelque chose? Quels sont les enjeux derrière ces débats? Juste celui de la sécurité publique, ou encore des choix de société en matière de valorisation de la violence /vs préservation de la paix sociale… des banalités, quoi.

Après l’onde de choc des derniers temps, Lac-Mégantic n’a-t-elle point besoin d’autre chose que d’une exposition « artistique » et onéreuse sur la chose à la mode machiste et conservatrice, dangereuse et mortelle qu’est le bon vieux gun? Combien d’artistes attentent-ils/elles une vitrine pour exposer leur travail au cœur de leur ville? Combien d’initiatives locales à retombées socioculturelles, qu’elles viennent d’organismes sans but lucratif ou de particuliers, pourraient-elles être réalisées avec 108 000$? Que va-t-on « revitaliser », dites-le-nous s’il vous plaît, en acquérant ou exposant à l’aide de fonds publics une collection de guns dont ne peuvent en tout et partout être « fiers » que ceux que l’idée de tuer fait [au moins un peu, forcément] vibrer?

Décevant, désolant, épeurant… La Ville de Lac-Mégantic doit consulter les citoyen-nes à propos de ce projet « culturel » et revenir sur sa décision, au risque d’attirer la risée publique pour avoir agi comme au temps du Far West de façon cavalière, sans souci démocratique, sans réflexion éthique et, disons-le… au nom de personne.

Valérie Dubé, nouvelle résidente de Lac-Mégantic
Alexandre Maheux, vieux résident de Lac-Mégantic