Problème de littératie

Je gage que je vous ai déjà perdus. Vous avez ouvert le dictionnaire avant de poursuivre cette lecture. Le mot «littératie» vous a accroché. C’est rassurant, vous êtes comme moi. J’ai fait le même exercice. On se comprend! Je mets sur le compte de notre solastalgia collective, cette difficulté de bien saisir l’image que les universitaires se font de nous, depuis la tragédie.

J’ai eu le souffle coupé en lisant un communiqué de l’Université de Sherbrooke, annonçant la publication d’une étude de deux professeurs au Département de lettres et communications portant sur «les communications de crise lors du déraillement de Lac-Mégantic».

D’abord, je me suis dit: on va en apprendre des choses sur ce qu’on a fait de bien ou sur ce qu’on a fait de mal, au cas où une autre catastrophe du genre nous retombe dessus. Après tout, mieux vaut prévenir que guérir! Tous les trucs sont bons quand on veut s’améliorer. Ces études-là ont du bon, que je me suis dit, tout enthousiaste à l’idée d’enfin nommer des choses qui nous ont échappé.

Ces professeurs d’université ont fait une découverte étonnante: «les médias sociaux ont été pratiquement inutilisables durant le drame, si bien que les autorités ont dû «ajuster leurs communications en raison des problèmes de littératie d’une bonne proportion de la population sinistrée»…

Quossé? Ils ont du tact, les profs! En clair, ils ont choisi des mots très «littéraires» pour signifier que les communications de crise ont été difficiles en raison de tous ces illettrés qui sont censés représenter une bonne partie de la population! Les profs ont compris de notre mésaventure qu’en raison des réseaux numériques hors d’usage, les responsables des communications se sont rabattus sur des moyens «à l’ancienne» avec du porte-à-porte, des réunions de rue et des assemblées de cuisine! Ils l’écrivent vraiment comme ça!

Bienheureux Temps d’une paix que je ne me souviens pas avoir vécu, tellement on était dans le brouhaha, dans le chaos, la désorganisation. Comme des queues de veau et plus tard des zombies, surtout pas le temps de se planter devant un poste de télé ou devant l’écran de l’ordinateur pour essayer de comprendre le «spectacle» qui se déroulait juste de l’autre côté de la rue!

Un peu comme si vous disiez que les Haïtiens, quand la terre a tremblé, n’étaient pas «rejoignables» parce que la plupart ne savait pas lire! Je vous le confirme, les médias locaux ont fait la job! Très bien, même. Avec des ressources toujours limitées. La radio, l’hebdo, le mensuel, le service des communications de la Ville au premier chef. Les communications publiques, nourries par une armée d’employés des ministères publics, ont livré l’essentiel des infos pour… les gens de l’extérieur, trop peu pour les gens de l’intérieur du dôme. Voilà! De sorte que le matin venu, le gars qui sortait du métro de Tokyo, sa tablette bien en main, en savait déjà plus que le gars traumatisé, pas en mesure de regagner sa galerie sur Papineau parce que la rue était barrée.

À l’université de la vie, vous saurez, vous les profs, qu’on ne reçoit pas de diplôme, même si on en apprend bien des choses sur le terrain!

Je vous concède une chose: l’analphabétisme, puisque vous en parlez, est un problème de taille, dont il vaut mieux se préoccuper avant qu’après! Question de priorité! J’ai tout de même enrichi mon vocabulaire. Le mot «littératie» m’a conduit à une recherche menée par l’Organisation des Nations Unies. Bang, une conclusion de l’étude m’a frappé de plein fouet, de la force d’un train fou qui te fonce dessus: «près de la moitié des Canadiens n’auraient pas la compétence fonctionnelle en lecture et en écriture que présuppose la vie dans une société moderne!» J’ai aussitôt compris pourquoi Stephen Harper avait pu imposer toute une décennie de noirceur scientifique et pourquoi les radio-poubelles de la Capitale avaient la cote de tant de gens! Qui plus est, devinez quels peuples au Canada sont les plus illettrés! Ben oui, les populations autochtones et… francophones! Et je note cet extrait d’une recherche à la Bibliothèque du Parlement: «Les personnes dont le taux de littératie est faible sont plus à risque de souffrir de problèmes de santé, d’être victimes d’accidents de travail, de toucher de plus faibles revenus ou encore d’être en chômage.»

Voyez-vous, ce qui est fascinant avec le regard porté sur nous par des universitaires, c’est qu’on devient étrangement des rats de laboratoire. Et, on le sait tous, les rats des champs sont beaucoup moins intelligents que les rats des villes! J’en suis pas si sûr, mais bon, cette conclusion rassure ceux qui en savent plus versus ceux qui en savent moins!

Comment s’attaquer à notre problème de littératie? Je vous le donne dans le mille: investissez plutôt que de couper dans l’éducation de nos enfants! Les commissions scolaires ont fait du bon boulot pour contrer le décrochage scolaire. Gardez-les! Les profs font de leur mieux avec les ressources qu’ils ont! Répondez à leurs besoins. Faire le contraire, c’est de reconnaître que notre gouvernement nous préfère «pas trop lettrés», juste ce qu’il faut pour demeurer à mi-chemin entre les autochtones et les anglophones!

Et ainsi, en cas de crise, en cas d’urgence, on ne se posera pas trop de questions. Nos gouvernements haïssent ça, le monde trop instruit ou trop curieux!

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