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Sur qui compter si personne n’entend ni notre cri ni notre silence?
La nuit du 6 juillet 2013, il n’y avait personne à bord de la locomotive infernale, pas même l’œil bienveillant d’un dieu inquiet pour ses enfants. Personne. Le 10 juillet 2016, pas même un élu dans la rue pour témoigner de sa solidarité, mis à part les citoyens laissés à eux-mêmes à qui on ose reprocher leur action, citoyens qui attendent depuis trois longues années un dénouement, voire une simple déclaration d’intention. Paradoxe, les élus choisissent la voie d’évitement de l’abstention au nom d’un quelconque lobbying comme s’il y avait là matière à négociation. Il s’agit pourtant d’une question de bon sens, de sécurité et de santé mentale. Depuis 2013, les convois à la dérive et les accidents ferroviaires ont augmenté malgré les nouvelles normes et le resserrement des règles. Que faudrait-il de plus pour se convaincre d’agir? Pire, le chemin de fer, cicatrice hideuse qui défigure notre centre-ville, respecte à peine les normes minimales d’une voie ferrée bas de gamme où circulent sur ses rails des convois pourtant hautement toxiques et inflammables. Que faut-il de plus pour serrer les coudes?
L’unanimité du conseil a quelque chose d’antidémocratique en ce sens qu’elle n’existe pas dans une société saine. Faut-il le rappeler, les élus représentent les uns et les autres; en conséquence, il devrait donc y en avoir au moins un qui exprime un bémol même s’il se rallie à la majorité. Ce serait rafraîchissant de savoir que nous avons affaire à des humains bien plus qu’à une structure qui fait bloc.
Ici, la décision de s’abstenir est tombée comme une tonne de briques, sans le moindre détail qui nous permette de la comprendre. Bien plus, le combat citoyen nuirait aux efforts du conseil dont on ne sait rien, indisposerait les ministres qui s’attendent à des salamalecs et priverait le conseil du mérite de la bonne nouvelle obtenue par le jeu de contacts plus ou moins partisans comme si la justice n’était pas une valeur en soi. Cette manière de faire et le silence méprisant qui l’entoure, tout en excluant la population directement concernée, sont la négation même de la justice, de la transparence et de la démocratie.
La couleur ne devrait pas être un argument. C’est desservir la politique et les politiciens. Dire qu’on fera jouer ses contacts, c’est aller au casino sur le dos des victimes. Personne n’a le goût que la voie de contournement soit un coup de dé. C’est un projet collectif tout autant que la reconstruction du centre-ville. C’aurait dû être une priorité dès le lendemain de la catastrophe.
On semble aussi oublier que nous avons un devoir de reconnaissance envers tous ceux qui nous ont témoigné leur affection et leur appui. Dieu sait que nous avons beaucoup reçu. Demain, nous servirons de référence. Déjà, les yeux de l’Amérique sont rivés sur nous; nous n’avons pas le droit d’échouer parce que nous risquons –par notre apathie ou nos choix stratégiques- de tuer l’espoir chez les gens qui, tôt ou tard, vivront ce que nous avons vécu. C’est aussi ça la solidarité. Ce n’est pas le touriste qu’il nous faut séduire mais toute la population canadienne qu’il nous faut d’abord rassurer par notre détermination.
Avec tout le respect que je vous dois, Madame et Messieurs du conseil, en plus d’avoir à aligner des chiffres vous avez à donner des lettres de noblesse à la politique en veillant autant sur nous que sur notre bien collectif. Expliquez-vous, expliquez-nous. Tendez l’oreille, écoutez notre cri mais surtout notre silence parce que les mots ne suffisent plus à nommer notre malaise d’autant plus que la résilience imposée par l’image que nous tenons à projeter peut parfois être un mensonge dangereux, bien qu’entretenue de bonne foi.
Monsieur le Maire, comme tout bon père de famille, prenez des nouvelles de vos enfants, entrez dans leur chambre, posez votre main sur la leur; à trop vous soucier de la reconstruction de la cuisine après l’incendie et de la visite à épater avec le comptoir de granit et la robinetterie étincelante, vous risquez de rater l’essentiel, l’être. Quand les chefs d’état accourent sur les lieux d’une catastrophe, c’est à titre de père de la nation qu’ils le font, non pas à titre de comptables ou d’administrateurs. Soyez inspirant. Un mot et la population sera derrière vous. J’aimerais que Lac-Mégantic soit vue comme une solution au lieu d’un échec aux yeux de la population canadienne qui attend de nous que nous portions le flambeau de la sécurité et de la justice. Ne soyons pas ingrats, travaillons à donner au suivant et à redonner la paix aux Méganticois.
Paul Dostie
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