Erreur urbaine?

Il arrive encore que les projecteurs de télé s’allument sur le centre-ville. Récemment, une équipe de TVA faisait de son sujet du jour le fait que les barrières de sécurité au croisement de la voie ferrée, rue Frontenac, n’étaient pas encore opérationnelles deux semaines après l’ouverture de la «Main». Devant la caméra, le porte-parole de la Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire, Robert Bellefleur, «surfait» sur l’inquiétude des citoyens et le journaliste, pour appuyer le propos, arrêtait carrément les automobilistes pour leur demander si l’absence des feux les préoccupait.

Et personne n’a soulevé le fait que le «vrai» danger n’est pas lié à l’absence ou à la présence des feux de signalisation à l’approche d’un convoi ferroviaire, mais plutôt à la reconfiguration de cette portion du réseau routier municipal. En fait, qu’il faudrait plutôt s’inquiéter de ce qui va nécessairement arriver, maintenant que les barrières de sécurité sont opérationnelles, quand il y aura des bouchons!

Rappelez-vous l’avant-catastrophe, tous ces maux de tête qu’occasionnait le croisement des rues Laval, Dollard et Québec Central. Il avait fallu plus d’un siècle pour que la seule solution possible finisse par s’imposer: fermer l’accès à Dollard par Frontenac avec l’aménagement d’un parc et l’installation de feux de circulation à l’intersection Laval et Villeneuve. Voilà pour l’histoire.

Trois ans après la tragédie, l’accès au cœur du centre-ville est de nouveau permis. Mais rien de vraiment facilitant, puisque la «grande allée» de Frontenac débouche directement sur l’étroite Dollard !

Ce qui ramène, pour l’explication non officielle, à un autre retour dans le temps, cette fois quelque part en 2014 lorsqu’on a proposé une première version de la nouvelle rue Frontenac. Le projet avait nécessité une rencontre entre les autorités municipales et les journalistes pour qu’on nous explique que le futur centre-ville ne serait plus le même, que la Frontenac ne serait plus la «Main», qu’il y aurait deux artères principales pour traverser la Chaudière entre le sud et le nord et qu’on souhaitait tout bonnement que le trafic se divise en deux: 50% par l’étroite promenade Papineau et 50% par la nouvelle rue Frontenac.

À ce moment, les experts avaient proposé de joindre Frontenac à Laval par un carrefour giratoire. Ce qui n’a pas soulevé l’enthousiasme des foules, mais vraiment pas! A-t-on corrigé le dessin sur lequel la voie ferrée avait disparu? Peut-être pas! De sorte qu’aujourd’hui, la rue Frontenac file tout droit sur Dollard, et non sur Laval. Et qu’il y a quatre panneaux d’arrêt à l’intersection Dollard et Villeneuve dans les quatre directions. À l’heure actuelle, la circulation reprend tranquillement. Plutôt fluide, même! Parce que tous les usagers de la route, depuis la tragédie, ont l’habitude des panneaux d’arrêt installés «en attendant».

Les barrières s’abaissent à l’approche des convois et, si on a de la chance, elles vont normalement se relever après le passage du dernier wagon. C’est censé fonctionner de cette manière. Mais vous le savez aussi bien que moi: ces équipements-là ne sont pas à l’abri des bris et quand ça ne marche pas, les ennuis commencent. Imaginez un peu les barrières qui s’abaissent en plein heure de trafic. Refoulement des véhicules qui descendent de Laval, congestion de Dollard vers Frontenac, les véhicules qui descendent de Laval vers Québec Central rongent leur frein dans la file d’attente. L’autre soir, en quittant le bureau du boulevard des Vétérans, j’ai eu un petit aperçu de ce que cela pouvait donner: deux camions chargés de billots de bois venant d’Agnès obligés d’arrêter au passage à niveau, un convoi de wagons citernes en direction nord bloquant la rue. Les camionneurs devront se faire à l’idée, le centre-ville leur est interdit.

Finalement, les concepteurs urbains qui ont tracé la rue Frontenac ont obtenu ce qu’ils voulaient: rendre l’accès sur Frontenac intéressant pour pas plus que la moitié du trafic! Dans l’axe Frontenac-Laval, il y a un large gazon impénétrable, un règlement du ministère des Transports obligeant un large corridor de sécurité de chaque côté de la voie ferrée.

Un petit conseil aux représentants de la Coalition qui s’apprêtent à faire le voyage vers Ottawa dans l’espoir de confronter Justin Trudeau, ou à tout le moins rencontrer les grands médias dans le but ultime d’accélérer le dossier de la voie de contournement ferroviaire: une fois payé votre dû au Parti libéral du Canada, comme le font les grands patrons de banques chinoises, insistez et insistez encore pour rappeler aux experts la règle la plus élémentaire au moment de tracer le point de connexion entre l’ancienne et la future voie ferrée: la ligne droite demeure le lien le plus direct et le plus logique entre le point A et le point B.

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