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L'attente aux urgences: mauvaises cibles
Il semblerait opportun de rappeler quelques éléments concernant les urgences, après la lecture de deux textes sur le sujet, édités récemment dans les pages de l’écho.
Même si l’exaspération des usagers devant l’attente aux urgences est aisément compréhensible, il parait particulièrement injuste de l’attribuer aux intervenants en santé. En premier lieu parce que cette situation ne leur est pas plus confortable: pour avoir fait de l’urgence pendant ma résidence, je peux témoigner qu’il n’y a pas plus désespérant que de savoir que malgré nos efforts pour traiter rapidement les patients, la salle d’attente ne désemplit pas.
Prétendre que cette attente est orchestrée par les « maudits docteurs » qui défendraient leur ressource financière est une aberration: les médecins sont des travailleurs autonomes et sont payés selon leur activité, un médecin n’a donc aucun intérêt à ne pas voir de patients. En pratique, la rapidité d’un médecin à voir les urgences dépend plus souvent de la gravité des différents cas, les journées à l’urgence se suivent et ne se ressemblent pas toujours. Quant à se demander si un médecin rapide est obligatoirement un bon médecin… poser la question, c’est déjà y répondre un peu.
Il est certain que l’on peut toujours trouver un vieux médecin qui vous dira que de son temps, c’était bien mieux et qu’il n’y avait pas d’attente. Et il aura raison. Car de son temps, la population était proportionnellement moins âgée donc moins malade, la paperasse administrative moins lourde, et un patient ne se serait jamais présenté à l’urgence pour se faire « prescrire un onguent » comme la patiente citée par M. Lebeau… De son temps, les médecins pouvaient même dormir quelques heures la nuit, à l’urgence. Chose difficile à imaginer maintenant.
Autre mythe à déconstruire: Le Quebec n’a pas le monopole de l’attente aux urgences. Après avoir travaillé 12 ans dans les hôpitaux français, je peux vous assurer que l’attente y est aussi laborieuse, et que j’ai bien ri en lisant M. Lebeau qui affirmait que le personnel s’excusait après 30 minutes d’attente: je n’ai jamais vu cela dans aucun des hôpitaux dans lesquels j’ai exercé! En réalité, les causes des difficultés aux urgences en France sont les mêmes qu’au Québec: vieillissement de la population, coupure budgétaire hospitalière, raréfaction des omnipraticiens de première ligne.
Les médecins réfléchissent à des solutions de réorganisation, certains se forment à l’urgence après leur résidence en médecine familiale, mais beaucoup finissent par quitter la province, faute de pouvoir pratiquer l’urgence dans le contexte de la loi 20.
Les solutions sont dans les mains du ministère (comme tente de les appliquer l’administration française): encouragement à l’installation des médecins omnipraticiens et urgentologues, ouverture du nombre de postes dans les hôpitaux, arrimage d’un GMF à l’urgence avec horaires étendus. etc… Bref: une autre politique de santé que celle actuellement à l’oeuvre par le gouvernement, qui consiste à menacer les directeurs d’hôpitaux comme un mauvais contremaitre, en montrant par ailleurs une bienveillance absurde envers les paradis fiscaux.
Il est évident pour tout le monde que la prise en charge des ainés devrait être optimisée, mais les urgences sont au bout d’une chaine de soin défaillante, inutile de tirer sur des intervenants déjà fatigués par les « heures supplémentaires obligatoires » (belle invention administrative, n’est-ce pas?). Messieurs Dostie et Lebeau savent-ils que les «intervenants gâtés du système » reviennent pendant leur journée de repos lorsqu’il faut accompagner un patient gravement malade en ambulance au CHUS? Savent-ils qu’ils se rendent souvent à l’avance à leur quart de travail pour pouvoir aider leur collègue à vider la salle d’attente? Et qu’il n’est pas rare qu’ils restent après leur quart, encore une fois pour aider le médecin de relève à voir les patients qui attendent? Les difficultés organisationnelles existent certes mais elles sont subies et non voulues!
Pour avoir eu le privilège de côtoyer les professionnels des urgences du CH de Mégantic, je ne peux qu’être consterné de lire des propos aussi malveillants à propos des femmes et d’hommes dévoués à leur communauté.
Donner son avis est une inclinaison naturelle (il semble que pour certains lecteurs graphomanes, elle en devienne même irrépressible), il serait néanmoins appréciable que les critiques aient un peu plus de discernement: les professionnels de l’urgence souffrent d’une situation qui est, pour eux, quotidienne. Les résidents en formation hésitent de fait à leur emboiter le pas, il en est de même pour les infirmières. Les soutenir devant le gouvernement serait plus judicieux et certainement plus constructif, car si je partage les inquiétudes des usagers parfois mécontents, je m’oppose à cette vision démagogique qui désigne les intervenants hospitaliers comme boucs émissaires.
Quentin Gobert
Anesthésiologiste
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