«Mégantic: récit d'une tragédie annoncée

«Mégantic: récit d'une tragédie annoncée - Rémi Tremblay : Actualités

Anne-Marie Saint-Cerny, l’auteure de «Mégantic».

Elle le confesse volontiers, la tragédie de Lac-Mégantic a été une grosse aventure dans sa vie. Débarquée de la grande ville cinq jours après la catastrophe, Anne-Marie Saint-Cerny n’a rien manqué du drame et de ses conséquences. Le récit qu’elle en fait dans son livre «Mégantic», à paraître à la maison d’édition Écosociété, remonte le fil du temps jusqu’en 2011, deux ans avant le déraillement, le grand feu, la mort et la destruction. Elle est encore hantée par tous les témoignages recueillis chez les citoyens et tout ce qu’elle a fini par apprendre, en fouillant davantage dans les dessous du monde industrio-politique.

Militante, activiste et écologiste, l’auteure dit avoir «rushé» pour que le livre sorte avant les commémorations entourant le cinquième anniversaire de la tragédie, comme le souhaitait son éditeur. Le lancement se fera à Montréal, 19 juin, 18h, dans les locaux de MaBrasserie, 2300, rue Holt. (confirmer sa présence avant le 15 juin via mocyr@ecosociete.org ). Des copies seront aussi disponibles à la pharmacie Jean Coutu de Lac-Mégantic.

Avant de clore le dernier chapitre, elle a pris son courage à deux mains et s’est dirigée vers Sherbrooke à la rencontre de Steve Lemay. L’entretien entre l’athée, comme elle se définit elle-même, et l’ancien curé de la paroisse Ste-Agnès a été libérateur. Elle s’est sentie rassurée. «C’est la dernière personne que j’ai rencontrée. Il ne le sait pas encore, mais ce prêtre-là est de la trempe du Père Pops», dira-t-elle en entrevue à l’Écho. Le père Emmett «Pops» Johns a fondé l’organisme Dans la rue, pour venir en aide aux itinérants, à Montréal.

Ce qui ne sera pas écrit dans le livre, mais qu’elle confie presque sous le secret de la confession: «Il m’a raconté que le pire moment de sa vie aura été son séjour à Rome (au Vatican), pas la catastrophe elle-même. Il se levait tous les jours avec le même questionnement sur sa vocation.»

Le journaliste André Noël a écrit la préface du livre, en ne se gênant pas pour pointer du doigt les coupables: «Dans cet ouvrage, Mme Saint-Cerny remonte aux origines du drame. Et notamment à la responsabilité de capitalistes cupides et sans morale qui ont vu la fortune qu’il y avait à faire dans le transport de pétrole de schiste hautement explosif. Des chevaliers de l’industrie assez puissante pour amener le gouvernement canadien à déréglementer tous azimuts.» Venant d’un journaliste qui a travaillé à la commission d’enquête sur la construction, sous la direction de la juge France Charbonneau, l’angle de rédaction est tout tracé.

Après une première partie du livre consacrée à tenter d’expliquer la «mécanique» de ce qui s’est passé pour en arriver à une pareille tragédie, l’auteure a pris une pause. «La deuxième partie est la plus déchirante. Je ne voulais pas la faire, mais tout le monde me demandait de l’écrire. Ce qui met les gens en colère, et cela est frappant, c’est la reconstruction.»

Citant abondamment le travail de la Coalition des citoyens et organismes engagés dans la sécurité ferroviaire de Lac-Mégantic et du Carré bleu, l’auteure écorche quelque peu l’administration municipale et sa décision de raser les bâtiments restés debout après la tragédie dans le périmètre du centre-ville. Cet extrait: «Le feu du 6 juillet a détruit 41 bâtiments. La Mairie en a détruit plus encore. Près d’une soixantaine, y compris dans Fatima, le quartier avoisinant le lieu du drame. Plus de 100 bâtiments, dans une petite ville qui compte un peu plus de 6 000 habitants.»

Plus loin dans le livre elle écrira : «Les gens de Mégantic, fautifs ou non, ont été entrainés dans une tourmente qui a pris naissance ailleurs. Il faut résister à la tentation de faire des responsables méganticois des boucs émissaires. Et chercher à rétablir des ponts entre tous, rester solidaires.»

Au procès de Thomas Harding, Jean Demaître et Richard Labrie, à Sherbrooke, l’hiver dernier, elle a passé près d’un mois dans la salle au côté de Jean Clusiault, le père de Kathy, l’une des 47 victimes. Elle se sent proche des gens qui ont beaucoup perdu. Et c’est un peu pour cela, qu’elle a choisi de faire le lancement à Montréal et d’attendre le moment opportun pour venir présenter son livre à Lac-Mégantic. «Je ne veux pas ajouter à la détresse», explique-t-elle. Du moins, pas maintenant, alors que le projet de voie de contournement ferroviaire divise encore les communautés et que la Ville se prépare aux commémorations.

Anne-Marie Saint-Cerny avait l’idée de faire un film de ce profond drame humain. L’écriture du livre lui a pris tout son temps. «Le projet de film, je l’ai mis de côté, mais il va se faire. Je pense que ça prenait quelqu’un de l’extérieur pour dire les choses.»

Alors que son message aux Méganticois est de rester unis, face à une compagnie privée, la CMQR, «qui a décidé où le train va passer, sur une voie qui sera entièrement payée par les fonds publics», elle laisse à Steve Lemay le mot de la fin : « À Mégantic, à l’église Sainte-Agnès, pendant des mois intermi­nables, jour après jour, on a célébré des funérailles. Funérailles des victimes, funérailles normales aussi, de la communauté… parfois aussi un baptême, mais encore des funérailles… sans fin… La chorale, les chanteurs de la chorale arrivaient tôt le matin. À midi, je leur faisais monter des sandwichs dans le choeur qu’ils ne quittaient pour ainsi dire pas. Ils chantaient, chantaient, toujours là… Ils avaient une force, une détermina­tion inouïe, ils ont trouvé une façon, leur façon, de soutenir les leurs. Ils étaient nécessaires à tous. Et tous leur étaient néces­saires. C’est ainsi que, soudés totalement les uns aux autres, on a réussi à passer à travers. Les Méganticois, bientôt, vont se ressouder, s’unir, se réunir. Ils ont bâti cette ville et c’est la plus belle, avec son grand lac. Ils vont redécouvrir leurs forces et réinventer leur ville, leur vie. La mort ne gagnera pas. Le désespoir non plus.»

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