Pourquoi je suis contre le registre des armes à feu

(L’auteur de cette lettre, Odilon Emond, est policier de la GRC à la retraite)

J’estime que la loi 64 est inefficace dans son rôle de prévention et rappelle au gouvernement l’importance de se concentrer sur l’enjeu de la santé mentale.

Si la loi fédérale sur le contrôle des armes à feu a pu démontrer une chose au cours des années, c’est bien que l’enregistrement d’une arme à feu n’a aucune incidence sur la prévention d’actes criminels.

En 2012, devant l’inefficacité de cette loi et ses coûts astronomiques représentant plus de 1 milliard de dollars, le gouvernement fédéral décidait de l’abolir, donnant suite à la décision du gouvernement du Québec, alors dirigé par M. Couillard, de voter une loi similaire sur l’enregistrement des armes de chasse.

Il suffit de se pencher sur les cas tragiques prépondérants pour comprendre que la loi sur l’enregistrement votée par les libéraux, sans tenir compte des millions investis, est somme toute inutile et n’est pas en mesure d’empêcher certains actes regrettables de se reproduire.

L’attentat de l’Assemblée nationale survenu le 8 mai 1984, tuant trois personnes et en blessant 13 autres, fût commis par le caporal Denis Lortie qui était réserviste des Forces canadiennes au moment de ses actes. Il était en possession d’une mitraillette des Forces armées, une arme qui se devait donc d’être sous le contrôle militaire.

Le 6 décembre 1989, la fusillade de Polytechnique causait la mort de 14 personnes, toutes des femmes, et en blessait 10 autres et 4 hommes. L’auteur de la tuerie, Marc Lépine, s’est ensuite donné la mort, laissant une lettre dans laquelle il mentionne avoir planifié son geste et tenté d’entrer dans les Forces armées pour en faciliter l’exécution.

Kimveer Gill, auteur de la fusillade du Collège Dawson, était propriétaire d’un permis de possession et d’acquisition d’armes à feu. Le drame survenu le 13 septembre 2006 a fait deux morts, incluant le tireur, et 13 blessés.

Le 14 décembre 2006, la policière Valérie Gignac était abattue d'une décharge de calibre .338 dans un appartement de la 7e Avenue à Laval. L’arme du crime perpétré par François Pépin était pourtant enregistrée. Fait troublant, il lui était interdit au moment des faits d’utiliser une arme à feu en dehors des périodes de chasse, ce qui nous permet au passage de douter de l’effet de cette interdiction.
Le 4 septembre 2012, le suspect Richard Henry Bain abattait Denis Blanchette et blessait Dave Courage. Au moment de l’incident, Bain était en possession d’armes enregistrées et avait pour cible Mme Pauline Marois, nouvellement élue première ministre.

Plus récemment, le 29 janvier 2017, l’attentat du Centre culturel islamique de Québec tuait six personnes et en blessait huit autres. C’est avec des armes enregistrées que le jeune Alexandre Bissonnette a commis ce crime odieux.

Sur les réseaux sociaux et autres médias, je suis de près les discussions sur le registre et j’ai constaté que le débat est devenu émotionnel pour beaucoup, et pourtant très rationnel pour d’autres intervenants. Toutefois, en restant objectif, on ne peut qu’en venir à la conclusion que le registre n’est pas en mesure d’atteindre son objectif premier en terme de défense.

Mes 37 ans de carrière policière m’ont permis de peser tous les arguments et faits entendus au sujet du projet de loi sur l’immatriculation des armes à feu, et de rester bien ancré sur ma position: le registre est inutile dans la prévention de crimes commis à l’aide d’armes d’épaule. Peut-il démontrer son utilité dans le travail des policiers? Je ne crois pas non plus. C’est le PPA (permis d’acquisition et possession) qui indique aux forces de l’ordre si le sujet d’une enquête ou d’une intervention est potentiellement armé, leur permettant d’agir en conséquence. Mais dans tous les cas, les sujets d’intervention doivent être traités avec la plus grande prudence, quels que soient les indices.

Et j’aimerais qu’on m’explique pourquoi les policiers du Québec ont besoin d’un registre les aidant dans leur travail alors que les neuf autres provinces et territoires du Canada n’en font pas la demande et ne reconnaissent pas son utilité. Pourtant, la criminalité existe bel et bien ailleurs au pays si on pense à ses grands centres comme Toronto et Vancouver.

Lorsque l’Assemblée nationale a voté la loi sur le registre, effective depuis le 29 janvier dernier, le chef du gouvernement actuel François Legault n’a pas imposé la ligne de parti à ses députés, qui étaient donc libres de voter selon leur conscience. Une telle décision laissait présager que plusieurs députés de la CAQ étaient contre le registre et que les régions, là où l’opposition est majoritaire, seraient enfin écoutées.

Durant sa dernière campagne électorale, M. Legault affirmait qu’il allait faire les choses différemment. Eh bien, il agit exactement comme les libéraux en n’écoutant toujours pas les électeurs des régions et devrait ici considérer que si sa majorité est si forte, c’est parce que les régions l’ont supporté en votant pour la CAQ.

Si François Legault est le comptable qu’il affiche être, je crois qu’il est temps de le prouver et de prendre en compte les coûts astronomiques d’un registre similaire engloutis par le gouvernement fédéral. N’est-il pas le moment de dire «un instant, analysons les coûts réels de cette aventure» et de se demander s’il s’agit vraiment du meilleur investissement pour prévenir des incidents tragiques comme ceux mentionnés ci-haut?

Aussi, pourquoi traiter les chasseurs du Québec autrement? Et croyez-vous vraiment que les autochtones vont se soumettre à ce registre? Permettez-moi d’en douter.

En définitive, je crois sincèrement que le registre représente une fausse sécurité sans valeur ajoutée et qu’il devrait être aboli. Quant aux millions engloutis par sa gestion, ils auraient intérêt à être investis autrement, plus spécifiquement dans la prévention de la maladie mentale. Car rappelons-nous que le problème n’est pas l’arme mais son utilisateur, et c’est sur cette base qu’il faut œuvrer – en amont et non en aval.

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