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Le registre des armes à «feu»

On s’oppose, on calcule, on additionne en dollars, à tort ou à raison, comme si les chiffres seuls rendaient compte de la réalité. Trop souvent, le débat s’arrête au pied de la colonne de chiffres, imposant sans retenue le quant-à-soi, sinon le silence. Les chasseurs ont raison de dénoncer le coût faramineux du registre, mais ils ont tort de conclure à son inefficacité.

Des dizaines d’études à travers le monde ont démontré que le registre, par sa seule existence, a contribué à faire baisser le taux d’homicides et de suicides. D’autres statistiques, sans lien avec le registre, ont montré clairement que plus il y a d’armes en circulation, plus il y a de morts. En 2012, aux États-Unis, il y avait 86 propriétaires d’armes à feu par cent habitants. Au Québec, 28. Le taux de mortalités liées aux armes à feu sur 100 000 décès, aux USA, est de 12; au Canada, de 2,13. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il y a d’autres facteurs: il se peut que la vérification du passé des acheteurs d’armes soit plus efficace que le registre. C’est un contrôle nécessaire qui n’exclut pas le registre comme on l’a constaté plus haut. La question est de savoir comment on évalue son efficacité. En pourcentage, en argent ou en drames humains? On ne doit pas rêver d’une efficacité mur à mur ni même de la note de passage comme à la petite école.

En 2015, il y a eu 1 128 suicides au Québec: 833 hommes et 295 femmes. Les armes à feu ont été responsables de 14% des suicides chez les hommes et de 1,3%, chez les femmes. Il y a donc 170 suicides dus aux armes à feu. Si l’arme n’avait pas été immédiatement accessible, combien de vies sur ces 170 auraient pu être épargnées? Quinze, vingt ou trente? Ne tenons pas compte, pour le moment, des dommages collatéraux.

Selon Statistique Canada, «depuis l’arrivée du registre en 1995, on note que le nombre de suicides par arme à feu au Québec est en forte diminution.» Au Québec, nous avons observé une baisse de 60%; 343 suicides par arme à feu ont été commis en 1995, comparativement à 137 en 2008. Son impact est tel que les coroners clament son importance. «Il y a cinq fois plus de risques de suicide s’il y a une arme dans la maison.» En 2015, si le registre avait été maintenu, nous aurions pu éviter 34 décès et d’incommensurables souffrances.

Considérons maintenant les homicides d’origine criminelle et ceux liés à la violence conjugale. En 2017, il y a eu 93 victimes des armes à feu au Québec. Le quart relevait du crime organisé (23). En conséquence, 70 vies auraient pu tirer avantage de l’existence d’un registre. Combien de vies aurait-il pu sauver? Dix, quinze ou vingt? Qu’on ne me rétorque pas que les assassins pourraient se servir d’une arme blanche s’ils n’avaient pas une carabine à portée de la main. Combien parmi eux ne passeraient pas à l’acte parce que tirer, caché dans l’ombre ou dans la foule, c’est bien plus facile que de regarder sa victime dans les yeux avant de lui planter un couteau entre les côtes. Ils ne sont plus dans l’illusion du jeu vidéo, mais dans le face à face, devant la résistance de la chair, le sang qui coule, la peur de l’un et de l’autre.

On agite les chiffes comme des épouvantails parce qu’ils siphonnent l’attention au détriment des mots citant les maux, souvent considérés comme des entités négligeables, voire des intrus indésirables. Par exemple, 20 homicides de moins, cela signifie 20 procès évités. Un procès peut coûter des centaines de milliers de dollars, sans compter le recours systématique à la cour d’appel. Si un criminel coûte soixante mille dollars par an à garder en prison, si on multiplie par 25 ans, puis par 20, on atteint, là aussi, des sommes faramineuses.

Traumatisé, si un des enfants du criminel ou de la victime décroche de l’école ou cède à la délinquance, combien l’État et la société perdront-ils? Bien plus que de l’argent. Oublions, encore une fois, l’aide sociale, la psychothérapie et les soins de santé quand la vie est bouleversée. Si on se sentait concerné par le drame humain, on ferait des pieds et des mains pour l’éviter: le calcul en tiendrait compte. Le malheur, dans ce débat, c’est que nous pouvons compter et nommer les morts, savoir combien coûte le registre, mais nous ne pouvons pas identifier les vies sauvées: elles ne sont que de vagues statistiques déshumanisées. Pourtant, chacun d’entre nous pourrait en faire partie.
Pour faire le tour de la question, il faudrait que les comptables et les actuaires dépassent le coût du registre; il faudrait que les psychologues, les anthropologues, les sociologues et les philosophes nous expliquent notre rapport aux armes et au pouvoir qu’elles confèrent. Il faudrait qu’enfin quelqu’un fasse une synthèse afin que notre pensée échappe à la dictature des lobbies et apprenne les nuances nécessaires à la vie en société. Finalement, avons-nous conscience qu’à jongler avec les chiffres, sans autres considérations, nous sommes en train de fixer un prix à la vie?

Paul Dostie
Lac-Mégantic

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