Le départ forcé de Soumaïla ne restera pas lettre morte

Le départ forcé de Soumaïla  ne restera pas lettre morte - Claudia Collard : Actualités

Soumaïla Sawadogo a dû quitter le pays le 22 novembre dernier.

Soumaïla Sawadogo s’est envolé pour le Burkina Faso le 22 novembre. Un retour obligé dans son pays d’origine, celui qui occupait depuis près de trois ans un emploi chez Champeau Mégantic n’ayant plus les autorisations requises pour demeurer dans sa terre d’accueil. Un triste dénouement dans ce dossier ayant mobilisé plusieurs intervenants de la région.

Le 15 novembre, Soumaïla complétait son dernier jour de travail chez Champeau Mégantic. À sa demande, les membres du personnel ont été réunis dans la cafétéria afin qu’il puisse leur adresser quelques mots. La coordonnatrice des ressources humaines de l’entreprise, Karine Bilodeau, laisse entendre que ce moment a été chargé d’émotion. «Soumaïla a remercié ses collègues pour leur dire au revoir, mentionnant à quel point ils ont été gentils et accueillants à son égard. On lui a remis une carte qu’on avait tous signée. C’est une situation qu’on ne voit pas souvent; lui ne voulait pas partir et nous ne voulions pas qu’il parte…», relate-t-elle.

Chose certaine, on souhaite que Soumaïla revienne chez Champeau Mégantic. «C’est sûr qu’on veut l’aider. On irait avec le programme provincial Arrima, qui fait un arrimage entre des travailleurs qui veulent venir ici et les emplois qui sont disponibles. Mais ce n’est pas gagné d’avance et le processus peut être long. On veut que ce soit lui et pas un autre qui soit choisi, parce qu’on le connaît, qu’on lui a donné la formation et qu’il s’est bien intégré», explique Mme Bilodeau.

Contrairement à un jumelage employeur/employé via une EIMT (Étude d’impact sur la main-d’œuvre temporaire), qui permet l’émission d’un permis de travail renouvelable aux deux ans si le besoin de main-d’œuvre dans l’entreprise est toujours présent, celui via Arrima peut mener au statut de résident permanent. «On ne veut pas se retrouver dans la même situation que maintenant», fait valoir la coordonnatrice des ressources humaines de Champeau Mégantic.

Relevant du ministère québécois de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, la plateforme Arrima s’adresse aux travailleurs souhaitant immigrer au Québec. Les demandes sont évaluées en fonction d’un système de pointage, qui augmente en fonction du degré de scolarité et favorise les candidats âgés entre 18 et 35 ans. Or, soulève Karine Bilodeau, pour l’emploi qu’occupait Soumaïla (âgé de 47 ans), un diplôme d’études secondaires est suffisant, comme c’est le cas pour la majorité des emplois disponibles sur le territoire granitois. Le fait qu’il parle français et qu’il souhaite s’établir en région sont toutefois des critères pouvant avantager Soumaïla.

Depuis le départ de ce dernier, Mme Bilodeau et lui ont pu se parler à quelques reprises. «Il a trouvé ça difficile de retourner au Burkina Faso; je l’entendais dans sa voix, même si ça s’est quand même bien passé. Nous allons demeurer en contact», communique celle qui a entamera des démarches auprès du bureau du député provincial François Jacques en lien à la plateforme Arrima.
Annie Gagnon, coordonnatrice en attraction de talents pour Défi Carrière Mégantic, avoue ne pas comprendre pourquoi Soumaïla ne répondait plus aux critères de demandeur d’asile alors que c’était le cas à son arrivée au pays. À l’instar de Karine Bilodeau, elle souligne toutefois que le député conservateur Luc Berthold est intervenu jusqu’à la fin dans l’espoir qu’un délai soit accordé dans ce dossier.
Le soir du 22 novembre, Mme Gagnon a reçu un appel de Soumaïla. «Il m’a téléphoné de l’aéroport pour me remercier de tout ce qu’on avait fait pour lui et de faire en sorte que d’autres ne vivent pas ce qu’il a vécu. C’est un peu la mission qu’il me donne; en même temps mon pouvoir est quand même limité… Quand un dossier relève du fédéral, j’ai l’impression qu’on est une goutte dans l’océan. Il n’y a pas tant d’écoute, pas tant de sensibilité à notre situation. Pourtant on va chercher des gens à l’international qui répondent à notre besoin de main-d’œuvre, qui s’intègrent bien chez nous et qui paient des impôts. Pourquoi on ne lui donne pas un sursis pour prendre le temps d’examiner son dossier, pour faire une analyse plus personnalisée?»

Annie Gagnon entend solliciter les instances fédérales afin qu’on tienne compte de l’intégration des travailleurs venus de l’étranger dans leur nouveau milieu. « Pourquoi s’attaquer à des gens qui contribuent au développement de notre société et veulent s’y impliquer?», questionne-t-elle.

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