Lettre à mon ministre de l'Éducation

Monsieur le ministre. À la suite de l’intervention des présidents des commissions scolaires des Hauts-Cantons et Eastern Township en commission parlementaire le 12 novembre dernier, je me suis senti dans l’obligation d’appuyer le maintien des commissions scolaires. De plus, je suis particulièrement interpelé par ce dossier depuis le dépôt du projet de loi 40.

Monsieur le ministre, je veux d’abord vous dire à quel point j’ai été renversé par votre attitude cavalière et méprisante à l’endroit des femmes et des hommes qui s’impliquent avec sincérité en faisant preuve d’une générosité exceptionnelle dans le but d’offrir des services éducatifs de qualité à nos jeunes du primaire, du secondaire, formation générale adulte ainsi que la formation professionnelle dans le secteur public sur l’ensemble du Québec.

En effet, lors de la conférence de presse qui a suivi le dépôt du projet de loi 40, vous avez déclaré: «Finis les voyages en Floride pour les commissaires d’école». Madame Anne-Marie Dussault de l’émission 24/60 de Radio Canada à laquelle vous participiez la journée même, vous a fait remarquer vos propos méprisants, et ce, avec fermeté. Je pourrais citer d’autres déclarations de votre part qui vont dans le même sens. Je préfère vous en laisser la paternité.

Toutefois, je voudrais simplement vous souligner que pour ces quelques commissaires auxquels vous référez en parlant de la Floride, elles et ils sont des milliers impliqués au quotidien sur l’ensemble du territoire québécois à titre de commissaires, de parents, d’intervenants agissant bénévolement plus souvent qu’autrement.

Mais, revenons sur le dossier. Et pourquoi tout ce bruit autour d’un débat de structures? Parce que votre premier ministre, constatant un faible taux de participation aux élections scolaires 2014 s’est même permis de suggérer aux électeurs de ne pas aller voter lors des dernières élections. Il répète depuis son passage dans l’opposition que la solution réside dans l’abolition des commissions elles-mêmes plutôt que dans l’amélioration du processus électoral.

Alors, ayant été lui-même ministre de l’Éducation et par la suite ayant mis la main sur l’ADQ pour en faire la CAQ, il s’est attaqué à la tâche afin d’en faire un élément de son programme électoral qu’il allait proposer dès que l’occasion lui serait présentée. C’est ainsi que lors de l’élection de 2018, ce dossier est revenu dans l’actualité. «Un gouvernement de la CAQ abolira dans la première année les commissions scolaires pour les remplacer par une autre structure beaucoup plus efficace et efficiente», s’engagea-t-il fermement.

Le gouvernement Couillard au pouvoir au moment du déclenchement des élections et jouissant d’une popularité abyssale subit une défaite non moins colossale suite aux coupures de services afin d’atteindre, quel qu’en soit le prix, le déficit zéro et même des surplus jamais égalés. La population n’en pouvait plus de ce gouvernement et n’attendait que le moment pour le signifier clairement.
Voilà donc la CAQ au pouvoir fortement majoritaire (74 élus-es) avec le soutien de 39% des 66,5% des personnes qui se sont exprimées dans les urnes. Par la suite, il vous a donc proposé, Monsieur le ministre, le portefeuille de l’éducation étant vous-même un ex-enseignant au niveau primaire depuis 17 années et ayant acquis une expérience et une connaissance plus que suffisantes pour régler les problèmes épineux auxquels le monde de l’éducation fait face depuis des décennies.

Aucun doute dans l’esprit du premier ministre que vous alliez avant tout respecter scrupuleusement les engagements en matière d’éducation pris pendant la campagne électorale.

Sitôt dit, sitôt fait, vous proposez, un an après les élections, une réforme de structure tant souhaitée (sic) que l’Assemblée nationale s’apprête à étudier dans un contexte d’urgence, je crains qu’une telle démarche de vouloir récupérer les 41 millions de dollars sur 4 ans n’atteigne pas la cible souhaitée. Cela vous permettra sans doute et sans hésitation d’imposer courageusement le bâillon à une opposition qui ne partagerait pas votre point de vue et celui de votre premier ministre évidemment. J’aimerais également souligner que votre projet de loi attaque l’autonomie des régions et par le fait même éloigne les décisions prises par les gouvernements de proximité que sont les commissions scolaires étant donné votre désir de centralisation.

En terminant, Monsieur le ministre, permettez-moi humblement de vous réitérer une demande qui vous a été faite par de nombreux intervenants dont des représentants de commissions scolaires que vous auriez préféré ne pas entendre dans le cadre des travaux de la commission parlementaire à l’effet de suspendre les travaux de ladite commission parlementaire afin d’entreprendre une véritable consultation qui permettrait de faire le point sur l’ensemble de la situation en éducation et ainsi d’être en mesure de proposer de vraies solutions à de vrais problèmes.

De plus, une telle démarche ferait de vous un des grands ministres de l’Éducation que le Québec aurait connu à l’image du vénérable et vénéré Paul Gérin-Lajoie et ferait taire ceux et celles qui présentement auraient le goût de vous comparer à l’ex-ministre de la Santé dans le gouvernement Couillard de triste renommée et dont la réputation l’empêche de songer à se présenter à l’investiture libérale pour déterminer le futur chef du parti libéral du Québec.

Enfin, en démontrant une telle sagesse dont vous êtes capable en n’en pas douter, cela vous évitera d’avoir à vous excuser, Monsieur le ministre. Et ce qui est encore plus important pour votre gouvernement et votre premier ministre, l’histoire n’aura pas à retenir que vous auriez pu devenir le premier gouvernement de l’histoire de la démocratie québécoise plus que deux fois centenaire à détruire une institution dont les dirigeants sont, tout comme vous, élus au suffrage universel.

Je vous prie, monsieur le ministre, d’agréer mes salutations distinguées

Maurice Bernier
Préfet de la MRC du Granit élu au suffrage universel de 2005 à 2014
Président de la Conférence régionale des Élus de l’Estrie de 2009 à 2013.

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