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Le nouveau Groupe Capitales Médias: L’expérience méganticoise a forgé la vision d’un des principaux artisans de la transformation
Stéphane Lavallée occupe le poste de directeur général de la nouvelle Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i).
«Je suis persuadé que Mégantic a changé ma vision du monde des médias», affirme d’emblée Stéphane Lavallée. Appelé en août 2019, conjointement par Investissements Québec et par Groupe Capitales Médias, pour assurer une «transition de qualité» vers la pérennité des six quotidiens régionaux impliqués dans la faillite de l’entreprise du groupe de presse de Martin Cauchon, il estime aujourd’hui avoir rempli sa mission. Si bien que le voilà, pour un mandat d’un an, à la direction générale de la Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i), acquéreur des six quotidiens pour la somme symbolique de 1$, et chapeautant l’ensemble des six coopératives de solidarité, réunissant en tout 350 employés pour Le Droit d’Ottawa, Le Nouvelliste de Trois-Rivières, Le Quotidien du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Le Soleil de Québec, La Tribune de Sherbrooke et La Voix de l’Est de Granby.
Bien installé dans l’univers culturel, Stéphane Lavallée pensait en avoir fini avec le monde des médias, en quittant Montréal pour Lac-Mégantic, dans les jours suivant la tragédie de juillet 2013. Il laissait derrière lui un bagage d’une trentaine d’années d’expérience à occuper différents postes à La Presse et au journal Les Affaires, avec «le sentiment d’avoir fait le tour du jardin, d’avoir occupé tous les postes que je voulais occuper, même ceux que je ne voulais pas occuper», confiait-il à l’Écho le 30 décembre dernier.
Aujourd’hui aux commandes du premier grand groupe de presse coopérative au Québec, la preuve éclatante qu’il n’est pas devin, Stéphane Lavallée replonge sans la moindre hésitation. «J’ai accepté avec plaisir de relever le défi avec des équipes que je juge ultra compétentes partout, dans une organisation que j’ai eu quatre mois à bien connaître. Et je suis vraiment enthousiaste à l’idée de lancer cette grande aventure coopérative.»
Un premier rôle terminé
De septembre à décembre 2019, le Méganticois a été le seul maître à bord du Groupe Capitales Médias. «Tout le long de la phase de restructuration, j’étais le seul administrateur de la boîte (nommé par le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon), en fait, la seule personne au conseil d’administration. Un poste de président-directeur général intérimaire. Et c’est un grand hasard qu’on soit arrivés, Christian Bourque et moi dans ce même dossier-là.» Natif lui aussi de Lac-Mégantic, c’est en qualité de syndic que Christian Bourque s’est retrouvé à participer à la structure de transaction mise en place à la fois pour satisfaire l’assemblée des créanciers du Groupe Capitales Médias et pour calmer les inquiétudes des employés de l’entreprise de Martin Cauchon qui risquaient de perdre leur job.
«Christian (le fils de Monique Dumaine Bourque) est un syndic de grande expérience qui a été un grand facilitateur dans toute cette démarche-là. Son expérience a fait en sorte qu’on a trouvé des solutions originales à tous les défis qu’on a rencontrés en cours de route. Mais il ne faut pas négliger non plus le rôle des aviseurs légaux dans une opération comme celle-là, assez complexe, convient Stéphane Lavallée. Soit on laissait mourir l’entreprise GCM de sa belle mort et on ouvrait un nouveau chapitre avec une nouvelle entreprise, soit on transférait la propriété existante pour assurer la continuité. Et c’est cette dernière option qui nous est apparue la plus pertinente.»
Les acheteurs potentiels des actifs du Groupe Capitales Médias disposaient de très peu de temps pour déposer une offre d’achat et un plan d’affaires satisfaisant. À son arrivée dans le dossier, le mandat était de gérer de la façon la plus responsable possible «parce qu’on se retrouvait dans une situation de faillite technique qui a été contrebalancé par un nouveau prêt gouvernement de 5 millions de dollars. Notre responsabilité était vraiment de gérer cet argent-là avec beaucoup de parcimonie. Après tout, c’était de l’argent public. Il fallait faire en sorte que notre encaisse nous permette d’aller le plus loin possible dans le processus de rachat. À l’époque, on avait très peu de temps devant nous. On avait alors évalué qu’on avait de l’argent jusqu’à la mi-novembre. Par une gestion très serrée et une hausse des revenus, on est arrivé à faire notre nouveau prêt plus longtemps, si bien qu’on en a encore, assez pour se rendre à la fin janvier, ce qui va permettre à la nouvelle organisation d’avoir son financement et de commencer sur une nouvelle base.»
L’expérience méganticoise l’a nourri
Pour le sortir de sa communauté méganticoise et le ramener dans le monde des médias, il lui fallait, dira-t-il, un défi plus grand qu’un poste de direction dans un monde traditionnel. «Je suis un meilleur développeur que gestionnaire de rationalisation. Je me suis aperçu, avec un peu de recul, que ma carrière s’est beaucoup bâtie autour des projets de transformation, de développement des médias. Et quand sont arrivées les années plus difficiles où les entreprises étaient plus frileuses pour investir dans de nouveaux projets, je me suis senti un peu moins apte à évoluer dans cet environnement-là.»
La parenthèse des six dernières années, hors de ce monde-là, dans une action plus locale, d’abord à titre de directeur du Bureau de reconstruction de Lac-Mégantic puis comme initiateur de la Chapelle du rang 1, lui aura été profitable. «Mégantic m’a apporté tout un aspect du travail en communauté, avec la communauté, qu’on reproduit aujourd’hui dans le monde des médias. Quand on voit la force d’une collectivité, quand elle se prend en main, je pense que Mégantic c’est ça. Souvent, les Méganticois sont les derniers à le réaliser parce qu’ils sont dedans, dans l’action, ils font les choses. Mais quand on prend un peu de recul et qu’on voit tout ce qui s’est fait ici depuis six ans, parce qu’une collectivité a décidé de faire les choses différemment, parce que plein de projets de différentes tailles ont vu le jour et ont changé le ton de la communauté, alors tu t’aperçois de la force de la communauté, du travail d’équipe. Et c’est ça en fait qu’on est en train de faire dans le monde des médias par la formule coopérative. C’est effectivement de prendre une communauté, celle des travailleurs de l’information, et de les faire travailler encore mieux en équipe, de les impliquer davantage. Puis, on le fait aussi avec les communautés, au sens large. D’inviter les gens qui nous soutiennent, qui nous lisent à aussi participer à ce grand chantier de transformation médiatique.»
Stéphane Lavallée s’est installé à Québec où il travaillera, du moins pour la prochaine année. Il a retrouvé ses repères et contribué à jeter les bases d’un nouveau modèle d’organisation média «qui risque de faire des petits ailleurs en Amérique du Nord, ailleurs en Occident. Il y a des formules de rachat collectif qui se développent, une réponse intelligente à la situation des médias actuellement. On a besoin de l’implication des collègues, des employés, des boîtes de presse comme jamais auparavant. Et la formule coopérative permet cela. On verra à l’usage, mais la propriété collective n’est pas une réponse en soi, c’est une partie de la réponse. Une nouvelle façon de faire les choses, mais pas un nouveau modèle d’affaires. On a quand même le grand défi, à travers cette innovation qui touche la propriété, d’être innovants à tous points de vue et de l’être encore plus qu’on ne l’a jamais été. Les programmes d’aide gouvernementaux sont aussi essentiels à la survie des médias aujourd’hui. On n’aurait jamais pensé ou voulu cela il y a 15 ou 20 ans, tellement on se tenait toujours à distance de l’implication gouvernementale directe ou indirecte. Aujourd’hui, il est de plus en plus admis que l’État a un rôle à jouer. Si on dit que l’information est un bien public au service de l’intérêt public, c’est tout à fait normal que l’État fasse sa part. Son seul défi (au gouvernement) c’est d’aller chercher les revenus du côté des grands joueurs du numérique pour financer les programmes d’aide. En les taxant, on évite que l’argent vienne de la poche des contribuables.»
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