Ne pas abuser! Londres. Décembre 1941. Le vacarme des sirènes déchire la nuit. Les habitants décodent assez vite la menace: «Vite aux abris. Une pluie de bom- bes allemandes va s’abattre sur la ville!» Les films d’archives de la Seconde Guerre mondiale sont révélateurs: l’heure est grave et l’avertissement est pris au sérieux. Les gens sortent de façon tout de même ordonnée pour se précipiter vers les refuges et les bouches de métro, les bras croisés au- dessus de la tête en guise de parapluie.
Québec. Décembre 2020. En cet après-midi du 9 décembre, nos cellu- laires font un petit roupillon, histoire de mieux digérer les conversations du jour. Soudain, hors de contrôle, comme pris de convulsion, le gadget se met à hurler. C’est la deuxième fois en quelques jours que le «téléphone à poche qui prend de maudites belles photos et de maudits beaux selfies» pète sa coche. J’hésite. En temps normal, je l’aurais pris et pitché sur le mur, mais le forfait de Bell de deux ans qui venait avec l’achat «gratis» de la bébelle d’Apple n’expire que dans six mois. Le temps de jeter un rapide coup d’œil à l’écran, je lis «Alerte d’urgence». Ils ont déjà fait le coup le 25 novembre à 13h55 tapant; c’était un test du système Québec En Alerte de la Sécurité publique. Un premier essai. Ce 9 décembre, on a encore été prévenus. «Les Québécois vont recevoir un vrai message d’alerte sur leur cellulaire aujourd’hui !» crache le fil de presse. Mais c’est pas tout le monde qui vit scotché devant sa tv, l’oreille collée à sa radio ou dans l’attente de ce qui va tomber sur son fil de presse. Un cri de même, plus fort que le sifflet de la locomotive qui mène Harry Potter à l’école des sorciers, doit annoncer quelque chose de grave! Surtout que ça va être lancé depuis le bunker de Geneviève Guilbault sur tous les téléphones, télévisions, les radios pour... quoi, au juste? Rappeler les consignes et signaler les conséquences pour les dissidents. Essentiellement, on rappelle ce que les Estriens, eux, savent déjà: qu’on vit en zone rouge, le palier d’alerte maximale, et que les Québécois qui songent à ne pas suivre fidèlement les consignes sanitaires et aller quand même réveillonner en famille avec pépère pis mémère s’exposent à des contraventions «pouvant aller jusqu’à 6 000$!»
Petite pause: une alarme ou une alerte, c’est fait pour te prévenir d’un danger potentiel. Exemple, ton alarme résidentielle vise à te prévenir d’une intrusion possible. À te protéger! Ne jouons pas sur les mots, l’alerte générale du 9 décembre visait le contraire, avertir ceux que tu dois protéger qu’ils doivent se tenir les fesses serrées s’ils veulent pas que les policiers débarquent chez toi à l’improviste et distribuent des tickets.
Bon, je veux pas jouer au «vieux grincheux» mais, il me semble que Québec déploie l’artillerie lourde, alors qu’à la mi-mars, quand le fichu virus, la «vraie» menace partie de Chine trois mois plus tôt, a pris racine au Québec, s’infiltrant sournoisement dans les murs défraîchis de nos établissements publics pour personnes âgées, ils nous ont demandé de dessiner un arc-en-ciel et d’y inscrire «Ça va bien aller», en espérant que ça aille bien. Neuf mois plus tard, ça va de plus en plus mal!
À Londres, en 1941, quand la menace est apparue dans le ciel, personne n’a eu l’idée d’envoyer des ballons, en écrivant ce message aux pilotes des bombardiers: «Nach Hause gehen» (Rentrez chez vous).
Bon, on ne réécrira pas l’histoire! J’aime Geneviève Guilbault. J’aime les gens compétents. Moins les politiciens qui tolèrent l’incompétence, d’une part, et menacent des pires châtiments financiers, d’autre part, ceux qui seront en «apparence» de désobéissance future aux consignes de l’État.
J’aimerais savoir c’est qui la personne qui a déclenché l’Alerte d’urgence, en test le 25 novembre et en vrai le 9 décembre. Juste pour lui poser une question simple, que je vais essayer de faire compliquée : «Dans votre sys- tème d’alarme sanitaire, vous avec quatre paliers, correspondant chacun à sa couleur: la zone verte correspond au palier 1, celui de la vigilance; la zone jaune correspond au palier 2, celui de la préalerte; la zone orange correspond au palier 3, celui d’alerte; puis le tout dernier, le palier d’alerte maximale 4 en zone rouge. Y’en a pas de cinquième! La prochaine alerte sera pour nous annoncer quoi?
Je devrais tout de même vous remercier de vous ranger derrière l’Allemagne pour l’éventail de mesures restrictives dans la période de Noël! Et non pas derrière la Grèce, qui menace de la prison à vie ses dissidents sanitaires. Madame Guilbeault, je ne voudrais pas que l’idée vous vienne, le soir du réveillon, de faire hurler nos télés, radios et téléphones à poche. Confinés dans notre petite bulle familiale, on risquerait la syncope ou pire. Quand j’étais enfant, ma tante Cécile, assise pour manger le poulet (moins cher que la dinde), s’était étouffée en avalant un os. Heureusement qu’elle n’était pas toute seule, mon père l’a saisie par derrière et fait les manœuvres nécessaires. La grande tablée lui a sauvé la vie.
{text}