Le cordonnier Michel Dumas, mieux connu sous le nom de Palma, a pris sa retrait après 36 ans de métier.
Le soir de sa mise à la retraite, Michel Dumas s’est acheté une bouteille de Châteauneuf-du-pape à 58$, qu’il a bu tout seul dans son sous-sol! La page était tournée sur l’histoire de «Palma, le cordonnier du village», qui se retire de son atelier avec, pour simple bagage, presque 36 ans d’une vie simple qui lui a «assez bien souri», dira-t-il.
L’homme connu pour son franc-parler n’a jamais fait dans la demi-mesure. Au fonctionnaire du Centre d’emploi qui a préparé les papiers de la relève de son commerce et qui voulait savoir qui enseignerait le métier à son successeur, puisqu’assurément Palma n’a pas de diplôme en «pédagogie», il lui a répondu du tac au tac: «Vous, vous avez de la pédagogie, pouvez-vous lui enseigner le métier de cordonnier? Non, mais moi, oui!»
«L’Gros», de son surnom, a aimé son métier et le contact humain, qui va lui manquer d’ailleurs. Parce que, depuis 1984, un 24 juin très exactement, qu’il trimait du matin au soir, de 60 à 70 heures par semaine, à réparer tout ce qu’on lui amenait, et pas juste des souliers. Parfois des raquettes, des toiles d’abri, des étuis, des fermetures éclair… Bref, un cordonnier dans le dictionnaire du Grand Palma Illustré c’est un recycleur! Qui dessine un sourire au visage d’une mère dont l’enfant a abîmé la fermeture éclair de son manteau d’hiver et qui, en un tour de main habile, n’aura pas à lui en acheter un neuf pour tout de suite.
Il dira qu’il n’a pas vu le temps passer, peu soucieux de l’accumulation des biens et plutôt porté sur le bonheur simple! «Quand j’ai commencé, il y avait bien des gens en ville qui me donnaient pas plus de six mois!». Même verdict de l’orienteur qu’il avait été consulté au terme de sa première vie d’opérateur de machinerie lourde qui l’avait mené de la Baie-James, en Ontario et jusque dans l’Ouest canadien. Cinq à six mois de travail sur les «runnes» pour cinq à six mois de chômage le reste de l’année. «J’étais plus insouciant, dans c’temps-là !»
Donc, l’orienteur lui ouvrait une porte sur le métier de machiniste, Palma a choisi celui de cordonnier. «Mais, il n’y en a plus de cordonnier, me disait l’orienteur!» Palma a toujours fait à sa tête et il ne regrette rien, aujourd’hui.
«Je me souviens que ma mère me disait tout le temps, quand est-ce que ton adolescence va finir? J’ai travaillé, mais je n’étais pas dû pour travailler!» Et il a appris à aimer le monde, à apprécier les contacts humains, à titre de «ramancheux d’la vie».
Michel Dumas? «Y’a pas personne qui connaît mon nom.» Palma fait partie de ce groupe de plus en plus rare de gens qui tiennent ce qu’il appelle «des p’tites bineries» et pour qui le service à la clientèle n’a pas à s’afficher sur le côté de la porte.
«J’ai eu pas mal plus de monde qui m’ont donné un coup de main, que de monde qui m’ont planté un coup de couteau dans l’dos!»
En ce lundi d’entrevue, dans un coin du local qui lui sert encore de bureau, les murs sont à nu. Le cordonnier a rendu son tablier. Un client entre. Le successeur à Palma a ouvert un local plus haut, sur la rue Laval. Désolé!
Pour l’instant, Palma, avec l’aide d’un ami, s’affaire à transformer sa cordonnerie en deux locaux commerciaux qui seront à louer. Son immeuble, à vocation résidentielle et commerciale, compte huit logements et un salon de coiffure. Ça restera son fond de retraite.
Pandémie et retraite, méchant cocktail? «J’ai lâché la boîte à images (la télé) et recommencé à faire des mouches (pour la pêche). La vie, c’est simple de même!»
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