Le contrôleur Richter, chargé d’exécuter le Plan d’arrangement avec les créanciers de la MMA, était à deux doigts de clore le dossier d’un des plus importants recours collectifs jamais gagnés au Canada. À deux doigts! Et voilà que l’exécuteur testamentaire se retrouve face à une chicane de succession soulevée on ne sait trop comment et on ne sait trop au bénéfice de qui! Au centre de l’imbroglio, une communauté qui ne s’attendait à rien, sinon percevoir les restants de sommes traînant au fonds du coffre, pour les personnes inscrites au recours collectif, la plupart pour les dommages moraux subis par la tragédie.
Puis, du jour au lendemain, le politique s’en est mêlé et le processus a déraillé, comme un train juste avant d’entrer en gare. Québec allait recevoir 39 millions $ en trop, so what! «Notre» gouvernement n’avait qu’à l’encaisser et à proposer un autre programme de relance pour la Ville ou pour la région, de toute façon «notre» gouvernement gère «notre argent», non?
Pourquoi fallait-il, à la dernière minute, changer les règles du jeu, grogner contre les avocats et proposer une nouvelle répartition qui faisait en sorte que, comme un lapin sorti d’un chapeau, la «communauté» méganticoise héritait soudain d’un magot de 18 millions de dollars à dépenser pour des «projets collectifs». Depuis quand la «communauté méganticoise» décide quoi faire avec les premiers 9,5 millions que la Ville a reçu du recours collectif et dont la majorité de cette somme dort encore à la banque?
Quelle garantie a-t-on que ces nouveaux 18 millions vont être dépensés pour le bien collectif, et non pas dans des projets qui serviront l’image au détriment du bien-être d’une population qu’on dit encore affectée par la tragédie, presque huit ans plus tard? Ne serait-ce pas la plus élémentaire des décences que ces sommes-là (18 millions $ c’est pas de la petite crème) servent à «soulager» la collectivité? La Ville est endettée, ça on le sait. Elle est parmi les plus endettées des villes de moins de 10 000 habitants. Alors, pourquoi ne pas piger dans ce nouveau pactole pour soulager les contribuables? Un congé de taxes pour tous pendant un an coûterait moins de 12 millions de dollars. Il en resterait 6 M$ pour, qui sait, distribuer 1000$ en cartes LM à chaque adresse postale ou à chaque famille, ce qui viendrait donner un coup de main précieux pour la reprise commerciale dans l’achat local. «Make Megantic great again!» Et il en resterait encioe!
Cette brusque montée de lait contre les avocats était mal avisée. N’importe quel conseiller juridique aurait levé un drapeau pour empêcher cette charge contre ceux qui ont permis de conclure le Plan d’arrangement, dans deux pays, qui a bénéficié essentiellement à la «communauté».
Cette «chicane de succession» fait l’affaire du Canadien Pacifique, soyez-en sûrs. Depuis des années qu’ils nient toute responsabilité dans la tragédie de Lac-Mégantic. Rappelez-vous, le CP est la seule compagnie, au Canada comme aux États-Unis, à ne pas avoir contribué au Fonds d’indemnisation des victimes de Lac-Mégantic. En se comportant ainsi, elle devenait aussi la seule compagnie à ne pas pouvoir se mettre à l’abri d’éventuelles poursuites. Et sachez bien que les poursuites pleuvent contre elle du côté des États-Unis. Même Irving poursuit le CP!
En quoi cette situation l’arrange? Puisque le gouvernement du Québec a de l’argent de trop et qu’il ne sait plus quoi faire avec, les avocats du CP qui surveillaient de très près les factures et les remboursements liés à la tragédie ne voient pas trop bien à quoi ça servirait de mettre de l’argent de plus dans la cagnotte. C’est en 2016, à l’époque du maire Jean-Guy Cloutier, que les élus méganticois ont choisi de se retirer d’une poursuite contre le CP. Explication fournie: la ville serait obligée d’engager des sommes considérables en frais d’experts sans avoir de garantie d’obtenir réparation.
Alors, le pot de 18 millions en a-t-elle vraiment besoin? Sans doute que la communauté, oui! Et ce serait équitable et juste qu’à défaut de transparence sur la gestion des sommes importantes que lui versent chaque année les contribuables, la Ville lui retourne une grande partie de ces millions pour soulager «tout le monde» de son fardeau.
La Ville devrait «oser» écouter les contribuables au lieu des groupes d’intérêt. Et les contribuables devraient être parties prenantes des décisions sur les «projets collectifs» futurs. Dans des débats publics, qui peuvent être suivis par le public. On devrait faire confiance aux payeurs de taxes et, dans ce cas ci très précisément, ne pas leur imposer la «vision» de gens qui disent savoir ce qui est bon pour eux.
Sinon, il faudra peut-être songer à la possibilité pour les contribuables d’embaucher des avocats pour les défendre contre la Ville et aux frais de la Ville!
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