Oscar Brochy

Une population prise en otage

Je n’ai jamais écrit dans l’opinion du lecteur de l’Echo de Frontenac mais les propos tenus par M. Christian Bourque dans le journal du 6 janvier m’ont fait réagir. Il affirme que les arguments contre la voie de contournement sont inventés et résume la situation à « pas dans ma cour », ce qui me semble une analyse très peu approfondie de sa part.

Mon conjoint et moi habitons à Frontenac, à environ 300 mètres du projet de voie de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic, et sommes situés à l’intérieur de la ligne rouge qui délimite la zone à hauts risques de dommages, selon l’étude hydrologique d’Englobe. Pourquoi avoir délimité une zone à haut risque si ces risques étaient «inventés» et inexistants?

Nous habitons à cet endroit depuis 33 ans. Auparavant, nous avons habité pendant 14 ans à Lac- Mégantic, dont quatre années à proximité de la voie ferrée. N’étant pas à l’aise avec le passage régulier du train, nous avons décidé de quitter Lac-Mégantic pour aller vivre à la campagne et profiter d’un grand espace de terrain. Nous avons pris depuis peu notre retraite et nos rêves de profiter pleinement de notre chez-soi ne sont plus notre réalité, ayant laissé place au stress et, depuis la présentation du rapport hydrologique en novembre dernier, à un grand désarroi.

Nous avons participé à toutes les consultations publiques depuis le début de ce projet et jamais nous n’avons senti d’écoute de la part des responsables de Transport Canada ni des représentants des gouvernements fédéral et provincial. Nous avons toujours été considérés comme les «indirectement impactés» et nous n’avons reçu aucun soutien ni empathie des instances gouvernementales, malgré nos demandes répétées de nous considérer comme les derniers touchés suite à la tragédie de 2013.

À la séance de janvier 2022, on avait tenté de nous rassurer en mentionnant que seuls les puits à moins de 200 mètres étaient potentiellement à risque. Mais nous avons été invités le 7 novembre dernier à une séance portes ouvertes pour les propriétaires de puits pouvant potentiellement être affectés par le projet. À notre grande surprise, nous faisions dorénavant partie des propriétaires considérés comme «directement impactés» avec haut risque de vivre des problématiques d’eau pendant et après les travaux. Nous avons compris que nous pourrions subir une diminution de notre quantité d’eau disponible suite aux activités de dénoyage ou carrément un assèchement de notre puits. L’étude mentionne également des risques de contamination chimiques et bactériologiques des eaux souterraines sans pouvoir nous apporter plus d’informations sur le sujet. Devra-t-on vivre dorénavant avec l’inquiétude de consommer notre eau en ne sachant pas si elle est contaminée ou pas et ce, pendant combien de temps?

L’étude mentionne également que des remontées d’eau se feront au-dessus du niveau du sol sans encore apporter aucune précision sur ce sujet. À la lecture des mesures d’atténuation pour les puits, nous ne pouvons que constater que ce ne sont pas des mesures d’atténuation pour éviter des risques mais que ce sont plutôt des mesures pour tenter d’apporter des correctifs à des dégâts probables. De plus, il n’est pas indiqué clairement le temps que ça pourra prendre pour que la nappe phréatique se soit stabilisée de façon naturelle. Est-ce que creuser un nouveau puit à quelques mètres d’une zone asséchée ou contaminée nous fournira une eau suffisante en quantité et qualité? Combien de temps Transport Canada nous soutiendra-t-il en lien avec la stabilisation ?

L’étude indique également qu’il y aura des tassements de terrain dus au dénoyage mais sans pouvoir préciser la hauteur de ces affaissements ni les zones précises qui seront impactées. Nous ne voyons aucune mesure d’atténuation relativement aux tassements de sols et ça nous apparaît très problématique puisque ce type de risques ne semble pas être couvert par les assureurs. Et c’est sans oublier le dynamitage. Qui nous dédommagera advenant des bris à nos bâtiments? Personne n’a pu nous rassurer que, pendant et après la construction, nous n’aurions pas de problème autant pour notre eau potable que pour nos bâtiments. Lors de la consultation, les réponses sont demeurées floues à savoir vers qui nous pourrions nous tourner advenant des dommages aux bâtisses. Il y a beaucoup d’incertitude dans cette étude, mais pourtant on continue à aller de l’avant avec le projet sans être capable de nous apporter des réponses adéquates et rassurantes.

Et c’est sans compter le bruit important et la quantité astronomique de camions qui circuleront à quelques centaines de mètres de notre résidence. Il a été estimé à environ 1 million de tonnes à excaver et évacuer à deux pas de notre milieu de vie. Actuellement, nous avons l’impression d`être pris au piège dans toute cette spirale négative et de ne plus trouver d’issue. Il est clair que tout ceci aura assurément un impact sur la valeur de notre résidence sans qu’aucun dédommagement ne nous soit accordé. Et, c’est aussi 66 hectares de milieux humides qui seront détruits et qui affecteront la qualité future de notre environnement.

Ce projet a une très forte connotation politique mais au fur et à mesure des études, il est clair qu’il comporte des failles importantes dont l’assèchement possible de puits, l’affaissement de terrains, le détournement de cours d’eau, la destruction de milieux humides, plus de virages que la voie actuelle et avant tout la contamination possible de la nappe phréatique à proximité de la rivière Chaudière. C’est pourquoi, nous considérons que c’est une erreur que de poursuivre actuellement ce projet de voie de contournement considérant le manque de données fiables et un rapport hydrologique incomplet sur les impacts à court et plus long terme.

Le passage à Lac-Mégantic, le 19 janvier dernier, du ministre des Transports, M. Alghabra, nous démontre son manque de discernement sur la qualité du projet et sur les risques encourus puisqu’il agit tel un «bulldozer» pour livrer coûte que coûte la promesse de 2018 de Justin Trudeau pour juillet prochain, sans aucune considération pour une population prise en otage. Comme résidents de Frontenac, nous ne sommes pas une sous-classe de citoyens et nous avons tout aussi le droit de vivre dans un environnement sécuritaire, ce qui n’est pas ce qui se dessine actuellement avec ce tracé de voie de contournement. Le 8 novembre dernier, à la séance publique d’information, nous avions devant nous un groupe d’ingénieurs, de techniciens et de chargés de projet que nous estimons comme des personnes compétentes et de bonne foi bien que nous ayons très bien senti qu’ils étaient liés par des décisions politiques et non par la qualité du projet. Sachez qu’ils ont été incapables de nous rassurer et que notre inquiétude demeure entière. 

Ginette Isabel
Citoyenne de Frontenac

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