Il y a encore beaucoup trop de Québécois, devrait-on plutôt dire de «sujets de la Province de Québec», qui ignorent que Charles III est devenu très officiellement le «roi du Canada», plusieurs jours avant son couronnement, qui se déroulera ce samedi 6 mai à l’abbaye de Westminster, à Londres, en même temps que le couronnement de son épouse Camilla Paker Bowles, en tant que roi et reine consort du Royaume-Uni et des autres royaumes du Commonwealth, Défenseur de la Foi. Par la grâce de Dieu! Sûrement!
Justin Trudeau y sera avec une délégation canadienne triée sur le volet et vêtue de leurs plus beaux apparats. Histoire de s’assurer que les hauts personnages venus de la lointaine colonie ne fassent pas honte à la Couronne.
Encore trop de gens croient que la monarchie n’est qu’une question de symboles hérités de la Conquête pour rappeler aux vaincus qui sont les vainqueurs. Symboles peut-être mais pas si anodins.
Je n’ai pu retenir un large sourire en lisant l’avis publié dans notre édition du 28 avril faisant part de l’audience publique du jeudi 4 mai à Frontenac portant sur les expropriations en vue de la construction prochaine d’une voie de contournement ferroviaire. Oyez oyez! «Dans l’affaire des avis d’intention de Sa Majesté du Chef du Canada d’exproprier certains droits immobiliers sur certains biens-fonds…» Bon, ce n’est rien de personnel contre Charles, le fils chéri d’Élizabeth, mais, n’ayant jamais de ma vie prêté serment de loyauté à la Couronne britannique, je ne vois pas trop bien qu’est-ce que je vais célébrer le 6 mai. Et encore moins qu’est-ce que Sa Majesté Chef du Canada vient faire sur nos terres qu’il a l’intention d’exproprier! Mon héros d’enfance c’est Robin des bois, pas le shérif de Nottingham.
Angus Reid a fait un coup de sonde récemment pour savoir de ce que les Canadiens pensaient de la monarchie. Agréable surprise, 60% des Canadiens s’opposent à la reconnaissance de Charles III comme roi, que ce soit sa reconnaissance comme Chef du Canada, le prononcé d’un serment d’allégeance ou l’affichage de son portrait sur la monnaie canadienne. Et plus agréable encore le fait que les deux tiers des Canadiens ne souhaitent pas non plus reconnaître son épouse, Camilla, comme reine consort.
Ça ne peut être plus clair, les Canadiens aimeraient mieux ne pas avoir de souverain. Les Québécois, eux, ne se sont sans doute jamais posé la question parce qu’il est clair qu’au Québec, on ne partage pas ce sentiment de loyauté à la Couronne britannique, à part les députés et ministres du gouvernement du Québec qui se sont pliés, par habitude plus que par conscience, au serment d’allégeance à la Couronne au moment d’entrer à l’Assemblée nationale. Tous, sauf les trois députés de la petite formation du Parti québécois. Et c’est tout à leur honneur!
Cours abrégé 101 de la monarchie constitutionnelle du Canada. Le monarque, notre souverain que vous le vouliez ou non, est Charles le digne (à vous de juger) héritier de la Reine Victoria, qui est devenu le chef d’État et dont les pouvoirs sont définis par la Constitution et les conventions constitutionnelles. Les responsabilités du monarque sont assumées par le gouverneur général, Mary Simon, présentée par Ottawa comme «une figure clé de la démocratie parlementaire canadienne.» Au Canada le chef d’État ne joue pas un rôle politique. Il est strictement non partisan.
Pourquoi l’avis d’intention d’exproprier les terrains pour la voie de contournement ferroviaire est annoncé au nom de Sa Majesté chef du Canada et non pas simplement par Services publics et Approvisionnement Canada? Est-ce juste pour montrer qu’il faut s’incliner? Depuis la tragédie, et plus récemment depuis l’annonce d’une voie de contournement, a-t-on déjà mentionné que Sa Majesté était dans le portrait ou du moins dans le processus? Bientôt 156 ans que la Confédération canadienne est établie.
Le Québec n’aurait pas besoin de rêver à son indépendance si les Canadiens parvenaient à se libérer de la monarchie et à se donner un pays souverain.
{text}