Raymond Savoie et Rita Boulanger, devant leur résidence sur la rue Wolfe. (Photo Rémi Tremblay)
En septembre dernier, plus d’un mois après en avoir officiellement pris possession, Services publics et Approvisionnement Canada a accordé à Raymond Savoie la permission d’occuper la résidence du 7322, rue Wolfe, à Lac-Mégantic jusqu’au 30 novembre 2023. Mais dès le lendemain, 1er décembre, tous les biens meubles sur les terrains «seront présumés avoir été abandonnés et le gouvernement du Canada pourra s’en départir», avisait le Ministère par courrier recommandé. Pas question, s’entête l’occupant qui refuse de quitter les lieux avec la ferme intention d’y passer l’hiver.
Président de la Coopérative de vie communautaire La Chaîne, propriétaire légal des terrains expropriés par le gouvernement du Canada dans le cadre du projet de construction de la future voie de contournement ferroviaire, Raymond Savoie a cru utile d’engager un avocat, en raison d’un litige avec les autres membres de la coopérative, plus enclins que leur président à accepter la compensation offerte par Services publics et Approvisionnements Canada qui avoisinerait les 800 000$, un montant qu’il confirme.
Selon les plans du futur tronçon ferroviaire, un pont sur la rivière Chaudière doit être construit depuis les terrains industriels de la rue Villeneuve jusqu’à surmonter la rue Wolfe, avant de retoucher le sol sur des milieux humides, remonter la colline vers les terres de la famille Boulanger, puis passer dans un tunnel à creuser sous la route 204, dans la municipalité de Frontenac.
Une dépossession sous pression, considère Raymond Savoie qui vit dans la maison plus que centenaire, dont le terrain arrière borde la rivière Chaudière et s’étend de l’autre côté de la rue Wolfe, vers des terrains où broutent ses vaches. Il y a bien une vieille grange que le propriétaire des lieux comptait renforcer, mais vu son état précaire et le refus du gouvernement qu’il y exécute des travaux, le bétail est confiné sous un abri de toile rudimentaire.
l y a cinq ans, en 2018, au cours des discussions engagés avec le fédéral, le déménagement de la maison sur un autre terrain figurait parmi les options envisagées. «Sinon, ils parlaient de nous construire une nouvelle maison et une nouvelle grange.» Un tel scénario a finalement été abandonné en raison des difficultés techniques qu’entraînait la manœuvre pour cette structure façonnée en blocs de ciment.
Depuis le dépôt des plans du tracé, en 2015, Raymond Savoie et sa compagne Rita Boulanger vivent sur du temps emprunté. «Huit ans qu’on n’a pas le droit de changer rien dans la maison», se désolent-ils. Et huit ans de tractations et désaccords avec les autres membres de la Coopérative, de sorte que les liens familiaux se sont brisés. «Y’a perdu sa famille», lance Rita Boulanger, visant son compagnon de presque 30 ans de vie qu’elle épaule dans le combat qu’il mène face aux fonctionnaires fédéraux. «On est en état de choc, un peu pareil. On est tannés de faire rire de nous autres de même. On n’a pu de force!»
«Qu’est-ce qu’on va faire de nos vaches?», enchaîne M. Savoie. Ce dernier regrette le départ de Luc-Alexandre Chayer, qui était le porteur du dossier pour Transports Canada. «M. Chayer venait chez nous, on avait des discussions ensemble. En 2018, il disait qu’il allait nous louer une maison, qu’il nous aiderait à déménager.» Le couple n’ayant pas Internet à la maison, les négociations avec le fédéral après le départ du fonctionnaire se sont surtout menées directement avec la secrétaire-trésorière de la Coopérative de vie communautaire La Chaîne, qui réside à l’extérieur de la région. Quant à l’occupant, il a dû se résigner à se trouver un avocat pour la suite des choses.
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