Le maire de Nantes, Daniel Gendron, avoue ne pas être vraiment surpris que la Ville de Lac-Mégantic, sa voisine, réclame que les 19 M$ du fonds communautaire soient uniquement versés pour des projets significatifs dans ses propres limites territoriales. «Parce que, aussitôt qu’on veut faire du développement, ils (la Ville) ont toujours quelque chose pour nous barrer les roues. On a des projets nous autres aussi!»
Daniel Gendron n’a pas l’habitude de mâcher ses mots. Quand il siège à la table des maires de la MRC du Granit, il dit avoir le développement régional à cœur, en tenant compte de la capacité de ses concitoyens. «On avait une entente au dernier conseil des maires qu’on ne se cannibaliserait pas entre nous autres. C’est pas ce qui se passe!»
En entrevue à l’Écho, il laisse aller sa déception. «Ce qui me choque le plus là-dedans, c’est que la Ville veut avoir les 19 M$ en compensations, alors que c’est nous autres et la municipalité de Frontenac qui vont vivre la tragédie dans les prochaines années, avec la voie de contournement ferroviaire qui va passer chez nous. L’acceptabilité sociale, peut-être que ça passerait mieux si on disait: à Nantes, on va vous donner 4 millions $, pis faites des projets structurants. Pour la communauté de Frontenac, vous avez à peu près la même population, on va vous en donner 5 M$ et Lac-Mégantic ramassera 10 M$.»
Ce qui explique la montée du maire de Nantes aux barricades, c’est que, d’un côté, les valeurs foncières subissent une inflation de près de 30% sur le rôle triennal actuel de la MRC et que, dès l’an prochain, «ça va être être encore entre 30 et 35%. Nous on va perdre des taxes pendant des dizaines, des dizaines, voire des centaines d’années, pis on a aucune compensation. Il y a des terrains qui avaient un potentiel d’avoir des maisons, et on les aura pas parce que le train va passer à 100 pieds. Pis on n’a pas une cenne. C’est nous qui présentement vivons la catastrophe et on s’est même pas fait offrir 1$.»
Et de l’autre, les besoins en infrastructures municipales et les projets d’investissement ne manquent pas. «J’ai un hôtel de ville, ça coûte 750 000$ juste pour la mettre aux normes. Mon hôtel de ville s’enfonce dans la terre, il faut que je la change. J’ai pas d’argent. Et en même temps, j’ai de la place à Laval-Nord. Y’a des promoteurs qui sont venus nous voir pour faire des blocs appartements de 24 logements pour des salaires moyens, parce qu’ils se sont faits refuser à la Ville de Lac-Mégantic. Ils sont venus nous voir, mais on est barré parce qu’on a un débit limité à l’usine d’épuration (des eaux). Le promoteur ne peut pas dépenser son argent où il le veut, parce qu’il faut que ça reste dans la ville de Lac-Mégantic. Pis après, on nous demande de dépenser 170 000$ pour le centre sportif pis d’encourager l’économie locale. Et à toutes les fois qu’on veut faire de quoi, on se fait barrer les pieds!»
À deux reprises, depuis le remaniement du cabinet Trudeau à Ottawa, le maire a eu un entretien téléphonique avec le nouveau ministre responsable de Services publics et Approvisionnement Canada, Jean-Yves Duclos. Le premier, le 22 septembre dernier lors de la visite du président de l’Ukraine Volodymyr Zelenski à Ottawa, à laquelle il assistait en compagnie du député fédéral Luc Berthold, et le second vendredi dernier, le 1er novembre, pour lui soumettre le problème de sa municipalité. «Il a dit, c’est vrai, vous avez raison, vous nous soumettez un problème, vous nous soumettez des solutions et on va regarder ça. Je rencontre M. (Pablo) Rodriguez (le ministre fédéral des Transports) demain (samedi), et on va en jaser ensemble. Parce que c’est vrai que Nantes est injustement traité là-dedans.»
Est-ce que Daniel Gendron sent une oreille plus attentive du fédéral? «Je dirais que oui, depuis que M. Duclos est là à SPAC. Mais le problème, ce sont des programmes qui financent les projets à 60%. Si je me bâtis un hôtel de ville qui coûte 1,5 million$, je vais devoir payer 40%, mais je ne l’ai pas. J’ai 1470 de population. Si je veux être capable de le payer, il faut que je fasse passer la taxe de 1,02$ à 1,10$. (…) Demandez-moi donc si ça m’intéresse de l’avoir la track chez nous asteure?»
Les municipalités sont entrées dans l’exercice des prévisions budgétaires pour 2024 et cela inquiète le maire Gendron, conscient qu’avec le départ de Courcelles, les 19 autres municipalités devront ajuster leurs efforts financiers.«Moi, je l’ai dit au dernier conseil des maires, mes citoyens ont atteint la marge maximale pour payer!»
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