Oscar Brochu

Deux mères endeuillées brisent le silence

Deux mères endeuillées brisent le silence - Rémi Tremblay : Actualités

Linda Gendreau, Jacynthe Mercier, Dre Micheline Rochon, Carmen Lapointe Fillion, Isabelle Leriche, Sabrina Lambert, René-Paul Lacombe ainsi que Vicky Orichefsky.

Le Québec conserve le taux de suicide le plus élevé des provinces canadiennes. À chaque année, des drames par centaines. Chaque femme, chaque homme qui décide de partir emporte avec soi une part de mystère, laissant derrière des familles en deuil qui chercheront toute leur vie à comprendre le pourquoi du comment. «Comment se fait-il que les Québécois vivent une telle souffrance ou lâchent subitement la vie de façon apparemment impulsive? Sommes-nous tous atteints d’une maladie mentale collective?», questionne la directrice de L’Ensoleillée, Linda Gendreau, à l’approche de la 20e Semaine nationale de prévention du suicide, qui se tient du 31 janvier au 6 février. La question est posée: «Y avez-vous déjà pensé?»

«De 70 à 80 pourcent des gens qui se suicident connaissent des problèmes de santé mentale», relève Dre Micheline Rochon, omnipraticienne responsable de l’équipe de santé mentale au Centre de santé et de services sociaux (CSSS) du Granit. Et il arrive souvent que la décision de passer à l’acte se prenne en moins de vingt-quatre heures.

«Cette année, annonce le président de L’Ensoleillée, René-Paul Lacombe, deux mères acceptent de parler publiquement de leur expérience; deux expériences différentes.»

D’abord, celle qui a accepté le rôle de porte-parole de la Semaine pour la MRC du Granit, Carmen Lapointe Fillion. Presque dix ans après le décès de sa fille Marie-Christine, survenu le 24 juillet 2000, elle n’a toujours pas trouvé la réponse à ses questions. «Je n’ai eu aucun signe avant-coureur. Je n’ai absolument rien vu chez elle. Quelques jours avant, elle me disait: je sens que je vais aller loin dans la vie.» Une vie interrompue dans l’appartement qu’elle occupait au-dessus du salon de coiffure où elle apprenait les rudiments du métier exercé par son père.

Et l’autre mère, Jacynthe Mercier, qui a tenu à témoigner d’un deuil plus récent, celui de sa fille Isabelle, plus largement médiatisé du fait qu’Isabelle Fortier, de son nom de plume Nelly Arcan, venait de terminer un quatrième roman, Paradis clef en main, traitant du désir de la mort. À 36 ans, Isabelle Fortier avait, à défaut du bonheur de vivre, toute une carrière littéraire prometteuse devant elle.

Deux jeunes femmes différentes, deux détresses. Entre les deux gestes, un intervalle de neuf ans pendant lequel, chaque année, la ressource en santé mentale L’Ensoleillée, d’une part, et l’équipe du CSSS du Granit, d’autre part ont cheminé sur le chemin d’une plus grande compréhension, les intervenantes sur le terrain avouant encore aujourd’hui n’avoir pas toutes les réponses.

Au moment des funérailles de sa fille, Jacynthe Mercier a suggéré que l’on compense l’envoi de fleurs par des dons à L’Ensoleillée. «Il faut pouvoir donner plus de soins aux gens qui en ont besoin; ça peut régler beaucoup de suicides. Et qui dit plus de services, dit plus d’argent!» Les personnes qui fréquentent la ressource en santé mentale ont été touchés par le geste. «Dans l’épreuve, la famille avait pensé à eux. Des personnes de notre région, ceux et celles qui continuent de lutter contre le suicide et qui ont besoin de soutien. Touchées aussi par la reconnaissance de leur organisme communautaire qui contribue à ce soutien», explique Linda Gendreau.

«La santé mentale est le petit parent pauvre de la médecine», déplore Dre Rochon. «Il n’y a pas seulement les médicaments pour soigner, il y a aussi la thérapie.»

Des lendemains difficiles attendent les proches qui survivent à un suicide. «Ça prend trois générations à s’en sortir», intervient Dre Rochon, au milieu d’une conférence de presse aux bureaux de L’Ensoleillée, rue Dollard, une rencontre qui revêt plutôt les allures d’une réflexion collective sur le suicide, où tout un chacun est appelé à y mettre son grain de sel.
Parmi les objectifs de la Semaine nationale de prévention du suicide, sensibiliser la population à l’importance d’être vigilant et attentif aux indices de détresse et surtout encourager les personnes suicidaires à demander de l’aide. Un lien direct, la ligne 1 866 APPELLE.

Intervenante communautaire à L’Ensoleillée, Sabrina Lambert propose des ateliers d’information et de démystification de la santé mentale offerts par son organisme. «Cette année, trois cercles de Fermières, la Maison des jeunes et les pairs aidants de la polyvalente Montignac recevront cet atelier», précise-t-elle.

Au centre hospitalier, un kiosque d’information s’installera à la cafétéria de l’établissement. La directrice des programmes de services à la jeunesse et aux adultes, au CSSS du Granit, Vicky Orichefsky, insiste sur les trois mots qu’elle considère relativement importants dans la prévention du suicide : parler, écouter et agir. «Il est parfois difficile de recevoir les confidences d’une personne suicidaire, car ce n’est pas un sujet facile à aborder. Il est important de retenir que nous ne devons pas rester seuls avec un secret aussi lourd que la révélation d’idées suicidaires de nos proches. Il faut aller chercher de l’aide professionnelle.»

«Il n’est pas question de trahir la confidence de quelqu’un. La référence à un professionnel démontre surtout qu’on se soucie de nos proches parce qu’on les aime», soutient Isabelle Leriche, travailleuse sociale au CSSS du Granit. Son message à ceux qui hésitent à trahir la confidence reçue d’une personne en détresse: «Est-ce que vous aimez mieux qu’elle soit fâchée ou morte?»

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