Cégep Beauce Appalaches

Plus jamais!

Plus jamais de convoi de la mort au centre-ville. Plus jamais pareil chemin de croix. Peu importe les promesses qu’on nous fera, les mesures de sécurité qu’on instaurera, les lois qu’on modifiera et les règles qu’on imposera : le rapport de confiance est brisé et irréparable. Le ministre Paradis, sur les rails mêmes de l’enfer, annonce soixante millions, comme Québec. On dirait une autre joute politique, une séance de tir au poignet. Que l’on offre 25 millions pour réparer l’incurie de l’administration fédérale, 35 millions pour soutenir l’économie locale, c’est la moindre des choses, mais qu’en est-il de l’essentiel? Que fera-t-on pour éviter que le drame ne se reproduise? La déplacera-t-on cette voie ferrée maudite? Nous ne voulons surtout pas nous retrouver dans la situation où nous étions. Faudra-t-il, comme dans un mauvais western, que nous allions nous étendre sur les rails?

Le centre-ville de Lac-Mégantic est et sera toujours au pied d’une pente raide pour une voie ferrée, pente qui se termine par un double virage, véritable chicane où le convoi, contraint au slalom, défie la gravité et ce, peu importe qu’il vienne de Montréal ou de Bangor. Du pétrole d’un côté, un quelconque poison de l’autre dont nous ne savons rien. Lac-Mégantic est au fond de la vallée. Si le désastre était arrivé par le sud, le quartier de Fatima serait disparu et la rivière Chaudière jusqu’à Québec serait un vaste égout.

La catastrophe qui ne devait jamais survenir parce qu’elle dépendait d’une cascade d’erreurs et d’événements tous aussi improbables les uns que les autres est malgré tout arrivée : le feu dans la locomotive, la longue attente sur la voie principale, parallèle à la voie d’évitement où se trouvait le dérailleur de sécurité, les freins hydrauliques inopérants, les freins mécaniques mal serrés ou oubliés, l’abandon de la locomotive par le conducteur, un chemin de fer non conçu pour le transport de matières dangereuses et les convois démesurés actuels, des règlements ayant 18 ans de retard, un ministère des transport qui dort au gaz et des gouvernements successifs bien plus préoccupés de leur image que de la sécurité de leurs citoyens. Peu importe que les statistiques soient désormais à notre avantage; elles l’étaient le six juillet, et on a vu le résultat. Plus jamais!

Pourquoi est-on prêt à payer le prix faramineux de la catastrophe et non pas celui de la sécurité même la plus élémentaire? On est prêt à payer les maisons incendiées et leur contenu (meubles, vêtements, accessoires électriques et électroniques…), les commerces incendiés, leur inventaire, les maisons et commerces souillés, la destruction des maisons épargnées dont le sol est pollué, la relocalisation temporaire de centaines de gens, la relocalisation temporaire de nombreux commerces (deux ou trois ans, peut-être plus), l’achat des terrains contaminés parce que le citoyen n’a pas les moyens d’en assumer la décontamination, prêts à payer aussi toutes les allocations de subsistances des uns et des autres, l’indemnisation des victimes, la perte de revenu des citoyens et commerces évacués, la perte de revenu de la municipalité (taxes foncières et taxes d’affaires…), la dévaluation des habitations sises près des voies ferrées à Lac-Mégantic et ailleurs au Québec, le coût des heures supplémentaires et de l’équipement à remplacer, les infrastructures d’aqueduc et d’égout, la chaussée, les trottoirs, le réseau souterrain et aérien de communication, les perte d’emplois des commerces qui ne se relèveront pas sans compter les commerces qui, malheureusement, s’installeront en périphérie (trou de beigne prévisible), l’équilibre budgétaire d’une ville « surendettée », les mesures d’urgence (policiers, pompiers, secouristes, travailleurs sociaux et psychologues…), le recours à toutes sortes de spécialistes sans oublier les avocats qui ne tarderont pas à débarquer, la longue décontamination du lac, de la rivière et du sol, en souhaitant que la nappe phréatique ait été épargnée, l’avenir touristique hypothéqué, les entreprises d’excavation et de nettoyage, les frais funéraires, l’augmentation prévisible des polices d’assurances et quantité d’autres dommages collatéraux qui déjà s’accumulent et qui en finiront plus de finir.

Ajoutez au coût monétaire les vies perdues, les vies chamboulées, les souffrances incommensurables, une ville défigurée, brûlée au napalm d’une négligence criminelle, un patrimoine bâti et immatériel perdu à jamais, les photos et souvenirs envolés en fumée, l’angoisse installée à demeure et une qualité de vie à jamais évanouie. On a arraché le cœur d’une ville et placé sa population sous le respirateur artificiel d’un pouvoir politique qui aurait dû être là pour lui éviter le pire.

Au lendemain du déraillement dévastateur, personne ne voulait revoir de convoi au centre-ville; aujourd’hui, on travaille à le remettre sur les rails pour sauver ce qui reste de notre économie. L’idée est louable, mais une fois la locomotive lancée, qu’adviendra-t-il de notre pouvoir de négociation? Petit à petit, nous retrouverons-nous dans la même situation qu’avant? Dans notre empressement, aurons-nous saboté notre chance de régler le problème à Lac-Mégantic et ailleurs dans la province?

La meilleure façon de remercier les Québecois de leur générosité, ce serait de réussir à détourner le train afin de leur redonner l’espoir de changer les choses. Il est vrai que nos industries ont besoin d’une desserte ferroviaire parce que leur survie en dépend. En attendant que les convois contournent la ville, que les responsables (MMA et le gouvernement fédéral) paient la différence entre le transport des marchandises par camion et celui par train. Ce ne serait que justice.

Nous avons été trop longtemps raisonnables et patients avec MMA, le retour du train à tout prix met en péril non seulement des vies et l’économie locale comme on le constate, mais aussi notre santé. Serons-nous, à nouveau, forcés de récrire la chronique d’une mort annoncée? Comment parviendrons-nous à dissocier le sifflement de la locomotive du glas funeste? Si le drame méganticois n’est pas un argument en soi, l’espoir n’est plus permis.

L’administration municipale a fait un travail remarquable. Joignons nos efforts aux leurs, appuyons leur volonté d’obtenir un nouveau tracé, disons haut et fort et en nombre qu’il n’est plus question de laisser passer un convoi de la mort au centre-ville. Sans compter qu’il y a aussi cette possibilité qu’un camion-citerne percute des wagons et les fasse débouler, encore une fois, dans la rue Frontenac. Si nous sommes des milliers à l’exiger et si nous sommes déterminés, peut-être vaincrons-nous la léthargie de Transport Canada et du gouvernement fédéral. La voie ferrée longeant la 161 ou le plus loin possible des zones habitées serait la solution entre le risque que représentent un convoi explosif et l’abandon impensable de l’usage du train. On nous répète qu’il est encore le moyen de transport le plus sécuritaire pour véhiculer les matières dangereuses. C’est sans doute vrai, mais quand les lois et règlements sont adaptés à la réalité, quand on peut compter sur la vigilance du ministère des transports, quand la voie est bien entretenue, quand les entreprises ferroviaires sont responsables, quand le nombre de wagons est limité, quand il y a un conducteur à bord. On l’a déjà vu, pour une marge de profit, certains ont l’habitude de sacrifier les emplois et même de risquer des vies sans le moindre pincement au cœur.
Paul Dostie

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