Ville bulldozeur!

Vendredi 21 février. À l’aube, début des opérations de déplacement de l’ancien presbytère de Fatima. Quelques centaines de mètres à rouler pour sortir le bâtiment de la zone commerciale et l’installer sur la rue Joliette où des fondations ont été coulées. On s’y prépare depuis déjà plusieurs jours. Les résidences voisines sont déjà placardées. Des allures de village fantôme! Ces maisons comme tant d’autres dans le périmètre qui se prolonge jusqu’au viaduc tomberont sous le pic des démolisseurs. Place au futur centre-ville!

L’heure n’est pas aux réjouissances dans ce quartier, même si les grands boss de Metro ont finalement annoncé ce mercredi le début du chantier. D’abord la démolition de l’église, puis, on saura mieux prévoir la date d’ouverture du supermarché. Pas le cœur à la fête pour autant pour la plupart des résidants qui ont entendu entre les branches que Chez Sherlyne, le seul restaurant de la rue Salaberry, donc, de ce côté-là de la rivière qu’ils n’ont pas le droit de franchir, va lui aussi disparaître! Et peut-être aussi le dépanneur voisin. Les propriétaires sont sur le qui-vive. Le stress se propage comme une épidémie. Comme si le tsunami d’émotions de l’été passé n’avait pas suffi, on stresse pour l’arrivée d’une nouvelle vague déferlante poussée cette fois par les bulldozeurs qui n’attendaient que le signal pour tracer le chemin d’une vision d’avenir dessinée sur papier par des fonctionnaires.

«Quand est-ce qu’on va être payé? Quand est-ce qu’il faut partir? Qu’est-ce qu’on amène et qu’est-ce qu’on abandonne?» C’est ça qu’ils veulent savoir, les proprios et leurs locataires. Les réponses sont tout sauf claires.

Dans l’autre moitié de la ville balafrée, l’église Ste-Agnès vogue dans l’allégresse. Sonnez trompettes, l’archidiocèse en fait un lieu de pèlerinage. Les administrateurs ont même prévu l’embauche d’un guide qui recevra les milliers de visiteurs attendus. Quelque part entre les deux clochers, celui qui reste et celui qui tombe, dans les condos commerciaux du «nouveau centre-ville» la déprime s’installe. Certains futurs locataires n’en peuvent plus de voir repousser les dates d’échéance de mois en mois.

La Ville leur livrait les bâtiments sur un plateau d’argent. Pour relancer rapidement l’économie! Mi-novembre, puis mi-décembre, puis janvier, puis février, puis mars, puis avril, puis mai. Les commerçants s’arrachent les cheveux, les fournisseurs aussi. Commande, décommande! On livre ou on livre pas? On meuble avec du chic ou avec du cheap? La plupart auront perdu toute une année quand ils pourront à nouveau accueillir leurs clients.

Pas facile non plus la vie de couple chez les marchands. L’une remontait le moral de l’autre; maintenant c’est l’autre qui s’attèle à remonter le moral de l’une. Ce groupe de commerçants qui dynamiseront le nouveau secteur commercial est de plus en plus soudé. On se serre les coudes. Solidarité! Compassion! Lundi, une rencontre hebdomadaire de commerçants au restaurant Le Château, où le nouveau proprio, le chef du Renato, attend lui aussi d’aménager dans les nouveaux condos. L’atmosphère autour de la table est loin d’être festive. Épuisée comme les autres, à force de voir tous ses efforts toujours menacés par de nouveaux reports de délais, des détails qui accrochent, de nouveaux problèmes qui surgissent sans avertissement dans son parcours de combattante, Denise éponge ses sanglots dans les rugueuses serviettes de table. Parfois, elle n’en peut plus. Ce sont ses futurs voisins de paliers qui la réconfortent. Des infos livrées à la dernière minute quand l’horizon commençait à s’éclaircir la ramènent soudain presque à la case départ. Pour l’aménagement intérieur de son condo, un designer a fourni de beaux plans, mais voilà, ceux qui doivent délier les cordons de la bourse viennent tout juste de lui dire qu’ils vont payer les matériaux les plus économiques. Lire les plus cheaps. Un comptoir de granit? Oublie ça. De la mélamine ! Le designer en déchirerait sa chemise! Denis, celui qui a regroupé jusqu’à une quarantaine de participants autour de sa cellule de travail et de réflexion depuis le mois d’octobre, a des sautes d’humeur. «On nous a crissé dans ces locaux-là et ils ne veulent plus nous parler ! «Ils», c’est la Ville, la mairesse, le directeur général. Depuis le 6 janvier qu’il réclame à hauts cris une rencontre avec les autorités, rien n’y fait! La liaison est coupée. Il n’y a pas d’abonné au numéro que vous avez composé, mon cher monsieur! «Ce qu’on veut, c’est s’asseoir avec la Ville. Un moment donné, t’as plus aucune énergie!»

Les proprios du Nettoyeur Moderne, rue Frontenac, s’accrochent. Bernard et Louise se sont installés temporairement au sous-sol de leur résidence, rue La Fontaine. Ils avaient été approchés pour aller dans les condos, mais, pas moyen de faire entrer les grosses pièces d’équipements. «Indiquez-nous un terrain le long de la Chaudière, près du pont», ont-ils demandé aux autorités de la Ville. Pas question. Leur business n’est pas assez «attractive» pour… les touristes! C’est pas l’image qu’on veut. Cherchez sur la rue Laval. Débrouillez-vous !

«On a tous la mèche courte», manifeste Linda Lacasse. Et les mèches, pourtant, elle connaît ça, la copropriétaire de Design Coiffure. Le commerce sera possiblement ouvert en mai. «On est entrain de finaliser les plans.»

De toute évidence, les commerces dans les condos vont ouvrir en «graines de chapelets», constate Denis. Entre avril et août, peut-être plus. Et les commerçants auront encore à se battre pour que les choses avancent.

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