Monsieur l’ambassadeur

Le projet me trottait dans la tête depuis plus d’un mois. En fait, depuis ce fameux jour où le barbare de Russie a sauté les plombs et lancé ses cosaques sur le sentier de la guerre. Je salue ici le monde municipal qui a offert d’accueillir les réfugiés ukrainiens, ceux qui fuient les bombes et les massacres orchestrés par le barbare. Ma contribution à la paix sera plus modeste.

J’ai pris mon courage d’une main et mon écriture du dimanche dans l’autre pour adresser un message d’espoir au peuple… russe!

Comme ma lettre devait à tout prix être accompagnée d’un livre important, j’ai dû me procurer une grosse enveloppe au bureau de Postes Canada. Je souris juste à l’idée des précautions qu’ils ont dû prendre au Service canadien du renseignement de sécurité lorsqu’ils ont intercepté le colis avant qu’il ne soit livré à son destinataire, l’Ambassade de la Fédération de Russie au 52 Range Road à Ottawa, ON, K1N 8J5.

Je leur ai retourné, après une lecture assidue, plutôt deux fois qu’une, un livre que m’avait expédié l’Ambassade de l’Union des Républiques soviétiques socialistes (U.R.S.S.) en… 1966, alors que j’étais étudiant au collège! Le courrier avait fait grand bruit à l’époque. La Gendarmerie royale du Canada (c’était avant le SCRS) s’était inquiétée des tendances communistes de ce ti-cul de 14 ans qui avait choisi l’URSS comme sujet de devoir. Les «agents secrets» qui avaient intercepté «mon» courrier avaient causé une bonne frousse en appelant mon directeur des études, qui s’était porté garant de son étudiant beaucoup trop curieux, certes, mais totalement inoffensif. «Le XXIIIe Congrès du P.C.U.S (Parti communiste de l’Union soviétique) – 1966» publié aux Éditions de l’agence de presse Novosti est un volumineux rapport du Comité central du P.C.U.S. présenté par son premier secrétaire, Léonid Brejnev. Un homme au visage dur, sans expression, mais qui lui, au moins, méritait le respect.

Dans les toutes premières pages, il y avait cette phrase qu’on pourrait aujourd’hui remettre sous le nez du barbare si on pouvait l’approcher: «Aucun homme politique sérieux, sans parler des peuples, ne croit plus à la légende du danger d’une agression soviétique.» C’était un peu ce ton que je donnais à mon message. Pour qu’il retrouve sa grandeur, le peuple de Russie doit mettre au pas son petit empereur et sa garde rapprochée d’oligarques milliardaires.

Au siècle dernier, quand on collait aux murs de notre chambre d’ados le poster du Che ou l’étoile rouge, il y avait un sens à notre quête d’une plus grande justice, d’une plus profonde mise en commun des richesses extraites de notre sol et de notre sous-sol. Et je me suis dit qu’en Russie, les vieux d’aujourd’hui qui sont les jeunes d’hier, doivent trouver pour le moins déroutante cette démonstration (peu convaincante) de la puissance militaire du barbare et qu’elle est bien périlleuse cette mission confiée à leurs enfants et à leurs petits-enfants d’aller tuer un peuple frère.

Voilà ce que j’ai écrit à Oleg V. Stepanov. «J’ai 69 ans aujourd’hui et j’observe avec nostalgie tout ce temps qui s’est écoulé depuis mes illusions d’adolescent d’un monde meilleur qui nous était destiné, nous les baby-boomers de la planète. J’ai nourri mon adolescence des œuvres de Dostoïevski, Pasternak, tout en écoutant les pièces de la musique classique, dont Tchaïkosky qui avait le pouvoir suprême d’atteindre l’âme. Ces années-là, nous n’avions conscience que de nous-mêmes, mais à la fois curieux de ce que vivaient ailleurs les jeunes de notre âge.

Nous ne portions pas en nous le poids des erreurs de nos leaders politiques, trop occupés que nous étions à partager, de la génération qui nous a précédés à celle qui nous suit, les valeurs héritées de nos ancêtres.

Par votre entremise, j’adresse aux aînés de Russie un message d’espoir que nous trouvions un jour un réel équilibre entre la démocratie et le dogmatisme de celles et ceux censés nous représenter à la table des nations. Cette quête sans repos devrait nous unir, alors que tout concourt à nous diviser. Nous gardons espoir que cette guerre fratricide contre le peuple ukrainien se termine. Le rêve de la Grande Russie se désagrège à mesure que le pouvoir militaire piétine les champs de cadavres civils et de ruines dans le pays voisin du vôtre.

Monsieur l’ambassadeur, je trouve sage l’hésitation du gouvernement canadien à expulser les diplomates de la Fédération de Russie de son territoire, alors que plus que jamais le dialogue s’impose de préférence aux armes.»

Bon, j’ai indiqué sur l’envoi mon adresse de retour. Peut-être que l’ambassadeur Oleg Stepanov va me faire parvenir un amical accusé de réception. Je suis un illustre inconnu, donc, pas de risque de me retrouver sur la liste noire du Kremlin, comme l’est mon député Luc Berthold. Au pire, ma missive va se retrouver dans l’incinérateur de l’ambassade sans jamais avoir été ouverte.

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