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Un rappel nécessaire des faits sur le Clan Nolkia et les «pretendians»
Le 25 mars 2024, l’Écho publiait l’article « Pour la reconnaissance des Métis au Québec ». L’article repose sur les déclarations de Suzie Lacasse et de son conjoint Pierre Boulanger. Plusieurs des éléments présents dans ces déclarations omettent des informations essentielles pour comprendre les enjeux autochtones et d’autres affirmations sont même carrément fausses.
Expliquons tout d’abord qu’il ne faut pas confondre la notion d’identité « Métis » avec le métissage.
Les «Métis» sont des peuples émanant de l’Ouest canadien et du sud de l’Ontario, à la frontière du Michigan. En 1982, le gouvernement canadien adopte une nouvelle Charte qui viendra se greffer aux divers textes constitutifs de la Constitution canadienne. À l’article 35 de cette nouvelle Charte canadienne, on peut y lire la reconnaissance des droits ancestraux de trois peuples: les Premières Nations, les Inuits et les «Métis». Ces trois peuples peuvent être qualifiés sous la vocable commune « d’autochtones ».
Les Métis émanent ainsi de l’influence culturelle européenne et de sa rencontre avec les divers peuples autochtones de l’Ouest canadien (essentiellement composés des différentes peuplades des Nations Anishinaabe et Eeyou) et par ricochet du « métissage » des commerçants européens (notamment de fourrure) avec ces personnes d’ascendances autochtones. À travers ce métissage, cette rencontre des cultures et des langues et surtout ses défis culturels, économiques et politiques, les Métis représentent des peuples à part entière avec une histoire, des cultures et des langues communes qui ont évolué et survécus dans le temps depuis le 19e siècle jusqu’à aujourd’hui.
Disposant désormais d’une constitution nationale reconnaissant leurs droits ancestraux depuis 1982, les Métis se sont constitués dans une organisation nationale, le « Ralliement national des Métis » qui reconnaît cinq regroupements Métis: (1) la Fédération des Métis du Manitoba, (2) la Nation métisse de la Saskatchewan, (3) la Nation métisse de l’Alberta, (4) le conseil provincial métis de Colombie-Britannique et (5) la Nation métisse de l’Ontario. Notons d’ailleurs que David Chartrand, président de la Fédération des Métis du Manitoba, tout comme une grande partie des Métis de l’Alberta remettent en question la légitimité des Métis de l’Ontario.
Les Métis du Manitoba et de l’Alberta et une partie de ceux de la Saskatchewan sont issus de l’exode principal ayant créé la nation Métis originale et ayant développé des mœurs et coutumes communes ainsi qu’un dialecte particulier, clairement défini. Il n’y a toujours pas de consensus quant à ceux qui proviendraient de la Colombie-Britannique, de l’Ontario, ainsi que ceux du Québec et des provinces maritimes. Ces derniers ne sont pas reconnus par les Métis du Manitoba et de l’Alberta et une partie de ceux de la Saskatchewan.
Le « métissage » quant à lui constitue simplement le croisement de différents groupes ethniques, dont le mélange émane essentiellement de l’union féconde d’individus disposant d’origines ethniques différentes. Qu’arrive-t-il avec l’enfant ainsi né de cette union se retrouvant devant le dilemme du métissage: adopte-t-il la culture du père ou de la mère?
L’histoire nous montre, qu’en réalité, il est rare que l’enfant né du métissage s’en tienne à une seule culture, et qu’à divers degrés, l’une et l’autre culture des parents seront appelées à influencer l’enfant. Dans nos sociétés contemporaines, les spécialistes des sciences sociales qualifient alors les gens métissés comme bénéficiant « d’identités multiples ». Ces dernières constitueront des hiérarchies suivant les expériences personnelles, les choix et l’environnement social des individus. Ainsi, une personne pourrait être « un québécois d’origine italienne » ou un « italien habitant fièrement le Québec ». Dans le premier cas, on comprend que l’identité québécoise est supérieure dans la hiérarchie identitaire à l’identité italienne. Dans le second cas, c’est l’inverse et conséquemment l’identité italienne apparaît plus forte que l’identité québécoise. Mais dans un cas comme dans l’autre, l’attachement à l’une ou l’autre nationalité est présent.
Ces explications sont importantes pour recadrer les déclarations de Suzie Lacasse et de son conjoint Pierre Boulanger. Mentionnons tout d’abord que dans l’article, ceux-ci dénoncent plusieurs choses, notamment qu’une « loi datant de 1857 stipulait que tout Indien de sexe masculin âgé d’au moins 21 ans, parlant français ou anglais, perdait son statut d’Indien s’il vivait en-dehors de la réserve ou s’il se soumettait aux mêmes lois que les autres Canadiens. ».
Or, rappelons tout d’abord qu’il existe bien une loi ayant été adoptée en 1857 (et par ailleurs très raciste), au nom évocateur de « Acte pour encourager la civilisation graduelle des tribus sauvages en cette Province, et pour amender les lois relatives aux Sauvages ». Mais, précisons, que disait cette loi en question?
Elle affirmait qu’un « Indien » de sexe masculin pouvait obtenir le droit de vote en demandant son émancipation afin de se voir attribuer une terre sur laquelle il devra payer un impôt foncier. Cependant, l’émancipation était acceptée qu’à condition d’abandonner ses droits acquis en réserve, impliquant souvent sa famille et sa culture. « L’indien » devait également faire la preuve de sa scolarisation et de ses bonnes mœurs. Nul besoin d’expliquer au lecteur qu’il n’y a pas eu de « civilisation graduelle » des masses de « tribus sauvages » du fait de la nature absurde et foncièrement raciste de cette loi de 1857.
L’article dénonce par la suite le sexisme contre les femmes autochtones : « Une Indienne perdait son statut si elle épousait un non-Indien. Les enfants issus de ce couple devenaient aussi des non-Indiens ». Sans qu’elle ne soit nommée, précisons que le couple fait référence ici à une loi apparue en 1876, « L’Acte sur les Sauvages ». Les dispositions de cette loi (encore une fois, foncièrement raciste et sexiste) faisaient effectivement en sorte que le mariage d’une femme autochtone avec un allochtone entraînait la déchéance de son statut et de celle de sa descendance. Cette disposition sera en vigueur jusqu’en 1985, même après la réforme de 1951 ayant entraîné la création de la Loi sur les Indiens.
Ce que les déclarations de Suzie Lacasse et Pierre Boulanger omettent, c’est que cette injustice historique a été reconnue et corrigée par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt McIvor en 2010 et par la Cour supérieure du Québec dans le dossier Descheneaux en 2015. Ainsi, avant une modification législative à la Loi sur les Indiens en 1985 (en vigueur alors en même temps que la Charte canadienne qui aurait rendu inconstitutionnelle cette disposition à sa face même), la femme autochtone qui marierait un allochtone était déchue de son statut autochtone, de même que ses enfants. Les deux décisions ont permis à des milliers d’autochtones de retrouver leur statut du fait de cette injustice.
Ce qui soulève la question de déterminer pourquoi Suzie Lacasse et Pierre Boulanger n’ont pas bénéficié de la récupération de leur statut? Cela relève tout simplement du fait qu’il n’y a pas la présence d’ancêtres autochtones dans leur famille. Du moins, pas dans les quatre dernières générations, soit un parent sur seize.
Ce phénomène social est désormais surnommé « pretendian » par les autochtones, une contraction des mots « prétendre » et « indiens ». Il s’agit plus précisément d’individus, notamment québécois de souche française, qui se réclame d’une origine autochtone sans appartenir à une moindre famille ou communauté autochtone. Les raisons d’un tel comportement sont diverses. Mais, puisque de tels comportements entraînent l’omission d’informations importantes sur les enjeux autochtones et dépouillent des autochtones d’une visibilité médiatique sur ces enjeux, un rappel des faits était nécessaire.
La situation laisse autant plus dubitatif lorsqu’il est déclaré que « n’importe qui peut devenir membre du Clan Nolka ». Ce qui revient à dire que n’importe qui peut désormais se prétendre autochtone.
Le Clan Nolka se réclame également « membre de la Fédération Amérindienne des sangs mêlés », un autre mouvement qui s’affirme quant à lui parmi les Métis de l’Est.
Contrairement à la Nation métisse de l’Ontario qui a réussi à faire reconnaître son identité Métis en Cour suprême dans l’arrêt Powley et sous réserve des critiques émises par les autres nations Métis dans l’Ouest, les Métis de l’Est ont échoué à faire reconnaître le statut de Métis sous l’article 35 de la Charte canadienne en Cour supérieure, et ce dans l’affaire Séguin. Pourquoi?
Tout simplement parce que l’argument principal des Métis de l’Est est que la culture des « coureurs des bois » est issue du métissage. Cependant, bien qu’il y ait eu métissage entre population autochtone et de descendance européenne, une chose est certaine dans l’étude historique, c’est qu’une culture nouvelle n’en a pas émané. Les coureurs des bois étaient simplement des individus qui ont fait le commerce de fourrure avec les autochtones et qui ont empreint à ces derniers certaines techniques et ont appris la langue. Mais, il n’y a pas émané une culture nouvelle, comparativement à l’Ouest canadien qui a vu une nouvelle langue, une culture propre et une histoire avec son lot de défis politiques, à l’instigation par exemple de Louis Riel.
Force est de constater que suivant la Loi de Brandolini (il faudra toujours plus d’énergie pour démontrer une fausseté que d’énergie pour produire cette fausseté), il semble que les «pretendians» et les Métis de l’Est continueront de faire couler beaucoup d’encre…
Un texte collaboratif de Pierre-Simon Cleary, avocat innu et Éric Pouliot-Thisdale, historien innu
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